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14e Conférence Ministérielle De l’OMC : Agriculture, pêche, numérique sont les priorités des pays du Sud

Réunis à Yaoundé, les pays francophones d’Afrique et de l’Océan Indien préparent leur participation à la 14e Conférence ministérielle de l’OMC. Agriculture, pêche, e-commerce : les lignes de fracture restent nombreuses, mais les voix du Sud veulent se faire entendre.

« À partir de l’organisation du CM14 à Yaoundé, l’Afrique voudrait se présenter désormais comme un acteur majeur, dans les discussions sur les questions commerciales internationales », a déclaré Tuo Siriki, directeur de la coopération inter-régionale à l’ouverture de l’atelier de concertation francophone pour l’Afrique et l’Océan Indien qui s’est tenu à Yaoundé le 28 avril 2025. Un rendez-vous organisé en prélude à la 14e Conférence ministérielle de l’Organisation mondiale du commerce (OMC), prévue à Yaoundé du 26 au 29 mars 2026.

 « l’Afrique compte peser, dans les priorités et dans le nouvel agenda de l’OMC. Monsieur le ministre vient de l’indiquer. Que les questions de discussion à l’OMC aujourd’hui ne se centrent plus sur les questions de développement. Et vous le savez certainement que l’agenda de Doha, qui date de 2001, a complètement été mis à l’écart. Aujourd’hui, les questions en négociation à l’OMC sont un peu prises comme à la carte. Donc il n’y a plus de prévisibilité dans l’agenda. Et l’Afrique, à partir de CM14 à Yaoundé, permettra de pouvoir recadrer les différents membres sur cet aspect », avertit le directeur de la coopération inter-régionale au Ministère du Commerce et de l’Industrie ivoirienne qui a pris part aux travaux de concertation de Yaoundé.

À douze mois de ce grand sommet, les pays francophones de l’Afrique subsaharienne et de l’Océan Indien affûtent leur position commune. Objectif : parler d’une seule voix sur des enjeux cruciaux tels que l’agriculture, la sécurité alimentaire, la subvention à la pêche ou encore le commerce électronique. Au cœur des débats, la question agricole concentre toutes les tensions. « On ergote depuis de longues années autour de l’agriculture », a lancé Luc Magloire Mbarga Atangana, ministre camerounais du Commerce. « Oui, l’agriculture nous intéresse. Mais depuis des années, aucun accord n’a été trouvé. Chacun défend ses intérêts », a déploré le ministre camerounais. Or, a-t-il insisté, l’agriculture est indissociable de la sécurité alimentaire : « C’est une évidence. »

Sept dossiers majeurs, apprend-on, sont actuellement en négociation à l’OMC. Parmi eux figurent les subventions agricoles, les restrictions à l’exportation de denrées alimentaires, les barrières à l’accès aux marchés pour les producteurs, ou encore les règles sur les achats publics à prix administrés. Le ministre a également attiré l’attention sur une proposition de mécanisme de sauvegarde destiné à protéger les pays en développement face à la volatilité des marchés.

Un multilatéralisme en panne de sens

Dans un ton mêlé d’indignation et de lucidité, Luc Magloire Mbarga Atangana a questionné les fondements mêmes du système commercial multilatéral : « On a oublié que le but du multilatéralisme, c’était de promouvoir le développement des États par le commerce — pas de faire du commerce pour lui-même, au détriment des peuples. » Le ministre a plaidé en outre pour une réforme en profondeur de l’OMC : « Nous avons besoin d’un secrétariat qui décide, qui tienne compte de nos réalités, et pas seulement installé à Genève. Pourquoi n’aurait-on pas des représentations régionales ? D’autres organisations le font déjà. » Derrière cette proposition, c’est tout un modèle de gouvernance commerciale mondiale que le ministre du Commerce remet en question, un système souvent pensé loin des côtes africaines, appliqué sans nuance à des économies fragiles.

