Après avoir cédé la grande partie de ses filiales, le groupe français finalisera la dissolution de sa direction Afrique Centrale et de l’Est lors d’une AG extraordinaire prévue ce 08 Août à Douala.
Depuis juin 2023, le groupe bancaire français Société Générale se désengage progressivement du continent africain. Les dirigeants du groupe ont d’abord annoncé la sortie de quatre pays. Le Tchad, la Mauritanie, le Congo et la Guinée Equatoriale. Puis coup sur coup, on a observé un vaste programme de cessions en Afrique. Sa filiale marocaine a été reprise par le groupe Saham, propriété du milliardaire Moulay Hafid Elalamy ; celle de sa division spécialiste du crédit-bail, Société générale Equipment Finance a été achetée par BPCE (Banque populaire-Caisses d’épargne). La franchise du Tchad a été passée à Coris Bank tandis que BGFI Bank a repris celle du Congo. En Afrique centrale, seul le sort du Cameroun, son principal marché dans la région n’a pas encore été dévoilé.
Dans quelques jours, la 17eme banque mondiale va finaliser son départ du continent. Une assemblée générale extraordinaire de la direction Afrique centrale et de l’Est est prévue ce 08 août à Douala. L’un des points inscrits à l’ordre du jour est la dissolution de cette direction et la désignation d’un mandataire pour mettre en œuvre la décision. Ce sera sans surprise pour le monde de la finance. Car, Société générale (SG) a annoncé depuis sa volonté de quitter le continent africain pour « se concentrer sur les marchés plus matures ».
Société Générale Afrique centrale et de l’Est est composée des filiales du Cameroun, Congo, Tchad Guinée Equatoriale, Madagascar et Mozambique. Son capital est estimé à 100 millions de FCFA.
Interview
Jean Marie BIADA, expert financier
« C’est le résultat des parts de marché perdus par la France »
L’expert certifié Onudi en diagnostic et mise à niveau des entreprises décrypte la décision du groupe Société Générale de quitter le continent tout en dévoilant les implications pour le secteur financier.
Le groupe bancaire Société Générale est sur le point de dissoudre sa Direction Afrique Centrale et de l’Est. Ce, après avoir cédé la plupart de ses filiales d’Afrique de l’Ouest. Comment comprendre le départ de ce géant de la finance ?
La société générale est classée dans la catégorie des entreprises mondiales. Et toutes ces grandes entreprises aux yeux du grand public représentent la France. Il y a deux ans, le président français a dit que la France a suffisamment perdu en Afrique. Elle qui était pratiquement à 38% de parts de marché a dégringolé pour se retrouver à 10%. La France qui avait à l’époque ce qu’on appelle des marchés captifs est aujourd’hui en totale concurrence avec des partenaires qu’on ne voyait pas avant. Dans le domaine de la banque. Au début des années 60, c’était la société générale du Cameroun, la Bicec et Paribas. Et en dehors de Paris bas qui venait de France on n’avait plus d’entreprises qui venaient d’ailleurs. Depuis 2000, la sur bancarisation a fait en sorte que le secteur s’est effondré. Et on s’est retrouvé pratiquement autour de 10 entreprises. Donc jusqu’en 2000 nous n’avions que 10 banques commerciales au Cameroun.
Est-ce à dire que le secteur a aujourd’hui peu de potentiel au niveau du Cameroun par exemple où on observe pourtant ces dernières années, l’arrivée de plusieurs banques dont Africa Golden Bank en est la dernière ?
Le Cameroun vise à se doter de 35 à 38 banques à l’horizon 2030. C’est-à dire que le Cameroun va agréer plusieurs banques les prochaines années. Or, est-ce que la taille de la population a augmenté? Pas du tout. Donc résultat de course, la société générale se rend compte que ce n’est plus le marché où il devait se battre contre 9 concurrents. Il se retrouve aujourd’hui à se battre contre 18 confrères. En un lapse de temps, Access Bank est arrivé ici et avec une seule agence à Akwa veut racheter Standard chartered bank. Or, UBA qui est une grande banque ici est derrière Access bank. Or, Access Bank est britannique, la standard est américaine, vous voyez que tout ce beau monde est en train de se retirer parce qu’à l’époque ils étaient dans un marché captif où ils faisaient la pluie et le beau temps. Mais aujourd’hui, on se rend compte que malheureusement dans les pays voisins du Cameroun, les locaux sont de plus en présents, comme le Togo à travers Ecobank a déjà percé le marché, le Nigeria voisin à travers UBA, la Guinée Equatoriale à travers Bange Bank… donc ces gens se retrouvent à l’étroit au point qu’ils veulent seulement se retirer.
Ce départ de Société Générale aura-t-il un impact sur le secteur financier ou l’économie camerounaise ?
Il n’y aura pas d’impact particulier par ce qu’elle n’est pas une entreprise industrielle mais une entreprise de service. Deuxièmement, la banque propose les mêmes produits que Afriland first Bank. Car le rôle de la banque c’est collecter l’épargne auprès des investisseurs et épargnants et reverser cette épargne dans le cadre des activités de crédit. A moins que la société se retire sans indemniser ceux qui ont de l’argent dans ses guichets. On pourra ressentir de petites secousses mais qui seront rattrapées par le gouvernement via la société de recouvrement des créances (SRC). C’est -à -dire que le volume de dette peut être transféré à la SRC.
Le secteur financier c’est 4 maillons : les activités de micro-finance, de change, les assurances et enfin les banques. Voilà des concurrents qui offrent à peu près le même service et de mon point de vue je ne pense pas que le retrait d’un seul concurrent, un fût-il dans le top 5, son simple retrait puisse porter atteinte au fonctionnement du secteur. Quand on parle de dissolution, il s’agit de la vente. Donc quand on aura approuvé les états de synthèse arrêtés au 30 juin 2024, on verra les actifs et les passifs qu’on va proposer en vente. Dissoudre c’est une façon de dire qu’on va racheter. Donc ils vont simplement vendre leurs actions et les confrères qui sont dans le domaine vont reprendre l’activité à leur compte et poursuivre l’exploitation.