Conjoncture : comment les finances publiques résistent au Covid-19

Malgré une trésorerie éprouvée par les crises sécuritaire, économique et désormais sanitaire, l’Etat continue d’honorer ses différents engagements (salaires, investissements etc). Et ce, grâce aux réformes menées ces dernières années pour assainir les finances publiques.

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On avait cru ne plus voir de longues files d’attente devant les banques en cette période de paiement des salaires des agents de la fonction publique, du fait de la pandémie du Covid-19. Que non ! Le phénomène persiste, même si les mesures de distanciation et de port de maque sont observées. Gilbert T, cadre au ministère de l’Eau et de l’Energie, s’est retrouvé le 25 avril dernier devant le guichet de la banque où il a ses habitudes, situé aux encablures du carrefour Ekounou. La raison de son assiduité à ce poste de paiement est toute trouvée : « c’est ici que je viens toucher mon salaire, cet endroit est moins couru, comparé aux autres guichets que l’on retrouve en ville », explique-t-il, souriant. A l’exemple de Gilbert T, nombreux sont les agents de la fonction publique qui, à travers le triangle national, touchent, sans discontinuité leurs revenus mensuels, malgré les multiples contraintes financières auxquelles l’Etat du Cameroun fait face depuis quatre ans. « Il faut avoir l’honnêteté de le reconnaître, nos finances publiques font preuve d’une résilience à nulle autre pareille », s’exclame Phillipe P, économiste. Avant d’ajouter que « parfois, on se demande comment l’Etat, et surtout le ministre des Finances fait-il pour tenir ? Surtout quand on tient compte de ce que d’année en année, la masse salariale augmente », conclut-il.

Masse salariale en hausse permanente

 En effet, des chiffres officiels indiquent que la masse salariale dans le secteur public était de 1 058 milliards de francs CFA en 2019, contre 1 024 milliards en 2018. A en croire des sources au ministère des Finances, le montant de la masse salariale en 2019 était en hausse de 34 milliards de francs CFA par rapport à l’exercice budgétaire précédent. Comme explication, les officiels avançaient alors que cela est tributaire à « l’augmentation des salaires et les recrutements d’agents de la fonction publique ». Des spécialistes expliquaient que cette légère hausse n’est toutefois qu’un début de la montée prévue de la masse salariale dans les années à venir. D’après le tableau prévisionnel des opérations financières de l’Etat, « la masse salariale dans la fonction publique devrait augmenter de 128 milliards de francs CFA sur la période allant de 2019 à 2021 ». Malgré cette situation, soutiennent d’autres experts, l’Etat parvient tout de même à payer les salaires et pensions des fonctionnaires et autres agents publics. Sans oublier, soulignent-ils, les nombreux investissements lancés à travers le pays, réhabilitation des routes, poursuite des travaux de la première phase de l’autoroute Douala-Yaoundé, etc. Mais comment l’Etat fait-il pour tenir malgré toutes ces contraintes ? Des spécialistes rétorquent globalement que c’est le fait des réformes mises en œuvre par le ministre des Finances, Louis Paul Motaze.

Réformes

Les spécialistes semblent s’accorder sur le principe selon lequel parvenir à honorer certains engagements régaliens de l’Etat, c’est prendre la décision de réduire les poches de dépenses qui grèvent inutilement le budget de l’Etat. « C’est ce que le ministre des Finances appelle l’optimisation des dépenses publiques, c’est-à-dire, ne dépenser qu’à concurrence de ce que l’on dispose ». Dans cette mesure, précisent les mêmes sources, Louis Paul Motaze a mené une kyrielle de réformes au nombre desquelles il convient d’en citer au moins deux. L’opération de comptage physique initiée en 2018 puis le virement individualisé des salaires des agents de l’Etat. En ce qui concerne par exemple le Coppe 2018, elle avait été mise sur pied dans le but d’expurger du fichier solde l’Etat, ceux des fonctionnaires fictifs qui émargeaient frauduleusement au budget de l’Etat. Résultat ? « Plusieurs centaines de milliards ont ainsi économisés et réaffectés aux autres besoins de l’Etat », affirme, presque péremptoirement Justin B, cadre au ministère des Finances. Autre fait marquant, la mise sur pied d’un nouveau système de virement individualisé des salaires, encore appelé Système de Télé Compensation en Afrique Centrale (Systac). Entré en vigueur depuis la fin du mois d’août 2018, il permet, d’après les spécialistes, « une meilleure interaction entre le système bancaire et le Trésor public, sous la direction de la direction nationale de la Banque des Etats de l’Afrique Centrale ». Mais surtout de « régler les salaires en temps réel, de corriger les erreurs sur le traitement de la solde dans un délai maximum de 72 heures, d’assurer un retour quasi instantané des rejets salaires et de mieux appréhender les problématiques liées aux contentieux des rejets salaires ». Le directeur général du Trésor au Minfi, Sylvestre Moh Tangongho, expliquait que Systac a également permis de « traquer des fonctionnaires fictifs, de faire des économies qui sont désormais destinées à d’autres besoins de l’Etat ». Ce qui expliquerait donc le fait que, malgré les temps difficiles que le Cameroun traverse, le pays reste debout, arguent des experts.

Junior Matock, par Défis Actuels No 476

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