« Je vous en supplie mes frères et sœurs, cotisez cet argent et venez apportez, je vous en supplie, je vous supplie, je vous supplie ». Ce sont les supplications d’un homme ligoté à quatre pattes dans le dos et ceintré, la tête vers le bas. Pleurant à chaudes larmes, sous le regard de personnes invisibles dans l’extrait de vidéo, mais qui s’expriment en anglais. Vêtu d’une culotte kaki et d’un T-shirt bleu, les parties de son corps exposé laissent croire que l’homme a subi la torture. Couché à même le sol, revêtant une ténue similaire, Roland Ewane, le sous-préfet d’Idabato enlevé le 1er octobre dernier par des hommes armés présentés comme des pirates venus du Nigéria. Depuis los l’on n’avait plus de nouvelles de l’administrateur civil.
Des voix lui demandent « combien ils consent à donner » pour sa libération. Et l’homme supplicié de répondre « seven hundred thousands». Et ses ravisseurs de relancer : « s’ils n’apportent pas, qu’est-ce qu’on vous fait ?». Cette vidéo a été envoyée par ses ravisseurs à son épouse. « Ils sont partis de 5 millions avec les supplications, ils sont allés à 3 millions de dollars ; de 3 millions de dollars, ils sont descendus à un million. Et depuis hier, ils parlent de 700 mille dollars, dix groupes électrogènes, un engin moteur Yamaha de 200 chevaux et la libération des leurs qui se retrouvent en prison à Buéa», rapporte l’épouse du sous-préfet. La famille est loin de réunir ladite somme.
Les jours de Roland Ewane sont visiblement comptés, la famille a presque craqué : «Vous voyez comment ma tête tremble. C’est comme si j’avais la maladie de parkinson ; le stress quotidien. Quand les pirates appellent matin, midi et soir avec une voix qui peut tuer quelqu’un, dans les menaces et puis tu entends la voix de ton époux pleurer en fond. Mon frère, je vais me sentir comment ? Je suis presque morte ! je suis déjà à moitié morte ! », confie la pauvre qui a pu trouver auprès du Premier ministre (qu’elle n’a pu rencontrer), le conseil d’un recours à Dieu. La question étant « diplomatique » entre le Cameroun et le Nigéria.
Roland Ewane a été kidnappé le 1er octobre dernier en pleine nuit. La coïncidence avec la date (jour de commémoration de la Réunification des ex Cameroun français et anglais) laissait croire aux séparatistes qui luttent pour la sécession des deux régions anglophones du pays. « Il était 2h45 ce fameux 2 octobre, je crois que c’était un mardi, lorsque je reçois un appel venant du maire d’Idabato : ‘’Mama, Mama, les mauvais garçons sont entrés dans la ville, ils ont pris ton mari’’. Alors je lui pose la question, ‘’toi tu es où, pendant qu’on récupère mon mari ?’’ Il a raccroché », raconte l’épouse du sous-préfet dans un reportage réalisé par Canal 2 international. « En passant, il habite dans la case de passage de la commune. Il n’a pas de résidence. Donc dans cette case de passage, se trouvent le maire et son épouse, l’adjoint au maire et son épouse et d’autres enfants du maire,…», précise la dame éplorée.
L’épouse du sous-préfet d’Idabato fond en larmes pendant qu’elle raconte l’histoire. C’est une femme fragilisée par cette situation, qui s’en remet à Dieu, sans abandonner le combat. Me Akere Muna, ancien bâtonnier de l’Ordre des avocats du Cameroun, a essayé un appel à l’endroit des ravisseurs : « Je vous invite à évaluer le coût humain de vos actions. J’en appelle à votre sens d’humanité pour libérer M. Ewane Roland Ekwe et lui permettiez de retourner sa famille. Choisissons l’empathie à la violence, et la compréhension au conflit », a plaidé le candidat à l’élection présidentielle 2025, dans une lettre ouverte.