mercredi, novembre 6, 2024
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Management: A Tradex, l’ère Simon Paley s’achève sur fond de succès financiers et de polémiques

Après cinq années de service, Simon Paley a été évincé de la direction générale de Tradex. Deux affaires auraient conduit à cette décision. Retour sur un limogeage contesté et l’arrivée d’Emmanuel Patrick Mvondo à la tête de cette entreprise stratégique du secteur pétrolier camerounais.

La scène se joue dans les coulisses d’une entreprise devenue en 25 ans un acteur incontournable de la distribution des produits pétroliers au Cameroun. Le 10 octobre 2024, le Conseil d’administration de Tradex a pris une décision fracassante : Simon Paley, directeur général (DG) depuis 2019, a été remercié.

En lieu et place, Emmanuel Patrick Mvondo, jusqu’alors directeur général adjoint (DGA), a été désigné pour assurer l’intérim. A l’annonce de cette nouvelle nomination, un sentiment de perplexité a gagné l’esprit des observateurs. Car derrière l’éviction de Paley, salué pour avoir propulsé l’entreprise à des niveaux inédits de rentabilité, se cachent des raisons bien plus sombres.

DES RÉSULTATS SANS PRÉCÉDENT

La gestion de Simon Paley à la tête de Tradex est pourtant loin d’être catastrophique. Arrivé en 2019 après une carrière brillante au sein de la Société nationale des hydrocarbures (SNH), Paley a piloté l’entreprise à travers des vents souvent contraires, pour en tirer des résultats exceptionnels. Sous son leadership, le chiffre d’affaires de Tradex a progressé de 32 %, passant de 291 milliards de FCFA en 2019 à 387,3 milliards en 2023. Mais c’est surtout le résultat net de 14,7 milliards de FCFA, en hausse de 107 % sur cinq ans, qui a marqué les esprits, faisant de 2023 l’année la plus rentable de l’histoire de l’entreprise.

Ces résultats ont été obtenus grâce à des investissements ciblés, notamment 8 milliards de FCFA injectés entre 2019 et 2023 pour moderniser l’entreprise et optimiser ses performances. Pourtant, malgré cette croissance financière incontestable, les dés étaient apparemment déjà jetés pour Simon Paley. Derrière l’argument officiel d’une « perte de confiance », qui figure dans le communiqué annonçant son remplacement, se cachent en réalité deux affaires sensibles qui auraient éclaboussé sa gestion.

LE POIDS DU SCANDALE GLENCORE

Le premier dossier qui pèse dans la balance est lié au scandale international Glencore, qui a éclaboussé plusieurs hauts responsables du secteur pétrolier camerounais. Selon les informations disponibles, des cadres de la SNH et de la Société nationale de raffinage (Sonara) auraient reçu d’importants pots-de-vin de la part du trader anglo-suisse en échange de facilités commerciales.

Si Simon Paley, en tant qu’ancien directeur commercial de la SNH, n’a pas été directement incriminé dans l’affaire, son nom a circulé, notamment en raison de son rôle stratégique dans les négociations des contrats de vente de brut. Mais en l’absence de preuves formelles et de décision judiciaire, ce motif reste, aux yeux de ses partisans, une justification insuffisante pour justifier son départ.

LA ZONE D’OMBRE DE LA TRAD’CARD

 L’autre affaire ayant pesé sur la destinée de Paley est celle de la Trad’Card, un service de paiement électronique mis en place dans les stations Tradex. En 2022, un scandale éclate : la fraude autour de cette carte aurait fait perdre à l’entreprise près de 2 milliards de FCFA. Bien que Paley n’ait pas été personnellement impliqué, Investir au Cameroun révèle qu’un de ses proches collaborateurs, recruté avant son arrivée à Tradex, est soupçonné d’être au cœur de l’escroquerie. Actuellement en fuite, cet employé aurait agi de manière indépendante, selon les défenseurs de Paley, qui jugent cette affaire comme un prétexte opportun pour écarter l’ancien DG, précisent nos confrères.

ERREURS STRATÉGIQUES ?

Au-delà des affaires judiciaires, la gestion interne de Simon Paley a également contribué à son éviction, indique le médai susmentionné. Son style de management, jugé rigide, aurait provoqué un climat social tendu au sein de l’entreprise. La suppression de certains avantages, tels que le « Car plan », un dispositif de dotation de véhicules à prix préférentiel pour les cadres, a suscité la grogne, précise Investir au Cameroun, qui affirment avoir obtenu ces informations de sources au sein de l’entreprise.

En outre, des pratiques, comme l’imposition de documents pour autoriser des pauses, ont également détérioré les relations avec le personnel, entraînant plusieurs départs notables, «dont celui de Jessica Dina, directrice des affaires générales, en 2023», révèle le même journal, qui précise par ailleurs que sur le plan stratégique, l’abandon du projet de rachat des stations-service de Total-Energies en Centrafrique et au Tchad, pourtant validé par le Conseil d’administration, a également été mal perçu. Ce revirement a creusé le fossé entre Paley et certains administrateurs, alimentant les rumeurs de son départ imminent.

UN DÉPART AUX MULTIPLES LECTURES

Dans les couloirs de l’entreprise, des sources contactées par  Investir semblent convaincues que le limogeage de Simon Paley semble revêtir  des enjeux plus profonds. A en croire ces dernières, des tensions existeraient au sein de l’entreprise, notamment autour de la succession à la tête de la SNH, où le nom de Paley avait été évoqué pour remplacer l’indétrônable administrateur directeur général, Adolphe Moudiki, en poste depuis des décennies. Pour ses soutiens, cet enjeu politique et de pouvoir aurait précipité son départ, bien plus que les affaires mentionnées.

EMMANUEL PATRICK MVONDO, UNE NOMINATION STRATÉGIQUE

À la place de Paley, c’est Emmanuel Patrick Mvondo qui a été choisi pour diriger l’entreprise dans cette phase de transition. Âgé d’une quarantaine d’années, cet ingénieur pétrolier de formation cumule plus de 15 ans d’expérience au sein de Tradex, où il a gravi les échelons un à un. Considéré comme un fin connaisseur du secteur, Mvondo est réputé pour sa rigueur et sa capacité à fédérer. Avant d’être nommé directeur général adjoint, il a notamment dirigé la filiale gabonaise de Tradex, où il a mené à bien plusieurs projets stratégiques d’expansion.

Sa nomination intervient dans un contexte marqué par une volonté de l’entreprise d’aborder «une ère de conquêtes nouvelles », comme l’a souligné le communiqué officiel annonçant son arrivée. Pour Mvondo, le défi est de taille : redonner de la sérénité à une entreprise secouée par des scandales tout en capitalisant sur les performances obtenues sous l’ère Paley.

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