Qui l’emportera au conseil constitutionnel à l’issue du bras de fer qui s’est amorcé entres les camps Biya et Tchiroma dès la clôture des opérations de vote le 12 octobre dernier ? Chaque camp se revendique vainqueur dans les urnes, faisant circuler vrais et faux procès-verbaux sur les réseaux sociaux pour démontrer avant l’heure la victoire de son candidat. Chaque candidat tient également l’autre pour responsable de la surchauffe au sein de l’opinion, et les accusations de tripatouillages fusent de partout dans le pays, étayés d’images amateur dont l’authenticité reste à prouver.
Toutes choses qui altèrent davantage la crédibilité d’un processus électoral dont les termes, à l’avantage supposé de l’ordre gouvernant, sont depuis longtemps contestés par les acteurs de l’opposition. Le délai étonnamment et singulièrement long du processus entre le vote et la proclamation des résultats en rajoute tant au flou qu’au malaise et à la suspicion. Conformément à l’article 96 du Code électoral, le dépouillement a débuté immédiatement après la clôture du scrutin, dans chaque bureau, en séance publique.
Le processus, supervisé par les commissions locales de vote prévues par les articles 49 à 69 du même Code, s’effectue en présence des représentants des candidats, des observateurs nationaux et internationaux, ainsi que des électeurs témoins. Chaque procès-verbal est ensuite transmis aux commissions départementales de supervision, puis consolidé au niveau des commissions régionales, avant d’être acheminé vers la Commission nationale de recensement général des votes, installée à Yaoundé.
Cette dernière, sous la supervision d’Elections Cameroon (ELECAM), établit les résultats provisoires et les transmet au Conseil constitutionnel, seul organe habilité à proclamer les résultats définitifs, conformément à l’article 132 du Code électoral. Dans l’intervalle, une attente fébrile s’est installée. Des « tendances » circulent abondamment sur les plateformes numériques, sans aucun caractère officiel. Cette période se caractérise depuis lundi dernier, par des déclarations anticipées. Des candidats, comme Issa Tchiroma Bakary, s’appuyant sur des résultats partiels ou des remontées de leurs représentants, s’est autoproclamé depuis mardi, vainqueur de l’action présidentielle du 12 octobre 2025.

D’autres partis politiques comme le Front des Démocrates Camerounais (FDC) de Denis Emilien Atangana, croient en la victoire du président sortant, Paul Biya. Le président du FDC n’a d’ailleurs pas hésité à désavouer lors d’une conférence de presse tenue au siège du parti lundi dernier, Hiram Samuel Iyodi , le candidat investi par la formation politique qu’il dirige, pour « Trahison politique ». À l’inverse, des candidats comme Cabral Libii, du Parti Camerounais pour Réconciliation Nationale appellent invariablement au calme et au légalisme, rappelant à leurs partisans et à leurs adversaires que seule la proclamation du Conseil constitutionnel fait foi. Le Code électoral encadre strictement cette phase sensible. L’article 132 dispose que le Conseil constitutionnel « veille à la régularité de l’élection présidentielle, statue sur les réclamations et proclame les résultats dans un délai de quinze jours à compter de la clôture du scrutin ».
Ce délai, qui court donc jusqu’au 26 octobre 2025, constitue une période d’entredeux, où ni ELECAM ni aucun autre organe ne peut légalement proclamer des résultats. Le gouvernement, par la voix du ministre de l’Administration, Paul Atanga Nji, a appele à « la patience et au respect des institutions républicaines », rappelant que « seule la proclamation du Conseil constitutionnel a valeur légale ». Le membre du gouvernement n’a pas oublié de mettre en garde contre la diffusion de chiffres non vérifiés, évoquant des sanctions prévues par les articles 288 et suivants du Code électoral pour toute tentative de trouble à l’ordre public ou de manipulation des résultats.
Si le pays reste globalement calme, malgré quelques échauffourées dans le Nord du pays, l’attention reste tournée vers le Conseil constitutionnel, qui détient désormais les clés du verdict final. D’ici au 26 octobre, le processus suivra son cours administratif et juridique. Centralisation, examen des réclamations, puis validation. Une mécanique codifiée, héritée de la loi électorale du 19 avril 2012, modifiée en 2019, et censée garantir la régularité d’un scrutin dont les résultats, jusqu’à leur proclamation, demeurent une affaire d’institutions — et non de conjectures.