Le 17 septembre 2024, Paul Atanga Nji, ministre de l’Administration Territoriale (Minat), a rallié la région de l’Extrême-Nord pour apporter l’aide présidentielle de 350 millions de FCFA aux victimes des inondations. Bien avant son départ, le membre du gouvernement a pris le soin de circonscrire, au cours d’un point de presse, le type de sinistrés éligible à cette dotation spéciale de Paul Biya.
A en croire ce dernier, seules les personnes dont la vulnérabilité a atteint un point critique seront prises en compte. Quant aux autres, il faudra encore attendre. «Il y a des gens qui souffrent du fait des inondations. Ils n’ont plus de maison, ni d’aide financière et matérielle. Les 350 millions de FCFA concernent d’abord les gens qui sont directement impactés par les inondations. Il faut qu’on insiste sur le mot vulnérabilité. Donc si vous n’êtes pas dans la catégorie des gens vulnérables, vous n’êtes pas éligible à l’aide présidentielle.», a-t-il déclaré.
Pour répondre à ceux qui se plaignent de la modicité de cette aide, qui selon eux ne peut substantiellement soulager les victimes, le Minat a tenu à préciser qu’il ne s’agit que d’une partie des fonds mobilisés pour aider les sinistrés. À en croire ce dernier, Paul Biya a ordonné le décaissement en urgence d’une somme de 1,6 milliard de FCFA, déployée sur plusieurs fronts.
«Il y a des digues qui ont lâché qu’il faut reconstruire. Il faut savoir qu’au moment où je suis en train d’aller distribuer l’aide présidentielle, on répare certaines digues qui ont lâché. De l’argent a été débloqué pour ça. Quand vous prenez tout ça, les sites de recasement, les digues qu’on est en train de réparer, si on fait le point de ce que le chef d’Etat a débloqué on est dans 1,6 milliard de FCFA», a-t-il précisé.
UNE GESTION PRÉVENTIVE INEFFICACE
Ce discours qui tente de mettre subtilement en avant la magnanimité de Paul Biya n’est que du recyclage. Paul Atanga Nji l’a déjà sorti en 2022 dans les mêmes circonstances. Il était venu apporter cette fois encore, une aide d’urgence aux populations de l’Extrême-Nord, victimes de fortes inondations qui selon un rapport d’étape du Bureau de la coordination des affaires humanitaires des Nations unies avaient causé au 31 août 2022, la mort de deux personnes et de 2 700 animaux, détruits 5 443 abris et inondés 1 500 hectares de champs etc. La seule différence notable est qu’il avait en sus, annoncé la réalisation «d’une étude profonde des causes des inondations et des mesures appropriées à prendre pour juguler ce problème», commandée, révélait-il, par le président de la République.
Deux ans après, on n’a toujours aucune nouvelle de cette analyse ainsi que des solutions préventives qui devaient en découler. Pour de nombreux observateurs avertis, c’est une preuve de plus des errements du gouvernement qui depuis plus de 10 ans, n’arrive pas à mettre en place une solution durable pour lutter contre les inondations dans l’Extrême-Nord. Pour certains c’est peut-être dû à un manque de volonté politique. Une hypothèse valable, surtout si l’on se rappelle que depuis 12 ans, le gouvernement traine dans son escarcelle à projets, une solution dont la viabilité a été attestée par une étude de faisabilité.
DES PROJETS AUX OUBLIETTES
Il s’agit de l’érection d’une digue entre Kousseri dans le Logone et Chari et la zone du bec de canard, dans le département du Mayo-Danay. L’ouvrage qui doit traverser 60 villages sur 330 kilomètres est aux oubliettes, 12 ans après la promesse faite par le chef de l’Etat aux populations de Guirvidig en 2012, au lendemain des inondations qui ont causé la mort d’une trentaine de personnes.
D’un coût global de près de 1000 milliards, la réalisation de cette infrastructure qui a pourtant fait l’objet d’une étude de faisabilité qui a couté 1 milliard de F, a été remis au goût du jour en 2020 par le ministre de l’Economie, qui égrenait la liste des projets qui devaient être implémentés urgemment après les inondations enregistrés cette année-là.
Sauf que 4 ans plus tard, le gouvernement n’en parle même plus, lui qui avait fait miroiter la participation de la Banque mondiale et de la Banque africaine de développement (Bad) à ce projet. En attendant, les populations doivent se contenter de la seule digue de Maga remise en état de 2016 à 2020 grâce au concours de la Banque mondiale. Malheureusement, celle-ci cède régulièrement sous la pression des eaux du fleuve Logone.