Comment la concurrence a « tué » la Cename

Confrontée depuis plusieurs années à d’énormes difficultés structurelles aggravées en 2020 par la pandémie de la Covid- 19, elle se trouve dans l’incapacité d’accomplir pleinement ses missions.

112 milliards FCFA. C’est l’excédent budgétaire par lequel la Centrale Nationale d’Approvisionnement en Médicaments et Consommables Médicaux (Cename), a clôturé l’exercice 2020.Ceci résulte selon des sources officielles, d’un report de l’exercice 2019, qui représente 9 % des émissions, ainsi que du faible taux d’exécution des dépenses par rapport aux prévisions (33,64 %) et des recouvrements hors budget (163 % des émissions). En effet, la principale activité du Cename à savoir la vente des produits pharmaceutiques et consommables médicaux essentiels, qui représentaient 38 % de son chiffre d’affaires en 2019, abaissé de 58,34 % en 2020 en raison des difficultés de recouvrement des créances sur les Fonds régionaux et les hôpitaux. La Centrale totalise un montant de 11 milliards FCFA de créances sur les clients au31 décembre 2020. Comparativement à l’exercice 2019,le stock de créances a diminué de 14% grâce aux efforts de recouvrement effectué auprès des clients. Le recouvrement exceptionnel suscité n’a pas impacté significativement sa trésorerie car une bonne partie des factures financées par les fonds de contrepartie de l’année 2015 reste impayée, pour un montant de 1,6milliard F CFA. L’accumulation des arriérés auprès des fournisseurs est à l’origine du gel des approvisionnements et par ricochet de la rupture des stocks des molécules. L’analyse des données financières de l’exercice montre que la Cename est possède en 2020 une dette à court terme d’un montant total de 9,5 milliards F CFA composée de la dette-fournisseurs (8 milliards FCFA), de la dette fiscale (448 millions F CFA), de la dette sociale (75 millions F CFA) des autres dettes (1,1 milliard F CFA).Toujours d’après les sources officielles, à l’exception de la dette fournisseurs qui a connu une baisse de 22 % entre 2019 et 2020, les autres postes de dette ont augmenté sur la période. La valeur des immobilisations dans le patrimoine actuel de le Cename (4,97 % du total du bilan en 2020) ne semble pas refléter le potentiel réel dont dispose la Centrale pour l’accomplissement de ses missions. Idem pour les stocks et les créances dont les valeurs devraient être déterminées à l’issue des travaux d’inventaire. A cet effet, la mise en place d’une comptabilité conforme au droit comptable Ohada (Organisation pour l’harmonisation en Afrique du droit des affaires), va permettre à la Cename d’avoir une meilleure évaluation de son patrimoine. La Cename dispose d’un énorme potentiel qui devrait lui permettre de satisfaire les commandes de ses clients de près de 80%.

DOMINATIONS DES IMPORTATIONS

Toutefois, une source au sein de cette entreprise renseigne que son environnement marqué par une forte concurrence des entreprises privées d’une part, et la réticence des fournisseurs à répondre aux sollicitations de la Centrale d’autre part, entrainent une couverture de la production nationale en médicament par cette dernière de moins de 5% de la demande domestique, estimée en valeur monétaire à 200 milliards de FCFA en moyenne annuelle, dans un secteur quasi-dominé par les importations. « Nous avons trouvé une structure affaiblie par les difficultés de trésorerie et une image peu reluisante. Les fournisseurs se plaignent du non règlement de leurs factures échues, tandis que les clients déplorent la faible disponibilité des produits pharmaceutiques. Nous avons cependant observé que la structure dispose d’un énorme potentiel, et avons tout de suite décidé d’affronter les plus grands obstacles, notamment le faible taux de recouvrement. L’accroissement du taux de recouvrement nous permettrait de reconstituer le stock pour reconquérir la clientèle. Nous avons également noté qu’il est nécessaire de rétablir la confiance avec les divers partenaires, notamment ceux spécifiques au renforcement de la chaîne d’approvisionnement en produits des Programmes de santé publique. Nous saurons compter sur le soutien indéfectible du gouvernement, du Conseil d’administration, du Minsante (tutelle technique), du Minfi (tutelle financière) et d’autres départements ministériels et surtout du personnel très dévoué », a indiqué Vandi Deli, Directeur général de la Cename dans une interview au journal Echos santé. A noter que d’après lui, la crise sanitaire de la pandémie de la Covid-19 a contribué à la dégradation de la situation de la Cename tout au long de l’année 2020. La reprise post-Covid-19, annoncée dans le nouveau Programme Economique et Financier 2022-2024 conclu avec le FMI, devrait être une opportunité pour la relance de ses activités et son retour à l’équilibre financier. Pour ce faire, l’on pourrait envisager un assainissement du stock des créances et des dettes de la Centrale d’après la CTR. Ceci, au travers de la signature des conventions de dettes croisées avec l’Etat et des moratoires de paiement avec ses clients insolvables constitués pour la plupart des Fonds régionaux et les hôpitaux. En outre, l’arrimage de la Centrale au Syscohada (système comptable préconisé par l’acte uniforme n°7 portant Organisation et Harmonisation des comptabilités sises dans les Etats membres qui ont signés le traité de l’Ohada), pourrait être un atout majeur dans la maitrise des coûts et la quête d’une plus grande compétitivité. Une autre source confie que pour faire face à la dégradation de sa situation, traduite par le gel des approvisionnements parles fournisseurs et les difficultés de recouvrement des créances, le top management de cet organisme a renforcé les outils de gouvernance et a sollicité un accompagnement de l’Etat pour juguler ces difficultés. Le Conseil d’administration a décidé en décembre 2020 de la création en son sein d’un Comité ad-hoc chargé de mener un plaidoyer pour le recouvrement des créances, et a pris la résolution relative au recrutement d’un cabinet à l’effet de faire un audit portant sur les dettes, les créances, le stock et les ressources humaines de l’organisme. « Nous allons rétablir la relation de confiance avec les fournisseurs pour leur manifester l’assurance à procéder au paiement de leurs factures échues. Un élément important consiste à mener un plaidoyer à l’endroit du Gouvernement afin de pouvoir améliorer la capacité de recouvrement des créances énormes (près de 10milliards) de la structure. Le recouvrement desdites créances permettra de redonner une santé financière à la Cename afin de pouvoir régulariser sa situation vis-à-vis des fournisseurs. Un autre aspect est celui relatif à la restructuration de la Centrale par le renforcement du taux de technicité pour une bonne gestion, un stockage et un meilleur circuit logistique », assure-t-il. « Il est également important poursuit-il, de rendre plus fluide et diligent, le processus d’acquisition des médicaments (qui sont pour la plupart des produits d’urgence) à travers la mise sur pied parle gouvernement, des mesures appropriées. En interne, nous procéderons à la révision de certains documents stratégiques (manuel de procédures) pour améliorer la performance par la réduction des délais de traitement des factures et de livraison.

