Le Comité de Politique Monétaire (CPM) de la Banque des États de l’Afrique Centrale (Beac) s’est réuni à Yaoundé le 23 septembre 2024 pour sa troisième session ordinaire de l’année. À l’issue des délibérations, la décision a été prise de ne pas modifier les taux directeurs de l’institution, une stratégie qui interpelle au regard de la baisse continue de l’inflation dans la sous-région.
Avec un taux d’inflation moyen projeté à 4,2% en 2024 contre 5,6% l’année précédente, certains observateurs pouvaient s’attendre à un assouplissement des conditions monétaires. Pourtant, le CPM, sous la direction du gouverneur centrafricain Yvon Sana Bangui, a préféré jouer la carte de la prudence.
Le taux d’intérêt des appels d’offres reste donc fixé à 5%, le taux de facilité de prêt marginal à 6,75% et le taux de facilité de dépôt à 0%. Les réserves obligatoires des banques demeurent, elles aussi, inchangées à 7% pour les exigibilités à vue et 4,5% pour celles à terme.
UN STATU QUO STRATÉGIQUE
La décision de maintenir les taux repose sur deux arguments principaux. Premièrement, malgré la baisse récente de l’inflation, celle-ci reste au-dessus du seuil communautaire de 3%, un niveau jugé acceptable par les instances régionales. Deuxièmement, les indicateurs de stabilité de la monnaie, mesurés à 69,2%, plaident pour la continuité d’une politique monétaire stricte. En clair, bien que la tendance inflationniste se calme, les conditions ne sont pas encore réunies pour un changement de cap.
Cette posture contraste avec les décisions récentes d’autres grandes banques centrales, telles que la Réserve fédérale américaine (FED) ou la Banque centrale européenne (BCE), qui ont opté pour des baisses de taux afin de stimuler leurs économies respectives. En maintenant ses taux inchangés pour la sixième fois consécutive, la Beac persiste dans une politique d’austérité monétaire qui, depuis trois ans, vise à contenir l’inflation et à préserver la stabilité monétaire.
UNE POLITIQUE D’AUSTÉRITÉ FACE À DES DÉFIS ÉCONOMIQUES
Cette politique rigoureuse de la Beac a entraîné une hausse progressive des taux d’intérêt des appels d’offres depuis 2022, atteignant 5% en mars 2023. Une telle politique vise notamment à contrôler la liquidité excédentaire dans le système bancaire à travers des émissions régulières de bons Beac, rendant ainsi la monnaie plus rare et plus chère pour les banques commerciales. Cela impacte inévitablement l’accès au crédit pour les entreprises et les ménages, freinant ainsi la demande intérieure et les investissements. Cependant, si cette stratégie permet de limiter la composante inflationniste provenant de l’excès de liquidité, elle pose un défi majeur en matière de croissance.
En effet, les pays membres de la Communauté économique et monétaire de l’Afrique centrale (Cemac) sont confrontés à un besoin pressant de financements pour stimuler leurs économies. Le resserrement des conditions monétaires, bien que nécessaire pour stabiliser la monnaie, pourrait, à terme, freiner les efforts de relance économique.
LES TENTATIVES DE RELANCE DE LA LIQUIDITÉ
Consciente de ce dilemme, la Beac a entrepris, depuis juin 2024, des opérations d’injection de liquidités dans le système bancaire. En quatre mois, 14 offres ont été effectuées pour un montant total de 2 500 milliards de FCFA. Ces opérations, souscrites à des taux élevés, témoignent de la forte demande de liquidités des banques commerciales. La dernière en date, portant sur 200 milliards de FCFA, a enregistré un taux de souscription de 218,5%, avec une demande atteignant 437 milliards de FCFA.
Ces injections à court terme, d’une maturité de sept jours, visent à réguler les flux monétaires et à alléger les tensions sur les crédits. Cependant, elles soulignent également l’ampleur des besoins financiers de la sous-région. Ainsi, la Beac doit composer avec deux impératifs : contrôler l’inflation tout en veillant à ne pas étouffer la dynamique économique.