Le chiffre est tombé comme un rappel d’évidence. 5 % du PIB national provient du seul secteur de l’artisanat. Un indicateur trop souvent ignoré dans les discours macroéconomiques, mais désormais porté à la lumière par Achille Bassilekin III, ministre des Petites et Moyennes entreprises, de l’Économie sociale et de l’Artisanat, devant les députés. Loin d’être marginal, l’artisanat camerounais constitue une force vive de l’économie nationale, avec des savoir-faire enracinés dans les traditions culturelles. « Entre 2019 et 2024, nous avons accompagné près de 3 602 artisans à travers les bureaux communaux de l’artisanat », a indiqué le ministre, insistant sur l’importance des politiques publiques dans la structuration de ce vivier productif. En effet, l’État mise désormais sur la modernisation du secteur artisanal, notamment à travers l’accès aux équipements, la montée en gamme des produits, et l’intégration des normes de qualité. Des formations sont organisées en partenariat par exemple avec l’Agence des normes et de la qualité (ANOR) pour initier les artisans aux standards de certification. Car le coût des tests de conformité reste un frein majeur aux acteurs du secteur. Pour y remédier, un fonds spécifique a été mis en place par le ministère des Finances, permettant l’organisation de campagnes de tests groupés, en particulier dans l’agroalimentaire. L’enjeu est notamment d’alléger les charges pesant sur les petits producteurs et d’ouvrir la voie à une labellisation crédible. Au-delà des chiffres, l’artisanat camerounais est un patrimoine vivant. De la sculpture de Foumban aux textiles Ndop du Nord-Ouest, en passant par la vannerie, la poterie, les bijoux en perles ou les instruments de musique traditionnels, chaque objet raconte une histoire, porte une identité, et suscite un intérêt croissant, tant au niveau local qu’international. Des villes comme Maroua, Bafoussam ou Yaoundé sont aujourd’hui des centres de création foisonnants, où se croisent traditions et innovation. L’enjeu : valoriser ces métiers non seulement comme vecteurs culturels, mais aussi comme gisements d’emplois et d’exportation.
LES PME, COLONNE VERTÉBRALE DU TISSU ÉCONOMIQUE
En parallèle, le ministre a dressé devant les députés, le tableau des PME dans le tissu économique. Les PME camerounaises représentent à elles seules 36 % du PIB, selon les dernières données de l’Institut national de la statistique. « 99,8 % des entreprises enregistrées au Cameroun relèvent du statut de PME », a rappelé le ministre. Autrement dit, l’essentiel de l’écosystème entrepreneurial repose sur ces structures aux moyens parfois limités, mais à fort potentiel. Vulnérables face aux crises, comme l’a montré la pandémie de COVID-19, ces entreprises souffrent de fragilités structurelles. Il s’agit en effet de l’accès difficile au financement, des ruptures logistiques et de faible compétitivité. D’où la nécessité d’un accompagnement renforcé.
FAIRE ÉCLORE DES CHAMPIONS NATIONAUX
Le gouvernement entend désormais faire évoluer les très petites entreprises (TPE) vers des PME structurées, et permettre à certaines d’entre elles de franchir un cap vers le statut de grandes entreprises. « Il est impératif de les accompagner dans leur changement d’échelle », a insisté le ministre. Cette dynamique s’inscrit dans une stratégie de transformation structurelle de l’économie, qui vise à renforcer la présence camerounaise sur les marchés extérieurs. Des mécanismes comme la Zone de libre-échange continentale africaine (ZLECAf), l’Accord de partenariat économique (APE) avec l’Union Européenne ou les régimes préférentiels CEMAC-CEEAC, qui offrent de nouvelles perspectives, à condition de proposer des produits de qualités et conformes aux normes internationales. À travers son intervention, Achille Bassilekin III a esquissé les contours d’un modèle de développement fondé sur la valorisation des ressources locales et la montée en compétence des acteurs de terrain. Un pari assumé sur l’endogène, porté par la conviction que la croissance ne se bâtit pas uniquement à coups de grandes industries, mais aussi grâce à l’artisan, au petit producteur et à l’entrepreneur de proximité, véritables piliers de l’économie locale.