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AccueilPolitique & SociétéAyah Paul Abine : Un combat inachevé

Ayah Paul Abine : Un combat inachevé

L’ancien avocat général devenu opposant s’est éteint, sans avoir vécu la fin des « frustrations » de la minorité anglophone.

Ayah Paul Abine n’est plus. L’ancien avocat général à a Cour suprême du Cameroun s’est éteint ce 24 décembre 2024 à Buéa, des suites de maladie. Le magistrat à la retraite avait une santé précaire depuis son passage par la prison. La nouvelle est rendue publique par sa famille. C’est la fin d’un combat inachevé qu’a engagé l’ancien député, pour le désenclavement d’Akwaya. D’autant plus qu’à ce jour, cette localité demeure l’une des plus pauvres du Cameroun. Le mandat de député que le magistrat avait obtenu n’ayant pas permis qu’il fasse entendre la voix des siens, « oubliés». Et c’est d’ailleurs ce combat qui occasionera un virage en vitesse dans la carrière et la vie de l’homme. Faute d’avoir pu se faire entendre comme député du Rassemblement démocratique du peuple camerounais (Rdpc), parti au pouvoir, Ayah Paul empruntera le chemin de la contestation, demandant le retour au fédéralisme. Un fédéralisme à deux Etats fondés sur les langues officielles que sont le français et l’anglais. Soupçonné de pactiser avec les séparatistes, Ayah Paul qui avait déjà claqué avec fracas les portes du Rdpc, après avoir boycotté en 2008 la plénière consacrée à la révision constitutionnelle, avait été arrêté et incarcéré, le 17 janvier 2017, alors qu’il est juge à la Cour suprême. Soit quelques mois après le déclenchement de la phase armée de la crise séparatiste dans les régions du Nord-Ouest et du Sud-Ouest. Sans jugement, Ayah Paul passa huit mois derrière les barreaux, sans être également inculpé. Une détention pendant laquelle sa santé se détériora, avec notamment avec des problèmes cardiaques et une paralysie des pieds depuis la hanche. Ce qui le coinçait désormais sur un fauteuil roulant. Malheureusement, le compte bancaire est gelé et l’homme désormais à la retraite forcée et qui a rejoint le barreau, est privé de sa pension retraite ainsi que de ses avoirs. Du coup, il ne peut facilement se soigner. C’est dans cette triste situation que l’ancien avocat général à la Cour suprême du Cameroun, a quitté la scène.

A lire aussi: Yaoundé aux trousses du fils d’Ayah Paul

Dans ce contexte, Yaoundé réprimait avec force toute opinion opposée à la décentralisation. Beaucoup de fédéralistes en avaient également pâti. Depuis son refus de cautionner la non limitation des mandats présidentiels et surtout une rallonge du bail de Paul Biya à la tête du pays, l’ancien député d’Akwaya, département de la Manyu, région du Sud-Ouest, était une bête à abattre pour le régime de Yaoundé. Le démissionnaire du Rdpc créa le People’s action party (PAP) aura de la peine à faire fonctionner son parti. Son compte bancaire gelé, Ayah Paul, malade, poursuivra son combat pour l’alternance et surtout pour un retour au fédéralisme. Lorsqu’éclate la crise dans les régions du Nord-Ouest et du Sud-Ouest en novembre 2016, Ayah Paul critique vertement la répression et les frustrations des Camerounais originaires de cette partie du pays.

Rencontre manquée avec Paul Biya

Paul Ayah Abine est originaire d’Akwaya dans le département de la Manuy, région du Sud-Ouest. Diplômé de l’université de Yaoundé en 1976, puis de l’Ecole nationale d’administration et de magistrature (Enam) deux ans plus tard, Paul Ayah Abine gravit les échelons de la magistrature et devient vice-président de la Cour d’appel du Sud-Ouest. Mais l’homme va virer à la politique. En 2002, l’élite est sollicitée par les populations d’Akwaya pour défendre leurs intérêts. « Je devais me servir de ma position à Yaoundé pour œuvrer à désenclaver une région oubliée des politiques publiques», déclinait-il en 2021, le mandat qui lui avait été confié, chez Jeune Afrique. Soulignant que « Akwaya à cette époque ne disposait d’aucune route. La seule acceptable était celle qui reliait la localité au Nigéria. Nous n’avions que deux centres de santé et deux écoles ». Durant son mandat, Paul Ayah ne parvint jamais à rencontrer Paul Biya pour porter les doléances de sa contrée. Il se contentera en 2008 d’une audience avec Martin Bélinga Eboutou, ancien Directeur du Cabinet civil de la présidence de la République, de regrettée mémoire. Pour une suite sans issue. Une frustration que l’homme n’a jamais digérée.

Ce qu’était devenu Ayah Paul

On comprend pourquoi l’homme qui sentait sa mission tourner à l’échec, refusa de voter pour la révision constitutionnelle en 2008. Il en paiera le prix. De sa vie ! A Buéa, où il résidait désormais depuis sa sortie de prison. Lui qui a refusé l’exil comme d’autres figures de la contestation au Cameroun. Sans avoir vu la Terre promise dont il rêvait : ce retour au fédéralisme, comme une des solutions au sous-développement de sa contrée, et à la marginalisation de la minorité anglophone du pays. « Ayah Paul is gone… A true leader, father and icon… A man to be celebrated. Go well dear Dad », peut-on lire sur la page facebook d’Ayah W. Abine, celui-là même qui dirige désormais la fondation créée par le défunt et qui subit également les foudres de Yaoundé. Traduction : « Ayah Paul est parti… Un vrai leader, père et icône… Un homme à célébrer. Bonne route papa».

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