En 2025, les dépenses sensibles au genre dans les dix ministères pilotes préalablement sélectionnés vont atteindre 92,46 milliards de FCFA, contre 72,42 milliards de FCFA en 2024, soit une augmentation de 20,04 milliards de FCFA (+27,7 %). Ces dépenses représentent désormais 1,28 % du budget général, contre 1,0 % en 2024.
Une répartition contrastée entre les ministères pilotes
La répartition de ces dépenses révèle des évolutions significatives, mais aussi des baisses notables selon les ministères. Le ministère de la Santé publique reste en tête avec 48,8 milliards de FCFA en 2025, en hausse de 15,4 % par rapport à 2024 (42,3 milliards de FCFA). Suivent le ministère de l’Éducation de base (20,2 milliards de FCFA, contre 6,1 milliards en 2024, soit une hausse spectaculaire de 231,1 %) et le ministère de la Promotion de la Femme et de la Famille (6,4 milliards de FCFA, en progression de 42,2 %). Le ministère de la Promotion de la Femme et de la Famille, acteur central de cette politique, bénéficie pour sa part d’une hausse de 42 %, avec une enveloppe passant de 4,5 milliards à 6,4 milliards de FCFA
Cependant, certaines baisses interpellent. Les dépenses du ministère des Enseignements secondaires chutent de 10,5 milliards de FCFA en 2024 à 4,6 milliards en 2025 (-56,2 %). De même, le ministère de l’Élevage, des Pêches et des Industries animales enregistre une baisse marquée, passant de 5,2 milliards de FCFA à 1,7 milliard (-67,3 %). Une tendance similaire est observée au ministère des Affaires sociales, où l’enveloppe passe de 2,9 milliards à 1,6 milliard de FCFA,
À l’inverse, des ministères historiquement peu impliqués dans les questions de genre voient leur enveloppe croître de façon notable. Le ministère de la Décentralisation et du Développement local, par exemple, voit son budget passer de 96,5 millions de FCFA en 2024 à 457,8 millions en 2025 (+374,5 %). Le ministère de l’Agriculture et du Développement Rural, absent de cette dynamique en 2024, bénéficie cette année d’une enveloppe de 4,3 milliards de FCFA.
Obstacles
Malgré les avancées budgétaires, plusieurs contraintes freinent la mise en œuvre efficace de la BSG au Cameroun. Lors des Cafés thématiques sur les réformes de la gestion des finances publiques, organisés le 26 novembre 2024, Sophie Boumsong, chef de la division de la Réforme budgétaire au ministère des Finances, a souligné les limites actuelles. « Nous avons sélectionné des ministères pilotes parce qu’ils se prêtent, par leur nature même, à une analyse plus évidente des questions de genre », a-t-elle expliqué, en citant les exemples du ministère des Affaires sociales et de celui de la Promotion de la Femme et de la Famille.
Cependant, intégrer cette approche dans des départements moins naturellement « genrés », comme les Travaux publics, nécessite des études approfondies. « Comment intégrer concrètement la perspective genre dans ce type de ministère ? Cela passe par des analyses préalables et des études approfondies. Ce sera l’une des priorités de notre plan d’urgence », a-t-elle ajouté
Pour amorcer cette révolution, les administrations sont encouragées à se doter d’indicateurs genre. « Des données telles que le nombre de femmes dans les effectifs, la proportion de femmes occupant des postes de responsabilité ou suivant des formations pour progresser dans leur carrière sont relativement faciles à collecter dans tous les ministères », a précisé Sophie Boumsong.
Cependant, ces initiatives peinent à se généraliser, freinées par des résistances institutionnelles et un manque de sensibilisation, a-t-elle indiqué. L’allocation budgétaire elle-même reste un défi. « Nous avons introduit des mécanismes pour marquer toutes les activités sensibles au genre au sein des administrations. L’objectif est d’éviter que les fonds alloués soient redirigés vers d’autres activités non prévues », a-t-elle expliqué. Par ailleurs, indique-t-elle, le développement d’une nomenclature budgétaire spécifique aux questions de genre est également envisagé, bien que « cela s’inscrive dans un travail de longue haleine »
Ces préoccupations trouvent un début de réponse dans le Plan stratégique de réformes de la gestion des finances publiques 2024-2027. Pour l’année en cours ce document prévoit entre autres, l’élaboration et la validation d’un référentiel d’analyse du budget sensible au genre.
La BSG, consacrée au Cameroun par la circulaire présidentielle du 30 août 2021, vise à analyser et adapter les politiques fiscales, les dépenses et les recettes publiques pour réduire les inégalités entre les sexes. Il s’agit d’intégrer une perspective de genre à toutes les étapes du cycle budgétaire pour évaluer l’impact des finances publiques sur les conditions des hommes et des femmes, en tenant compte des dimensions sociales, économiques et culturelles.