Système judiciaire : La Chambre des comptes accusée de lenteurs

Le rapport annuel de la chambre des comptes de la cour suprême est attendu depuis trois ans. pas sûr qu’il sorte cette année alors que l’institution doit rendre publique sa copie sur la gestion des fonds covid dès le mois de juin.


Pas de répit pour les responsables de la Chambre des comptes de la Cour suprême. Ils continuent à consolider leurs conclusions après des mois d’enquête dans les couloirs des différentes entités publiques qui ont touché l’argent liés à la prévention et à la prise en charge de la pandémie du nouveau coronavirus. Les sessions de travail déjà kilométriques se sont encore un peu plus allongées lorsqu’il est apparu que l’audit commandé au Contrôle supérieur de l’État par la présidence de la République doit clairement s’appuyer sur les trouvailles de la Chambre des comptes. Le coup de pression est contenu dans une directive du 29 mars 2021. Et jusqu’au passage du président de la Chambre Yap Abdou devant les députés lors de la session de juin prochain, il n’y aura pas d’autres priorités pour ses magistrats. Le fait est que cette urgence complique la situation de la Chambre des comptes déjà incapable de satisfaire à l’obligation légale de produire son rapport public annuel. Le dernier consultable date de 2017. La principale raison avancée pour expliquer ce retard est l’élargissement des attributions de la Chambre à la faveur de la réforme du régime financier de l’État il y a trois ans. Examen de gestion portant sur la performance et sur la régularité de la gestion des organismes publics, jugement des fautes de gestion des ordonnateurs et des contrôleurs financiers, évaluation des politiques publiques, certification du compte général de l’État – la Chambre a d’ailleurs mis en place depuis deux ans une certification expérimentale, et assistance du Parlement dans le contrôle de l’exécution des lois de finances.

Ces nouvelles attributions de la juridiction financière n’ont malheureusement pas coïncidé avec l’augmentation des effectifs en quantité et en qualité.

Ressources humaines

Si la Chambre des comptes ploie sous le poids de ses responsabilités, les décisions de justice dans d’autres juridictions sont elles aussi prisonnières de la saturation. C’est par exemple le cas du Tribunal Criminel Spécial où le parquet est confronté à un déficit d’officiers de police judiciaire capables de mener des investigations sérieuses sur les questions financières à même de permettre aux procureurs de monter un dossier solide destiné à confondre les présumés corrupteurs et corrompus. Et il y a un effet encore plus pernicieux, révèle une source proche du ministère de la Justice. Les dossiers s’entassent sur la table du procureur général près le TCS depuis quelques années sans possibilité de les enrôler. La raison ? Les experts-comptables sont de plus en plus réticents à apporter leur aide aux magistrats assaillis par des montagnes de chiffres. Les professionnels se plaignent de ne pas être pris au sérieux quand ils donnent un coup de main au ministère public. « Comment peut-on comprendre que sur un dossier où l’État récupère 10 ou 20 milliards, la rémunération de l’expert-comptable qui a permis de dévoiler le pot aux roses ne soit que de 30 millions ? », s’interrogeait encore récemment un interlocuteur. Sans compter que ceux qui se hasardent à travailler avec le parquet constatent vite qu’ils sont moins sollicités par les managers des sociétés publiques.

Mais comment s’en sortir avec des experts-comptables aux abonnés absents quand les détournements présumés sont de plus en plus camouflés derrière d’inextricables montages financiers ?

Agenda politique

Les procureurs sont pourtant intimement convaincus de l’intention de soustraire l’argent public dans bien de cas, cependant ils n’arrivent pas toujours à brandir la preuve matérielle du délit faute de compétences pointues. Conséquence : plusieurs affaires sur lesquelles de vertigineux soupçons de prévarication planent sont balayées sous le tapis et ne donnent même pas lieu à l’ouverture d’une information judiciaire. Sauf bien entendu quand la faute est flagrante ou bien quand l’agenda politique le commande. Il n’est dès lors pas rare d’assister à la multiplication des renvois « en attendant que le dossier se remplisse », souffle un magistrat. Un aveu.

Difficile de dire si l’affaire de l’ancien directeur général de la Crtv Amadou Vamoulke tombe dans la catégorie des cas complexes en matière financière. Même si effectivement le nœud du procès réside en partie dans le débat autour de la validation des comptes par le conseil d’administration tout au long des dix années que l’ancien journaliste a passé à la tête de l’Office audiovisuel public du Cameroun.

Mais l’agenda politique a davantage montré son rôle dans l’engorgement des tribunaux avec le cas récent de Gervais Mendo Ze, lui aussi ancien manager de la Crtv. Le professeur embastillé en 2014 est décédé en détention préventive alors que son cas tardait à être entendu par la Cour suprême. La semaine dernière, alors que sa famille organise ses obsèques, les greffes de la Cour ont annoncé une audience qui a été au demeurant renvoyée. Des sources laissent entendre que l’accélération de la procédure avait été commandée par le ministère de la Justice, pressé par la présidence de la République, elle-même sous pression d’une opinion publique qui revendiquait de l’arrêt des poursuites contre l’ancien haut commis. Un coup d’accélérateur qui a démarré à contretemps visiblement.

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