LES DEBOIRES DU DG VANDI DELI

L’atmosphère est mouvementée du côté de la Centrale Nationale d’Approvisionnement en Médicaments et Consommables Médicaux (Cename).En l’espace d’une semaine, le patron de la Cename a été suspendu de ses fonctions, s’est vu interdit d’accès à son bureau et son véhicule de fonction retiré, à la demande du Conseil d’administration. Les scellés apposés sur son bureau ont été levés le 22 mars, renseigne un membre du Conseil d’administration, contacté par lurgentiste.com.

HUIT FAUTES DISCIPLINAIRES

Les rapports avec la présidente du Conseil d’administration (PCA), Marie Mélanie Bell, se sont davantage dégradés la semaine dernière, débouchant sur la tenue d’une session extraordinaire du Conseil d’administration. Des sources internes à ce conseil confient que le directeur général a été sanctionné pour «fautes disciplinaires ». « Le Conseil d’administration a relevé 8 fautes disciplinaires à l’encontre du DG ». D’où la suspension d’un mois retenue par les membres du Conseil, contre ce natif de Mogodé à l’Extrême-Nord. Dans la même veine, la gestion des affaires courantes et financières a été respectivement confiée au Dr Souaibou, et le nommé Edoa Mvogo. Le premier est directeur des Approvisionnements à la Cename et le deuxième est représentant du ministère des Finances au Conseil d’administration.

ARTIBRAGE INUTILE DU MINSANTE ?

Toujours selon lurgentiste.Com, le ministre de la Santé publique (Minsanté) et tutelle administrative de la Cename, a« attaqué certaines résolutions du Conseil d’administration »,confie un proche du Dr Vandi Deli. Et pour cause,« le ministre dit qu’il n’a pas été associé à cette décision »,confie-t-on au Minsanté. Dans le camp de la PCA, l’argument avancé par le Minsanté n’a pas lieu d’être, car « il n’est que la tutelle de la Cename et n’est pas membre du Conseil. Il ne peut donc pas être associé aux décisions qui y sont prises », précise notre source. Mais ce qui est sûr, c’est que les événements de ces derniers temps ne font pas l’unanimité au sein du Conseil d’administration. Certains membres trouvent que la PCA a eu la main lourde. « Il n’y a pas eu détournement de fonds. On ne devait donc pas avoir une pose de scellés», commente l’un d’eux.

CLIMAT SOCIAL TENDU

Chez le personnel, ces événements ne rassurent pas. D’autant plus qu’ils interviennent dans un contexte où le climat social est tendu par plus d’un problème. D’abord, la gestion des congés du personnel. Le remous vient de ce que des employés sont mis en congés pour une durée indéterminée. Certains cadres sont en congé depuis 9 mois et d’autres 11 mois, en violation de la réglementation, apprend-on. L’absence d’une assurance maladie oppose également le personnel au directeur général. Cette situation perdure depuis deux ans.« Nous n’avons plus d’assurance maladie depuis que le Dr Vandi a pris fonction ici. Avant, lorsqu’un employé était malade ou un membre de sa famille, l’assurance leur garantissait une prise en charge. Nous n’avions donc pas à débourser de l’argent pour des soins de santé. Mais, les choses ont changé », déplore un cadre. Ces problèmes font partie du chapelet de griefs présenté au Minsanté ce 22 mars. Les employés souhaitent ainsi que le patron de la Cename « humanise son management ». Le Dr Vandi Deli n’a pas encore réagi à ces informations et accusations. Toute tentative de communication avec le concerné est restée veine.

Par AA

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