Chaque année, l’onchocercose, plus connue sous le nom de « cécité des rivières », affecte des millions de personnes en Afrique subsaharienne, notamment dans les zones rurales où les campagnes de distribution de traitements peinent parfois à endiguer la maladie. Longtemps dominée par l’utilisation de l’Ivermectine (Mectizan), la lutte contre cette affection pourrait connaître un tournant décisif grâce à la Moxidectine, une molécule récente aux propriétés remarquables.
Lors d’un atelier tenu le vendredi 20 décembre 2024 à l’Institut Supérieur de Recherche Scientifique et Médicale (ISM) à Yaoundé, les résultats de deux études capitales sur la moxidectine ont été présentés. Ces travaux, menés dans quatre régions camerounaises (Centre, Littoral, Ouest, Adamaoua), explorent les perceptions des utilisateurs sur les formulations pédiatriques potentielles et confirment l’innocuité du médicament dans des contextes spécifiques.
Une alternative prometteuse
La Moxidectine se distingue par son efficacité prolongée. Contrairement à l’ivermectine, qui nécessite des prises régulières pour contrôler les microfilaires responsables de la transmission, ce nouveau médicament offre une suppression plus durable des parasites, augmentant ainsi les chances d’élimination dans les zones endémiques sévères. « Dans les régions où la prévalence reste élevée malgré des décennies de distribution d’ivermectine, la moxidectine pourrait être l’arme décisive », a expliqué le professeur Joseph Kamgno, directeur de l’ISM.
Étudier pour mieux distribuer
La première étude, réalisée entre juillet 2021 et février 2022, avait pour objectif de comprendre les préférences des utilisateurs finaux pour les formulations orales pédiatriques de la Moxidectine. 508 participants, incluant des mères, soignants et enfants de 6 à 12 ans, ont été interrogés à l’aide de questionnaires, tandis que des entretiens approfondis et des discussions de groupe ont permis d’affiner les résultats.
Deux formes pédiatriques potentielles ont été testées : des comprimés à croquer et des comprimés orodispersibles. Ces derniers, qui se dissolvent rapidement dans la bouche sans nécessiter d’eau, ont recueilli une forte adhésion, avec 78 % des répondants les préférant pour leur facilité d’administration et leur adaptabilité aux enfants. « Les formes orodispersibles sont mieux adaptées, mais il faudra travailler sur l’acceptabilité, notamment en éduquant les communautés pour dissiper les craintes liées aux comprimés », a souligné le Dr Wafeu Guy, médecin chercheur à l’ISM.
La deuxième étude s’est penchée sur l’innocuité de la moxidectine, particulièrement chez les personnes infectées par la loa loa, un parasite courant dans certaines régions d’Afrique centrale. Ces travaux confirment que, comparée à l’ivermectine, la moxidectine ne présente pas de risques supplémentaires significatifs, renforçant ainsi sa viabilité pour une utilisation élargie.
Si ces résultats sont encourageants, ils ne sont pas définitfs. « Ce sont des études préliminaires qui appellent à des recherches plus approfondies pour que la moxidectine puisse être utilisée à grande échelle », a rappelé le Dr Wafeu Guy. Des campagnes de sensibilisation devront également être mises en place pour éduquer les populations et répondre aux attentes des utilisateurs finaux.