L a semaine dernière à Bamenda, lors de la 14e session de l’Assemblée régionale du NordOuest, le ministre Paul Tasong, président du comité de pilotage du Plan présidentiel pour la reconstruction et le développement des régions du Nord-Ouest et du Sud-Ouest (PPRD-NO/SO), a révélé un bilan financier en demi-teinte, bien loin des ambitions initiales.
Sur les 154 milliards de FCFA espérés depuis le lancement du plan en 2020, seuls 50 milliards de FCFA ont pu être mobilisés à ce jour, soit à peine un tiers des besoins prévus. Ce constat conforte les détracteurs de ce plan qui ont toujours trouvé insensé le fait de lancer la reconstruction de ces régions, encore dévastées par l’instabilité sociopolitique et sécuritaire liée au conflit séparatiste qui sévit depuis 2016.
RARETÉ DES FINANCEMENTS
L’objectif de ce plan, initialement étalé sur deux ans, était de reconstruire les infrastructures publiques, relancer les activités agricoles et revitaliser le tissu économique, en particulier dans le secteur agro-industriel. Toutefois, dès le départ, la mobilisation des financements s’est révélée être un parcours semé d’embûches. Jusqu’à présent, l’Etat Camerounais demeure l’un des principaux contributeurs à cette initiative.
En 2022, on estimait sa participation à hauteur de 8,9 milliards, soit 10 % du budget initial qui était de 89 milliards de FCFA. Les seules contributions extérieures à l’Etat étaient alors celles du Japon qui a déboursé 1,5 milliard de FCFA en 2022, puis 1,3 milliard en mars 2023 ainsi que celle du secteur privé local dont la contribution à l’époque était estimée à 1,2 milliard de FCFA.
Ce qui a permis d’atteindre un total de 11,6 milliards de FCFA, un montant bien en deçà des prévisions. Entre 2022 et 2024, le gouvernement camerounais a pris d’autres engagements financiers en faveur du projet, en contractant notamment un prêt de plus de 20 milliards de FCFA auprès de la Banque islamique de développement, mais également en portant à 35 milliards de FCFA le budget alloué au PPRDNO/SO dans la loi de finances rectificative comptant pour cette année. Il est ainsi passé de 30 à 35 milliards de FCFA.
Dans le détail, l’État du Cameroun contribuera à hauteur de 15 milliards de FCFA, la Banque islamique de développement (BID) apportera 8,6 milliards de FCFA, et le Japon financera 2 milliards de FCFA. À cela s’ajoutent les 9,3 milliards de FCFA provenant du report budgétaire de 2023.
FRILOSITÉ DES PARTENAIRES INTERNATIONAUX
Les raisons de cette faible mobilisation sont multiples. L’une des plus prégnantes est que les principaux partenaires du Cameroun, à l’instar de la France et des États-Unis, ont posé comme condition préalable à leur engagement la mise en œuvre d’un véritable dialogue pour résoudre le conflit dans ces régions. Un pas que Yaoundé n’a pas encore franchi dans les termes souhaités par ces acteurs. Résultat : l’élan financier espéré n’a pas suivi, freinant l’avancée des chantiers pourtant urgents. Malgré ces obstacles, Paul Tasong a tenu à souligner les progrès réalisés. Jusqu’à présent, 258 projets ont été menés à terme, touchant des secteurs aussi essentiels que l’éducation, l’approvisionnement en eau et l’agriculture.
Ces actions visent à soulager les populations locales, durement éprouvées par le conflit. Pour l’heure, la deuxième et la troisième phase du PPRD-NO/SO dont on prédit l’imminence vont donner la priorité à la relance du secteur agro-industriel.
Des entreprises telles que la Cameroon Development Corporation (CDC) ou Pamol Plantations, fortement affectées par la crise, devraient recevoir un soutien afin de retrouver leur rôle central dans l’économie locale. Mais, comme l’a rappelé le ministre Tasong, ces efforts ne pourront pleinement se concrétiser qu’avec un engagement financier plus fort. Pour transformer durablement le Nord-Ouest et le Sud-Ouest, il faudra, selon lui, mobiliser près de 2500 milliards de FCFA, une somme colossale encore bien loin d’être à portée de main.