mercredi, septembre 11, 2024
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Port Autonome De Douala : l’internalisation du dragage, une stratégie de souveraineté

Face aux coûts élevés de l'externalisation, le Port de Douala-Bonabéri a choisi d'internaliser ses opérations de dragage. Cette décision stratégique vise non seulement à réduire les dépenses considérables liées à l'externalisation, mais aussi à renforcer le contrôle national sur une activité cruciale pour le commerce extérieur du Cameroun. En réhabilitant ses propres équipements et en formant du personnel local, le port aspire à améliorer sa réactivité, à optimiser la gestion des ressources et à consolider son autonomie face aux défis croissants du secteur maritime.

Le dragage est une activité vitale pour les ports d’estuaire, où l’accumulation constante de sédiments menace de réduire la profondeur des chenaux et, par conséquent, la navigabilité et l’accessibilité des infrastructures portuaires. Pour le Port de Douala-Bonabéri, l’une des principales plateformes de commerce extérieur du Cameroun, cette problématique est d’autant plus cruciale. Ce port est une artère vitale pour l’économie nationale, facilitant l’importation et l’exportation de biens essentiels, et servant de point d’entrée stratégique pour les échanges avec d’autres pays de la sous-région. Historiquement, les opérations de dragage du Port de Douala-Bonabéri ont été externalisées, confiées à des entreprises privées, principalement des multinationales étrangères. Cette stratégie, bien que pratique sur le court terme, a généré des coûts exorbitants pour le Port Autonome de Douala (PAD), rendant la situation financière de l’institution de plus en plus difficile.

En effet, entre 2005 et 2020, le PAD a dépensé plus de 156 milliards de FCFA en contrats de dragage, une charge financière considérable qui a pesé lourdement sur les comptes de l’autorité portuaire. Selon un haut responsable de l’entreprise, «L’externalisation de l’activité du dragage au Port de Douala-Bonabéri, qui auparavant était gérée en régie par l’ex-Office nationale des ports du Cameroun, a entraîné, depuis plus de deux décennies, une croissance exponentielle et excessives des coûts du dragage, dont le poids, au fil des années, est devenu intenable pour l’équilibre financier du Port Autonome de Douala. Au total, sur les quinze dernières années avant la création de la Régie déléguée du Dragage du Port Autonome de Douala (RDD), le 2 janvier 2020, entité mise sur pied pour s’occuper uniquement du dragage au Port de Douala-Bonabéri, le PAD a dépensé plus de 156 milliards de FCFA, soit une moyenne de 10,5 milliards par an».

 Face à cette situation, le gouvernement camerounais a décidé de prendre des mesures pour internaliser cette activité stratégique. C’est dans ce contexte qu’est née la Régie Déléguée du Dragage (RDD) en janvier 2020, une entité créée spécifiquement pour gérer les opérations de dragage du port. Cette décision marque un tournant stratégique pour le pays, car elle permet non seulement de réduire significativement les coûts associés au dragage, mais aussi de renforcer la souveraineté nationale sur une activité essentielle pour l’économie camerounaise.

AVANTAGES

L’internalisation du dragage offre plusieurs avantages clés. D’abord, elle permet au Cameroun de mieux contrôler et planifier les opérations de dragage, avec une flexibilité accrue pour répondre aux urgences. Le port est désormais en mesure de programmer ses opérations en fonction des besoins réels, plutôt que de dépendre des calendriers imposés par des prestataires externes. Cette réactivité est essentielle pour maintenir la compétitivité du port, notamment dans un contexte où des retards ou des inefficacités pourraient entraîner la perte de parts de marché au profit d’autres ports de la région, comme celui de Kribi. De plus, l’internalisation permet un investissement ciblé dans des équipements adaptés aux spécificités du Port de Douala-Bonabéri. L’exemple de la drague Chantal Biya est emblématique. Après sa réhabilitation, cet outil est devenu un atout stratégique pour la régie du dragage, capable de répondre aux besoins spécifiques du port avec efficacité.

 En s’équipant de machines modernes et en formant du personnel local, la RDD contribue également à l’essor des compétences locales, créant ainsi des emplois qualifiés et renforçant le tissu économique local. D’un point de vue économique, les avantages de l’internalisation sont multiples. En réduisant la dépendance vis-à-vis des entreprises étrangères, le Cameroun économise des sommes considérables, qui peuvent être réinvesties dans d’autres secteurs stratégiques de l’économie. En outre, la maîtrise des opérations de dragage permet une meilleure allocation des ressources, ce qui est crucial dans un environnement économique où la concurrence régionale s’intensifie. Par exemple, le port de Kribi, plus moderne, représente un concurrent direct pour Douala-Bonabéri.

L’internalisation du dragage, en optimisant les coûts et les opérations, contribue à maintenir la compétitivité du port de Douala-Bonabéri face à ces nouveaux défis. Sur le plan stratégique, l’internalisation du dragage s’inscrit dans une volonté plus large de renforcer la souveraineté économique du Cameroun. En reprenant le contrôle direct de cette activité, le pays se dote des moyens nécessaires pour assurer la pérennité de ses infrastructures portuaires tout en limitant l’influence des intérêts étrangers. Cette démarche s’inscrit dans un contexte plus global où le Cameroun cherche à réduire sa dépendance envers les entreprises étrangères dans des secteurs stratégiques, tout en développant ses propres capacités techniques et industrielles.

EXPORTATION DES SERVICES DE DRAGAGE

L’internalisation du dragage s’accompagne également d’opportunités de coopération régionale. Avec des capacités renforcées, le Cameroun pourrait potentiellement offrir ses services de dragage à d’autres pays voisins, générant ainsi des revenus supplémentaires. De plus, cette initiative pourrait servir de modèle pour d’autres ports de la région, qui pourraient être confrontés à des défis similaires en matière de gestion des sédiments. En somme, l’internalisation du dragage au Port de Douala-Bonabéri est un pas décisif vers l’autonomisation et la résilience de l’économie camerounaise. Elle permet non seulement de préserver les intérêts économiques nationaux, mais aussi de renforcer les compétences locales et d’assurer la durabilité des infrastructures portuaires. Cette initiative, tout en réduisant les coûts et en améliorant l’efficacité des opérations, contribue à sécuriser un levier stratégique majeur pour l’avenir économique du Cameroun. Le pays, en reprenant en main cette activité cruciale, s’affirme comme un acteur de plus en plus autonome et résilient sur la scène régionale et internationale.

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