Les combats des pays du sud

Trois grands combats ont été particulièrement soulignés par le ministre. D’abord, les subventions à la pêche. Si la lutte contre la surexploitation est une priorité, elle ne doit pas se faire au détriment des communautés locales. « Ce sont les filets des pêcheurs artisanaux qu’il faut protéger, pas les flottes industrielles dopées aux aides publiques étrangères », at-il martelé, dénonçant une justice environnementale à double vitesse.

Ensuite, le commerce électronique. Présenté comme une « opportunité majeure » pour les PME africaines, il nécessite selon lui des règles équitables et protectrices : « Favoriser l’accès au marché numérique, oui, mais avec des garde-fous : sécurité des données, protection du consommateur, encadrement des plateformes. » Enfin, l’appel à un traitement différencié pour les pays en développement. « On a oublié ce principe fondamental ! Où en est-on avec la flexibilité dans les accords ? Avec la classification des États ? », a-t-il interrogé, appelant à une révision « courageuse, juste, différenciée ». Pour Luc Magloire Mbarga Atangana, l’heure est à la lucidité et à l’action. Les pays du Sud, dit-il, ne demandent pas des privilèges, mais la reconnaissance de leurs réalités dans un système mondial trop souvent déséquilibré.

« Nous voulons que Yaoundé soit ce New Deal que nous souhaitons de l’OMC »

LUC MAGLOIRE MBARGA ATANGANA, ministre du Commerce

« J ‘aime dire que le commerce mondial, c’est-à-dire le multilatéralisme commercial, a une origine. Je renvoie volontiers chaque fois au Kennedy Round, qui disait qu’on ouvrait les marchés pour promouvoir le développement des États par le biais du commerce. Promouvoir le développement des États par le biais du commerce. On ne disait pas promouvoir le développement du commerce. Nous voulons que Yaoundé marque le premier pas de ce New Deal que nous souhaitons de l’Organisation mondiale du commerce. Donc, la concertation devra travailler, réfléchir, cogiter sur un certain nombre de thèmes qu’il nous faudrait ensuite vendre aux autres membres pour éviter justement cet enlisement à travers des débats qui portent sur des sujets multiples et qui ne nous permettent pas, depuis Doha, réellement d’aboutir à des choses qui soient utiles à nos États et qui favorisent le commerce mondial. Donc il faut qu’on s’appuie sur un certain nombre de thématiques qui intéressent nos États et qui vont continuer à donner du sens à l’OMC. L’agriculture nous intéresse. On ergote depuis de longues années autour de l’agriculture. Mais il n’y a pas d’accord. Il n’arrive pas à trouver un accord à cause des égoïsmes. L’agriculture renvoie aussi à la sécurité alimentaire. C’est un thème sur lequel il nous faudra travailler dur pour essayer de trouver des consensus et les partager avec les autres. Il y a l’accord sur les subventions à la pêche, La première partie de cet accord a fait l’objet d’une décision, et c’est un pas important au sein de l’OMC. »

« A la CM14 l’Afrique va présenter les avancées de la Zlecaf »

TUO SIRIKI, directeur de la coopération inter-régionale au ministère du Commerce et de l’Industrie ivoirienne

« Aujourd’hui, à l’analyse, vous vous rendez compte qu’on est en train de chercher à mettre l’OMC à l’écart des négociations commerciales internationales. Ce qui n’est pas bien et ce qui n’est pas normal pour l’avenir du commerce international. Donc cette CM14 sera une occasion pour l’Afrique de dire clairement au monde, si nous voulons aller vers un monde de paix, si nous voulons aller vers un monde de commerce libre, il faudrait que tout le monde se retrouve au sein de l’OMC et que tout le monde accepte de négocier au sein de cette organisation. L’un des éléments également que je voulais indiquer, c’est de présenter le cadre de la Zlecaf, pour lequel tous les pays africains se déploient à mettre en œuvre cet accord. Et cette CM14 serait également l’occasion de dire au monde entier que l’Afrique avance sur son agenda personnel, son agenda qui lui permettra de pouvoir faire du marché africain un marché promoteur »

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