Le robinet budgétaire de la décentralisation s’ouvre un peu plus en 2025. Cette année, les transferts aux communes et aux régions atteignent 303,5 milliards FCFA contre 292,5 milliards un an plus tôt, en hausse de 3,6 %. Cette enveloppe est majoritairement orientée vers les communes (63 %), les régions en recevant 37 %. Mais au-delà des ressources immédiatement mobilisées, l’État prévoit également des financements pour des compétences encore non exercées par les CTD, comme la gestion de l’éducation, de la santé, de la culture ou de la jeunesse. En cumulant ces postes, l’enveloppe globale dédiée à la décentralisation de l’année encours atteint près de 959 milliards FCFA, une somme inédite.
Cette année, la répartition des transferts budgétaires reflète les priorités économiques du pays, avec près de 70 % de l’enveloppe, soit 212 milliards FCFA, alloués au développement économique, englobant l’aménagement du territoire, les travaux publics, l’urbanisme, la gestion environnementale et les projets structurants. Le volet sanitaire et social absorbe 18 % des ressources, majoritairement orientées vers les actions du ministère de la Santé. Le secteur éducatif, culturel et sportif, quant à lui, reçoit 12,1 % du budget global, mais révèle des disparités internes : 86 % de cette enveloppe sont consacrés à l’éducation, à l’alphabétisation et à la formation professionnelle, tandis que le secteur culturel ne bénéficie que de 1,3 %, mettant en lumière la faible prise en compte des enjeux liés aux politiques culturelles locales. Entre 2021 et 2023, la DGD est passée de 232,1 milliards FCFA à 252,5 milliards FCFA, soit une augmentation de 20,3 milliards en valeur absolue, représentant une croissance de 9 %. Ces fonds sont ventilés entre dépenses de fonctionnement et d’investissement, avec un accent croissant sur l’exécution locale des projets.
Autre avancée marquante est l’adoption de la loi sur la fiscalité locale, promulguée en décembre dernier. Cette réforme vise à renforcer l’autonomie financière des CTD, en leur permettant d’accroître leurs recettes propres via une fiscalité mieux structurée et adaptée aux réalités locales. Elle prévoit notamment une modernisation de l’administration fiscale locale et la mise en place de nouveaux mécanismes de performance budgétaire. Le FEICOM, bras financier des CTD, continue de jouer un rôle central. Il intervient à la fois comme distributeur de ressources péréquées et comme accompagnateur technique dans la formulation et la rationalisation des projets locaux.
LES DÉFIS STRUCTURELS PERSISTENT
Malgré ces efforts financiers, le processus de décentralisation demeure entravé par plusieurs contraintes structurelles. Le taux d’exécution des fonds d’investissement transférés illustre cette difficulté : il est passé de 90,4 % en 2021 à seulement 56,9 % en 2022, avant de remonter à 83,9 % en 2023. Parmi les priorités dégagées par le gouvernement dans la poursuite du processus de décentralisation, figurent l’achèvement du transfert effectif de toutes les compétences prévues par la loi, le renforcement des capacités des élus et du personnel local pour une meilleure appropriation de ces attributions, ainsi que la clarification des rôles entre régions et communes afin d’éviter les chevauchements. À cela s’ajoute la nécessité de repenser l’architecture des services déconcentrés de l’État, dans le but d’assurer une articulation plus fluide et cohérente avec les Collectivités Territoriales Décentralisées (CTD).
RESSOURCES HUMAINES, DIGITALISATION, PLANIFICATION
Le renforcement des ressources humaines locales, la valorisation du statut du personnel et le transfert des moyens matériels constituent aussi des chantiers en cours. L’État projette également de digitaliser les services communaux et de systématiser la planification stratégique, afin d’accroître l’impact réel de la décentralisation sur le bien-être des populations. Un Indice de Développement Local du Cameroun, actuellement en cours d’élaboration, est annoncé comme un outil crucial pour une répartition plus équitable des ressources. L’objectif est d’assurer une péréquation budgétaire efficace entre les collectivités, en tenant compte des disparités de développement. Pour relever ces défis, les autorités appellent à une collaboration plus fluide entre l’État, les CTD, les partenaires techniques et financiers, mais aussi les citoyens. La réussite de la décentralisation est perçue comme une œuvre collective, censée renforcer la proximité de l’action publique et favoriser un développement plus équilibré du territoire national. « L’exercice des compétences transférées par les CTD doit avoir un impact significatif sur le développement local, le bien-être des populations », a-t-on souligné lors de la présentation du rapport d’évaluation.