Le recyclage, la récupération : comment mieux organiser le système actuel pour valoriser les déchets et assainir nos quartiers ?
Comment améliorer l’organisation actuelle pour transformer les déchets en richesse, dans une véritable logique d’économie circulaire ? Je voudrais partir d’un exemple concret : celui d’un maire, à Bangangté, qui faisait face à l’absence de collecte d’ordures ménagères. Que s’est-il passé ? Nous savons que, dans notre pays, environ 80 à 85 % des déchets sont d’origine ménagère. Cela signifie que la majorité des déchets que nous voyons, dans les rues, aux abords des marchés, viennent de nos activités domestiques : ce que nous rejetons en cuisinant, après avoir mangé, ou ce qui reste des étals.

En tant que maire, j’ai donc pris l’initiative de créer un centre de tri. Ce centre a permis de créer des emplois pour plus de 60 jeunes et à terme, c’est près d’une centaine de jeunes qui y travaillaient, dans le centre de tri de Noumgha. Leur mission était simple : séparer les déchets biodégradables des non-biodégradables. Ces derniers étaient enfouis, tandis qu’une approche spécifique de gestion était mise en place pour les biodégradables. J’ai d’ailleurs travaillé avec Emmanuel Ngnikam, directeur de ERA Cameroun, que j’ai associé à ces initiatives. Grâce à cette collaboration, nous avons pu transformer les déchets biodégradables en compost biologique, que j’ai ensuite distribué gratuitement aux mamans du village.
Lors des semis, je leur ai demandé de comparer les résultats de trois types de culture de maïs : celui nourri avec le compost préparé, celui fertilisé avec des fientes de poules, très prisées pour leur richesse en nutriments, et enfin, celui traité avec des engrais chimiques provenant de la quincaillerie, afin d’évaluer leur efficacité respective. Les résultats ont été parlants : le maïs produit avec notre compost était de meilleure qualité.
Ce compost que je donnais gratuitement, j’ai pu le vendre par la suite à 2 300 FCFA contre 2 500 FCFA pour les fientes de poules, et 4 000 FCFA pour les engrais chimiques. Cela prouve que si nous transformons nos déchets, ceux que nous voyons dans la rue, nous pouvons créer de la richesse, tout en préservant durablement notre environnement. Car, et nous le savons, dans le contexte actuel du changement climatique, l’environnement que nous polluons aujourd’hui peut décider de nous tuer demain. Il est donc vital d’en prendre soin.
Voilà, en résumé, l’expérience que je voulais partager. Je ne prétends pas donner une solution miracle. Le rôle du Minhdu, comme cela a été rappelé, est avant tout de coordonner, de mettre les acteurs ensemble, dans une sorte de think tank, un espace d’intelligence collective où experts, pollueurs, opérateurs, partenaires peuvent réfléchir ensemble et proposer des solutions. L’une de ces solutions doit porter sur toute la chaîne de gestion des déchets. Il s’agit de la production des déchets ; la pré-collecte, est-elle faite en vrac ? Dispose-t-on d’assez d’espace pour trier ; le transport et enfin, le traitement. Et ce traitement, au bout de la chaîne, doit permettre d’entrer pleinement dans une économie circulaire : produire, transformer et valoriser nos déchets comme des ressources.

En prenant une place prépondérante, le Minhdu ne risque-t-il pas d’outrepasser ses prérogatives et d’interférer avec les missions du Ministère de l’Environnement, de la Protection de la Nature et du Développement durable ?
Nous n’empiétons pas sur le champ de compétences du ministère de l’Environnement. D’ailleurs, nous avons associé ce ministère aux États généraux, car il est en charge des questions liées à l’impact des déchets sur le climat, ainsi que des politiques d’atténuation et d’adaptation aux changements climatiques.
Pour notre part, nous gérons concrètement les déchets. Nous avons également associé le Ministère de l’Agriculture et du Développement rural (Minader), car près de 80 % des déchets que nous produisons proviennent de l’agriculture et de la pêche, secteurs dans lesquels le Ministère de l’Élevage, des Pêches et des Industries Animales (Minepia) est également impliqué. Cela témoigne de la cohérence de l’action gouvernementale, conformément à la vision du président de la République. Il n’y a aucun empiètement : chaque ministère est représenté au sein du groupe de travail, qui a commencé ses travaux avant l’ouverture des contributions, le 15 avril.
Nous avançons dans la même direction, assainir nos villes et faire en sorte que la transformation des déchets en ressources soit une réponse durable au défi environnemental. Comme l’a souligné le ministre, il s’agit d’envisager un véritable retour sur investissement. L’objectif n’est pas de considérer les déchets comme un simple fardeau pour les finances publiques, mais de les traiter comme une ressource capable de générer des solutions pérennes.