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La Sonara évite une condamnation de 63 milliards de FCFA dans un procès contre Sahara Energy

Lors de la cérémonie de présentation des vœux, le 27 février 2025, Harouna Bako, directeur général de la Société nationale de raffinage (Sonara), a annoncé que la raffinerie nationale a échappé à une condamnation financière dans le litige qui l'opposait au trader pétrolier nigérian Sahara Energy. Cette affaire, qui trouve son origine dans un différend commercial remontant à plus d’une décennie, s’est conclue devant la justice britannique en décembre 2024.

Dans une salle comble, entouré de ses collaborateurs, Harouna Bako ne cache pas sa satisfaction. L’affaire qui menaçait de peser lourdement sur les finances de la Sonara a finalement tourné en faveur de l’unique raffinerie du Cameroun. « Nous avons évité une condamnation d’environ 100 milliards de FCFA », confie le directeur général, soulagé. Derrière cette victoire se cache une bataille juridique complexe, menée devant la Commercial Court d’Angleterre et du Pays de Galles.

Opposée au puissant trader pétrolier nigérian Sahara Energy, la Sonara a dû défendre bec et ongles sa position dans un dossier où se mêlaient retards de paiement, intérêts financiers et interprétation contractuelle. Le jugement, rendu en décembre 2024 par la juge Sara Cockerill, a rejeté toutes les demandes de Sahara Energy, estimées à 63,1 milliards de FCFA (101 millions de dollars).

Mieux encore, la cour a reconnu que les réclamations du trader nigérian étaient prescrites et que le document central du litige, un « Rapport Commun » signé en 2019, ne constituait pas un accord juridiquement contraignant.

UN DIFFÉREND NÉ D’UN CONTRAT VIEUX DE PLUS DE DIX ANS

L’origine du contentieux remonte au 14 janvier 2013. Ce jour-là, la Sonara signe avec Sahara Energy un contrat d’approvisionnement en pétrole brut. Plusieurs avenants suivront en 2014, 2015 et 2016, ajustant les modalités de livraison et de paiement. Mais la raffinerie camerounaise, en proie à des difficultés financières récurrentes, ne parvient pas à respecter ses échéances.

Alors que les paiements devaient être effectués dans un délai de quatre mois après chaque livraison, la Sonara accuse des retards conséquents. Les premiers versements n’interviennent qu’en 2016, et il faudra attendre 2019 pour solder la totalité des sommes dues. Entretemps, Sahara Energy, qui s’était appuyé sur des financements bancaires pour assurer ses livraisons, subit de lourdes pertes. Parmi les établissements impliqués figurent Access Bank et Ecobank, qui accordent au trader nigérian des lignes de crédit significatives.

À titre d’exemple, Ecobank lui octroie un prêt de 137,5 milliards de FCFA (220 millions de dollars) avec un taux d’intérêt indexé sur le Libor, majoré de 8 %. Confronté à des charges financières croissantes, Sahara Energy réclame alors des compensations pour couvrir les intérêts accumulés, les pénalités de retard et les pertes de change. C’est dans ce contexte que le différend prend une tournure judiciaire.

DEVANT LA JUSTICE BRITANNIQUE

Au cœur du litige : un « Rapport Commun » signé en 2019 à l’issue d’une réunion de conciliation entre les deux parties. Sahara Energy y voit un engagement formel de la Sonara à lui verser des indemnités supplémentaires. La raffinerie, elle, conteste cette lecture et affirme que le document n’a aucune portée juridique contraignante. Après plusieurs reports, le procès s’ouvre finalement en octobre 2024 devant la Commercial Court de Londres.

Cinq points cruciaux sont examinés. Il s’agit notamment de l’application de l’article 26 du contrat, qui traite des pénalités en cas de retard de paiement, de l’interprétation du « Rapport Commun » et sa valeur juridique ; de l’opposabilité de l’article 8, qui fixe un plafond d’indemnisation ; de la prescription des réclamations formulées par Sahara Energy ; et pour finir, de la demande reconventionnelle de la Sonara, qui accuse le trader de n’avoir pas respecté certains accords conclus en 2019. À l’issue des débats, le tribunal tranche nettement en faveur de la raffinerie camerounaise qui était représentée par par le cabinet d’avocats international Squire Patton Boggs.

 Il considère que les demandes de Sahara Energy sont prescrites, faute de reconnaissance de dette par la Sonara. Il estime aussi que les pertes de change invoquées par le trader ne sont pas récupérables, car elles n’étaient pas prévisibles au moment de la signature du contrat. Enfin, la juge Cockerill juge que l’article 8 du contrat ne constitue pas un code d’indemnisation complet et que l’article 18 exonère la Sonara des pertes imprévues.

Résultat : Sahara Energy se retrouve avec des demandes intégralement rejetées. UN SOULAGEMENT POUR LA SONARA Si cette issue favorable évite à la Sonara une nouvelle saignée financière, elle ne règle pas pour autant ses difficultés. La raffinerie nationale, déjà fragilisée par l’incendie de son unité de distillation en 2019, lutte toujours pour sa survie. Son endettement, colossal, a atteint les 1 000 milliards de FCFA en 2020, poussant l’État camerounais à instaurer une taxe spéciale sur le carburant pour en financer l’apurement.

Depuis sa mise en place, cette taxe – fixée à 47,8 FCFA par litre de carburant vendu – a permis de collecter près de 353 milliards de FCFA au 31 octobre 2024. Un mécanisme qui devrait durer une décennie pour rassembler les 780 milliards de FCFA nécessaires au redressement de la société. Ces fonds sont centralisés sur un compte ouvert à la Banque des États de l’Afrique centrale (BEAC) et sont strictement affectés au remboursement des créanciers de la Sonara.

En septembre 2023, par exemple, la raffinerie a pu honorer une dette de 14 milliards de FCFA envers le trader suisse Trafigura. Si la menace financière représentée par le litige avec Sahara Energy est désormais écartée, la Sonara reste sous pression. Sa viabilité repose encore largement sur le soutien de l’État et sur sa capacité à retrouver un équilibre financier

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