Dans le cadre de la révision de son budget 2025, le gouvernement camerounais prévoit une hausse significative des charges d’intérêts sur la dette publique. Celles-ci sont désormais estimées à 431 milliards FCFA, contre 378,2 milliards dans la loi de finances initiale, soit une augmentation de 52,8 milliards. Cette réévaluation est principalement imputée aux commissions et décotes liées à une opération d’emprunt externe en préparation, d’un montant de 100 milliards FCFA, menée en collaboration avec la Banque mondiale et la banque française Natixis.
Pour absorber les frais liés à ce nouveau crédit, l’État a choisi de reporter certaines échéances de la dette intérieure. Selon les chiffres contenus dans le Document de programmation budgétaire à moyen terme (DPBMT) 2026-2028, ce rééchelonnement a permis de compenser partiellement les charges nouvelles à hauteur de 34,5 milliards FCFA.
Autrement dit, les fournisseurs nationaux et entreprises adjudicataires de marchés publics, déjà lourdement affectés par les retards de paiement, verront encore une fois leurs créances repoussées, tandis que l’État s’apprête à honorer des frais financiers anticipés, dans un contexte d’accès contraint aux marchés.
Un financement de court terme
L’opération en question, révélée par le directeur de la Trésorerie Samuel Tela lors d’un passage à la télévision nationale, consiste en une ligne de crédit de court terme, adossée à une garantie de la Banque mondiale à travers son agence MIGA. Selon les détails rendus publics, la ligne de crédit sera accordée par Natixis, pour une enveloppe équivalente à 152 millions d’euros (environ 100 milliards FCFA), avec une durée initiale d’un an, renouvelable deux fois.
Cette ligne, autorisée par le chef de l’État via une habilitation présidentielle datée du 19 mai 2025, s’inscrit dans une enveloppe globale de 200 milliards FCFA mobilisables par le ministère des Finances. Les fonds permettront de faire face aux tensions de trésorerie attendues entre mai et août, période de creux fiscal pour l’administration.
« L’accès au crédit devient plus difficile sur le marché domestique. Nous devons arbitrer entre les besoins les plus pressants », a justifié Samuel Tela, évoquant notamment des surcoûts liés aux subventions dans le secteur de l’électricité ou encore le retrait d’un appui financier américain au Fonds mondial, qui prive l’État d’environ 50 milliards FCFA.
Dette intérieure de de plus en plus lourde
Ce choix de gestion budgétaire relance le débat sur la dette intérieure. Selon la Caisse autonome d’amortissement (CAA), cette dernière atteignait 3 900,2 milliards FCFA à fin mars 2025, en hausse de 10,9 % sur un an. Elle représente désormais 12,1 % du PIB, sans compter les arriérés de moins de trois mois, ni les impayés de crédits de TVA dus aux entreprises.
La CAA, dans sa dernière note de conjoncture, souligne que cette accumulation de créances impayées exerce une « pression significative sur la trésorerie publique » et désorganise la chaîne des dépenses. Le non-respect des calendriers de paiement par l’État engendre des difficultés de trésorerie pour les entreprises, en particulier celles qui dépendent des marchés publics.
Lors de la huitième revue du programme économique et financier avec le FMI en mai dernier, la question de l’apurement de cette dette intérieure a été expressément soulevée. L’institution de Bretton Woods aurait même encouragé le gouvernement à envisager un nouvel emprunt pour en éponger une partie.
Une démarche déjà amorcée en juillet 2024 avec un emprunt de 323,9 milliards FCFA contracté auprès de Citi Group, destiné au remboursement partiel des factures impayées. Une opération qui pourrait être renouvelée, dans un contexte où l’accès aux marchés devient de plus en plus restreint et coûteux.
Arbitrages budgétaires sous contrainte
Le choix de privilégier les paiements liés à la dette extérieure au détriment des remboursements intérieurs n’est pas nouveau. En 2024, selon les données de la CAA, le Cameroun n’a remboursé que 435,5 milliards FCFA sur une prévision de 826,3 milliards pour sa dette intérieure, soit un taux de réalisation de 52,7 %. En revanche, sur la dette extérieure, les remboursements ont atteint 942,6 milliards FCFA, dépassant les prévisions de 825 milliards FCFA.
Cette préférence s’explique en partie par les impératifs de respect des engagements contractuels internationaux, mais également par la nécessité de préserver la crédibilité de la signature souveraine sur les marchés étrangers. Le service de la dette extérieure est en effet assorti d’échéances obligatoires, alors que les dettes internes, notamment les restes à payer et les crédits de TVA, ne le sont pas.







