lundi, décembre 9, 2024
spot_img
spot_img
AccueilA LA UNEInfrastructure énergétique: Barrage de Mekin, le dysfonctionnement de trop

Infrastructure énergétique: Barrage de Mekin, le dysfonctionnement de trop

Mis en service en 2016 et réceptionné en 2023, le barrage hydroélectrique de Mekin, dans la région du Sud, est à l’arrêt depuis septembre 2024. Après des années de controverses, d’incidents techniques et de gestion opaque, le Premier ministre a présidé une réunion de crise le 21 novembre 2024 pour prescrire sa réhabilitation.

Lors de la réunion interministérielle présidée par le Premier ministre Joseph Dion Ngute le 21 novembre 2024, une décision majeure a été prise : réhabiliter d’urgence le barrage hydroélectrique de Mekin, à l’arrêt depuis septembre, suite à un dysfonctionnement des pompes à eau du 1er étage à la suite d’une inondation, a-t-on appris de sources concordantes. Cette infrastructure, pourtant présentée comme l’une des pièces maîtresses de l’électrification rurale dans le Sud et le Centre du Cameroun, illustre aujourd’hui l’échec cuisant d’une gestion hasardeuse et de problèmes techniques à répétition.

En juillet 2023, l’infrastructure avait pourtant été officiellement réceptionnée, marquant une étape censée clore un chantier débuté en 2010. Mais cette réception n’a pas empêché les dysfonctionnements de perdurer, au point de rendre le barrage incapable de fonctionner. «C’est le dysfonctionnement de trop», souffle un cadre du ministère de l’Eau et de l’Énergie (MINEE). UNE

PRODUCTION ÉNERGÉTIQUE LIMITÉE ET INÉGALE

 Depuis sa mise en service initiale en 2016, le barrage de Mekin n’a jamais atteint son objectif de production de 15 MW. Selon les données communiquées en juin 2022 par le ministre de l’Eau et de l’Énergie, Gaston Eloundou Essomba, la centrale injectait 11,2 MW par jour dans le Réseau Interconnecté Sud (RIS). Une production insuffisante pour répondre aux besoins de la région du Dja-et-Lobo et d’une partie de la région du Centre, qu’elle était censée alimenter. En cause, des pannes récurrentes sur la turbine et le transformateur principal, signalées dès les premières années d’exploitation.

 Les responsables du projet, à l’époque, avaient évoqué des « contraintes techniques », sans jamais apporter de solutions pérennes. Le constat est resté inchangé jusqu’à l’arrêt complet de l’infrastructure en septembre 2024.

UN FLOU PERSISTANT SUR LA GESTION ET LA COMMERCIALISATION

Outre les problèmes techniques, le barrage de Mekin souffre également de l’absence d’un cadre légal clair pour sa gestion. En juillet 2023, Fréderic Biya Motto, directeur général de la Société Hydro Mekin, révélait que le contrat de concession de l’infrastructure n’avait toujours pas été signé. «C’est une urgence à résoudre pour permettre à Mekin de vendre sa production sur le marché, non seulement à Eneo, mais aussi à des grands consommateurs», avait-il déclaré.

Cette situation administrative floue «limite les possibilités de rentabilisation de l’ouvrage, renforçant les critiques sur le manque de vision stratégique autour de cet investissement», renseigne une autre source au sein du gouvernement qui a requis l’anonymat

UN LOURD PASSIF FINANCIER ET SOCIAL

 Le barrage de Mekin est aussi devenu un symbole des dépassements budgétaires et de conflits sociaux. Initialement estimé à 25 milliards de FCFA, financés à hauteur de 75 % par EximBank of China et 25 % par l’État du Cameroun, le coût du projet avait déjà atteint 34,5 milliards de FCFA en 2020, selon Hydro Mekin. Sur le plan social, la mise en eau du barrage en 2016 a engendré des dégâts considérables : des villages environnants ont été submergés, obligeant des centaines d’habitants à se déplacer.

Huit ans plus tard, les indemnisations promises restent en grande partie impayées, alimentant un sentiment d’injustice parmi les populations locales. Par ailleurs, le barrage est également pointé du doigt par l’Unesco pour son impact sur la Réserve de Faune du Dja, classée au patrimoine mondial. Les organisations de protection de l’environnement dénoncent une mise en œuvre du projet sans considération suffisante pour les normes environnementales internationales.

LE SIGNAL D’UN ÉCHEC STRUCTUREL

La récente décision du Premier ministre de réhabiliter le barrage de Mekin souligne l’ampleur de l’échec. «C’est un projet qui symbolise les défis structurels de nos infrastructures énergétiques : une planification inadéquate, une exécution médiocre et une exploitation non optimale», analyse un expert du secteur. Pour Joseph Dion Ngute, c’est peut-être l’occasion de sauver ce qui peut encore l’être.

Mais pour de nombreux observateurs, le cas de Mekin doit également servir de leçon pour éviter que d’autres projets stratégiques ne subissent le même sort. QUELLE VOIE POUR L’AVENIR ? La réhabilitation du barrage, désormais priorisée, ne sera pas sans défis. Les réparations techniques, vont contraindre le gouvernement à mobiliser des fonds supplémentaires qui vont venir gonfler la facture de ce barrage fortement décrié

spot_img
LIRE AUSSI

LAISSER UN COMMENTAIRE

S'il vous plaît entrez votre commentaire!
S'il vous plaît entrez votre nom ici

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.

EN KIOSQUE

spot_img

LES PLUS RECENTS