Sodecoton : objectif 600 000 tonnes/an

Extension des surfaces cultivées, optimisation de la productivité, renouvellement de l’outil industriel : la Sodecoton investit massivement pour doper sa production et améliorer son classement mondial.

Cinquième producteur mondial de coton, la Sodecoton (Société de Développement du Coton, dont le siège est à Garoua) vise la quatrième place à l’horizon 2025, pour un objectif de production de 600000 tonnes de coton graines, fixé par le gouvernement. Pour ce faire, la société devra accroître substantiellement la production des cotonculteurs, améliorer le rendement des plantations, mais surtout, augmenter et mettre à jour ses capacités industrielles. Pour le moment, les installations industrielles de la Sodecoton comprennent neuf usines d’égrenage cumulant une capacité nominale de 320.000 tonnes de coton graine/an, et deux huileries dont la capacité annuelle de trituration est évaluée à 150 000 tonnes de graines de coton. A quoi il faut ajouter en matière de logistique, un parc de 600 véhicules roulants et matériels de génie civil.

Il faut dire que la firme est passée par une grave crise qui a inversé sa croissance pendant quelques années. Au milieu des années 2000, la production est passée de 300 000 tonnes à moins de 120 000 tonnes. « Après la crise de 2005 avec la baisse de la production du coton qui ne permettait même plus de faire tourner les usines, on a pensé qu’avec les OMG (Organisations Génétiquement Modifiables, Ndlr.) les rendements pouvaient être remontés. Des cultures d’essai ont été engagés mais, tirant les enseignements de la triste expérience burkinabé avec cette culture de coton OGM, le Sodecoton a mis un terme à cette aventure et nettoyé ses sites : tous les essais sur les cotons OGM ont été arrêtés et tout le matériel s’y rapportant a été détruit. Nous sommes plus que jamais engagés dans la culture du coton biologique », rassure-t-on à la Direction de la Production Agricole (DPA).

Plus grave, durant les campagnes agricoles allant de 2013/14 à 2015/16, la Sodecoton a cumulé des pertes d’environ 36 milliards à cause des intempéries ayant occasionné la mouille de la matière première et une décote de la qualité des fibres et graines. Les comptes d’exploitation étaient tellement plombés que, les fonds propres étant devenus quasi nuls, la société a dû réduire son capital de 23 à 1,5 milliards pour éviter le dépôt de bilan. « Aujourd’hui, cette crise est de l’histoire ancienne », se réjouit un cadre de la Sodecoton, intarissable sur les mesures de redressement mise en œuvre par le directeur général Mohamadou Bayero Bounou, et les résultats positifs engrangés. « On observe une tendance croissante de la production grâce à un assainissement de la gestion courante de l’entreprise, une modernisation des structures de production, et un renforcement de la compétitivité sur le marché national et international. Nous enregistrons également une productivité croissante grâce à une amélioration des paramètres de production et des revenus des producteurs », détaille Adoum Yaouba, Chargé de Mission en charge de la gestion des projets à la Sodecoton.

Assainissement de la gestion

Depuis la campagne cotonnière 2010/11 la production est repartie à la hausse et aujourd’hui, la firme affiche des prévisions de collecte de 342.000 tonnes de coton graine en 2020/21 pour un rendement de 1.514 kg/ha. Par ailleurs, la société a amorcé un redressement de ses comptes à partir de 2016/17, avec une hausse du chiffre d’Affaires qui part de 59 milliards FCFA en 2010 à 148 milliards en 2020. Ce retour de la croissance entre la période 2017 – 2019 résulte principalement de l’amélioration des capacités de transport et des usines d’égrenage autant que de la reprise des ventes d’huile et de tourteaux (15 % du chiffre d’affaires pour les cinq dernières années). « La Marge après Remboursement des Intrants (MARI) a connu une croissance de 150 % en dix ans », se réjouit le Directeur Général, Mohamadou Bayero Bounou. « Grâce à une amélioration de la productivité en champ, la production cotonnière camerounaise connaît une relance soutenue depuis la campagne agricole 2016/2017. Des records de collecte de coton graine sont ainsi enregistrés année après année et dépassent désormais 340.000 tonnes. Les récents rendements obtenus constituent une référence pour le coton africain », explique M. Bayero Bounou. En effet, témoigne un responsable de la confédération des producteurs de coton, le rendement à l’hectare est parmi les meilleurs au monde, de même que la qualité de la fibre s’est améliorée. Les semences camerounaises sont à ce point performantes qu’elles sont exportées vers d’autres pays producteurs, notamment en Afrique de l’Ouest.

