Ayah Ayah : « Les enseignants et les élèves ont peur pour leur vie »

Acteur de la société civile anglophone et président de la Fondation Ayah, il analyse la situation de la rentrée scolaire dans les régions du Nord-Ouest et du Sud-Ouest.

Malgré la situation sécuritaire tendue, la rentrée scolaire a effectivement eu lieu la semaine dernière, dans plusieurs écoles de Buea et Bamenda, quel commentaire faites- de cette actualité ?

Tout d’abord, le Nord-Ouest et le Sud-Ouest ne se limitent pas dans les grandes villes de Buea et Bamenda. Il y a plus d’une dizaine de départements dans ces deux régions. Depuis l’année scolaire passée, ces deux villes nous font rêver qu’une rentrée scolaire paisible est possible dans la partie anglophone du pays. Malheureusement, cette éventualité ne se limite que dans les grandes villes. Quand on observe ce qui se passe dans les périphéries et même au sein de certains quartiers des grandes agglomérations, on comprend que l’on est très loin d’une reprise effective des cours dans les deux régions anglophones.

Plusieurs parents   ont encore peur d’envoyer leurs enfants à l’école et à côté plusieurs enseignants craignent de regagner les salles de classe. Pensez-vous qu’à cette allure l’école peut effectivement reprendre partout ?

 Année après année depuis le début de cette crise qui s’est transformée en guerre, on revit les mêmes scénarii. Une guerre sans pitié qui se déroule à huis-clos, avec des milliers de morts des deux côtés et la radicalisation approfondie des belligérants. Ce sont les civiles, parmi lesquels les enseignants et les élèves qui paient le prix le plus fort. Les parents meurent d’envie d’envoyer leurs enfants à l’école après tant d’années passées à la maison.  Mais les parents se trouvent confrontés aux menaces des séparatistes qui promettent la mort à ceux qui n’obéissent pas   aux mots d’ordre. Face à une telle situation, il ne faut pas en vouloir aux parents et aux enseignants qui, par peur pour leur vie, choisissent de boycotter la rentrée, à leur corps défendant. Mais nous tenons à saluer les enseignants, les élèves et les parents qui malgré ces menaces et au prix de leur vie, ont choisi le chemin de l’école.

 Plusieurs leaders séparatistes qui prônent le retour à l’école ont indiqué que les écoles doivent observer les villes mortes et ne doivent pas chanter l’hymne national, ni étudier l’histoire. Est-ce que cela ne participe pas à renforcer la peur dans les esprits des parents et des enseignants ?

La situation sur le terrain est extrêmement compliquée. Nous observons plus de radicalisation au jour le jour et la naissance de nouveaux groupes armés. A l’heure actuelle et contrairement à la situation que prévalait au début de la crise, il existe plusieurs groupes armés à la tête desquelles se trouvent plusieurs leaders qui ne s’accordent pas sur plusieurs points, surtout sur celui de la rentrée scolaire. L’année scolaire passée, certains leaders avaient déjà appelé à la reprise des classes dans le Nord-Ouest et le Sud-Ouest, un appel qui n’a pas été respecté. D’autres voix se sont ajoutées à celle-là cette année, mais pour le moment, il est très tôt d’évaluer l’impact de cet appel. Mais demander que les élèves ne chantent pas l’hymne national et que l’histoire ne soit pas enseignée, c’est compliquer davantage la situation déjà complexe. C’est dans l’intérêt de l’ensemble du peuple camerounais et à la communauté internationale d’œuvrer agressivement pour un cessez-le-feu au plus vite, pour permettre aux enfants de fréquenter sereinement et aux belligérants de mener un dialogue inclusif, pour adresser les causes profondes de cette crise devenue très critique.

Interview réalisée par Joseph Essama

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