Dès le 11 juin 2024, la BEAC a injecté 120 milliards de FCFA dans le circuit bancaire, une somme significative mais encore insuffisante face à des demandes qui se sont élevées à 292 milliards de FCFA en seulement une semaine. Cette tendance s’est confirmée tout au long des semaines suivantes : à chaque opération d’injection, les besoins exprimés par les banques ont largement excédé les montants proposés par la banque centrale. Par exemple, lors de l’opération du 2 juillet 2024, la BEAC a offert 165 milliards de FCFA, mais les banques en ont sollicité 385 milliards, soit un taux de souscription de 233,33%.
Cette forte demande traduit une dépendance croissante des banques aux liquidités fournies par la banque centrale. La suspension des injections de février 2023 à juin 2024 a laissé de nombreuses banques dans une situation délicate, où l’accès à des financements est devenu rare. La hausse des taux directeurs, couplée à une politique de reprise de liquidités, a considérablement limité les ressources disponibles pour les banques. Celles-ci ont donc accueilli avec soulagement la reprise des injections de liquidités. La preuve, après l’opération du 11 juin, la BEAC en a effectué 12 autres d’un montant cumulé de plus de 2 100 milliards de FCFA, dont les offres ont toutes obtenu un taux de souscription loin au-dessus des 100%. La dernière en date, une offre de 250 milliards de FCFA le 3 septembre qui a obtenu un taux de souscription de 169,20%, les besoins exprimés par les banques ayant atteint 423 milliards de FCFA.
L’effet du durcissement de la politique monétaire
D’après des analyses d’experts en finance, l’une des raisons pour lesquelles les banques sont devenues si dépendantes des liquidités de la BEAC réside dans le contexte monétaire de la région. Depuis fin 2021, la banque centrale a durci sa politique monétaire pour combattre une inflation galopante. Cette politique a entraîné une hausse des taux directeurs, limitant l’accès aux crédits pour les banques. En parallèle, la Beac a intensifié ses opérations de reprise de liquidités, drainant des fonds des coffres des banques à travers l’émission de bons BEAC. Le coût du crédit est devenu prohibitif, tant pour les Etats que pour les opérateurs économiques et les ménages. Face à cette situation, les banques ont dû compter sur les rares opportunités d’injection de liquidités pour maintenir leurs opérations et répondre à la demande croissante de crédit dans la région.
Une autre explication à cette dépendance croissante est liée à l’augmentation des besoins de refinancement. Selon la BEAC, l’augmentation des demandes des établissements de crédit au compartiment des interventions de la Banque centrale résulte de plusieurs facteurs, dont la nécessité de refinancer des actifs devenus plus coûteux dans le contexte d’un durcissement monétaire. Les banques de la région ont également dû faire face à une hausse des créances douteuses, conséquence d’une économie fragilisée par la pandémie de Covid-19 et les conflits régionaux.
Cette situation rend les banques plus vulnérables, les obligeant à rechercher activement des sources de liquidités pour maintenir leur solvabilité. Les injections de la BEAC, bien que limitées, représentent une bouffée d’air frais pour les établissements de crédit, leur permettant de refinancer leurs opérations à des conditions relativement avantageuses comparées à celles du marché.
L’inflation résiste aux mesures de la BEAC
Cependant, malgré ces injections de liquidités, la situation économique de la zone Cemac reste préoccupante, en particulier en ce qui concerne l’inflation. Par exemple, au Cameroun, l’inflation a atteint 6,3% entre avril 2023 et avril 2024, bien au-delà de la limite de 3% exigée en zone Cemac. Ce taux d’inflation persistant remet en question l’efficacité des mesures de resserrement monétaire prises par la banque centrale, tout en illustrant la difficulté à équilibrer les besoins de financement des banques avec les objectifs de stabilité macroéconomique.