Cette dynamique de croissance a été brisée en 2020 par les effets de la pandémie du Coronavirus : fermeture des filatures asiatiques qui constituent les principaux débouchés du coton camerounais ; baisse des cours de la fibre ; ralentissement des exportations entraînant des retards d’encaissement de plus de 80 milliards de FCFA ; augmentation des volumes stockées avec des coûts supplémentaires de stockage et de manutention, et même des difficultés d’approvisionnement en facteurs de production. Du fait de ce contexte difficile, l’année 2020 s’est soldée sur une perte estimée à 5,7 milliards, à contre-courant des résultats positifs de 5,1 milliards et 3 milliards obtenus respectivement en 2018 et 2019.

Augmenter les capacités industrielles

Malgré ce retournement de conjoncture, le top management de la firme maintient ses ambitions : augmenter substantiellement la production et moderniser l’outil industriel. Si le gouvernement dans la Stratégie de développement durable de la filière coton au Cameroun assigne à l’entreprise un objectif de 600 000 tonnes de coton graine à l’horizon 2025, les dirigeants de la société se veulent plus réalistes et visent 450 000 tonnes à la même échéance. Une prudence indispensable dans la mesure où les quantités achetées doivent être compatibles avec les capacités industrielles installées. Or les projets de rénovation des usines existantes ou de création de nouvelles unités industrielles ne pourront pas absorber 600 000 tonnes de coton graine à l’horizon 2025. « Nous en sommes à tempérer l’ardeur des paysans pour ne pas être débordés par la production et perdre inutilement des volumes achetés », explique un cadre qui souligne ainsi l’urgence de l’installation de nouvelles usines d’égrenage.

La Sodecoton doit relever plusieurs défis pour atteindre ces objectifs stratégiques : parvenir à collecter, évacuer et égrener la production avant les pluies (au 30 avril) pour minimiser les pertes (mouille du coton) ; satisfaire les producteurs par des paiements rapides et valoriser la production attendue de graines de coton. Elle doit également faire face au déficit énergétique récurrent pour le fonctionnement de ses usines, et surtout, continuer d’appuyer l’amélioration de la productivité de la culture.

Pour l’instant donc, explique le directeur général de la firme, il s’agit de mettre en place une agriculture intelligente face au climat, diversifier les cultures à travers le développement du soja et de l’anacarde, réhabiliter les terres dégradées, accélérer la mécanisation (déjà un quart de la production est fourni par dix mille grands exploitants qui utilisent la mécanisation), et produire de l’énergie solaire photovoltaïque pour mettre les unités industrielles de production à l’abri de la pénurie d’énergie. Dans la même dynamique deux nouvelles usines d’égrenage de 45000 tonnes chacune vont être installées, de même qu’une troisième huilerie en plus de la modernisation et de l’augmentation des capacités des deux huileries existantes et de la construction de nouveaux sites de stockage pour sécuriser les produits à l’ami des pluies. Le tout pour un investissement à court terme d’environ 67,1 milliards de FCFA. Déjà, en mars dernier, la société a lancé la construction du complexe industriel de Gouna, sur une superficie de 31 ha. « Ce complexe industriel financé par l’Etat sera doté d’une usine l’égrenage moderne de dernière génération, adaptée aux conditions climatiques d’exploitation de la région du Nord, et capable d’égrener 335 tonnes de coton par jour. Avec une capacité d’égrenage de 50.000 tonnes de coton graine par an, cette nouvelle usine permettra d’accroitre les capacités industrielles nominales de la Sodecoton. Cette usine située aux confins des départements de la Bénoué, du Faro et du Mayo Rey permettra de répondre à la croissance soutenue de la production cotonnière dans ces grands bassins agricoles. Son installation s’inscrit ainsi en droite ligne de la stratégie de développement durable de la filière coton validée par le gouvernement dans le cadre de la Stratégie Nationale de Développement 2020 – 2030 (SND30). En plus de l’usine d’égrenage, le site industriel accueillera des entrepôts, une base vie, une infirmerie et des œuvres sociales diverses », se réjouit le Directeur Général, Mohamadou Bayero Bounou.
Par François Bambou, envoyé spécial à Garoua

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