Adamou est boucher au marché de Nvog-Betsi, un quartier populaire de Yaoundé situé dans le 6ᵉ arrondissement de la capitale politique. Vendredi dernier, ce quadragénaire a patienté longuement au Lycée bilingue d’application de Yaoundé pour finaliser l’inscription de ses trois enfants. Il s’agissait concrètement du paiement des frais imposés par les associations des parents d’élèves et enseignants (APEE) et des frais d’inscription. « Je viens de dépenser 105 000 FCFA rien que pour l’inscription de mes enfants, dont 75 000 FCFA pour les frais d’APEE. Je trouve ça très lourd, surtout avec la situation économique actuelle », s’exclame ce commerçant. Il poursuit : « Vraiment, que le gouvernement revoie sa position en tenant compte du pouvoir d’achat actuel. » Ce type de revendication est devenu monnaie courante à l’échelle nationale. On observe un stress intense chez les parents.
Les frais d’APEE sont au cœur d’une polémique qui ne cesse de faire jaser. Les montants élevés et la gestion opaque de ces frais poussent de nombreux parents à les considérer comme une escroquerie. Pourtant, les représentants des associations de parents d’élèves affirment que ces frais servent à rémunérer les enseignants vacataires, à acheter du matériel informatique, à financer la construction de salles de classe et à acquérir des tables-bancs. « Certains établissements manquent de professeurs, et il faut que les parents contribuent pour engager des vacataires et acheter du matériel didactique. Ce n’est pas que nous le faisons de notre propre volonté ou qu’il y a des bénéfices à en tirer, mais c’est surtout pour accompagner le système éducatif », justifie Boniface Bayola, secrétaire d’État auprès du ministre des Enseignements secondaires, chargé de l’enseignement normal, lors d’un entretien à la CRTV, le média de l’Etat.
Les parents d’élèves camerounais ont été pris de court à l’approche de la rentrée scolaire par une rumeur faisant état de la suppression des frais d’APEE. Ces frais, pourtant présentés comme volontaires par la loi, sont souvent perçus comme obligatoires en raison de certaines directives ministérielles. Le ministre des Enseignements secondaires, Nalova Lyonga, a rapidement mis fin à ces spéculations, rappelant l’importance des APEE dans le financement de l’éducation publique.
Nouveautés de la rentrée
Cette année scolaire apporte une grande nouveauté : l’introduction d’un matricule national unique pour chaque élève. Les numéros sont générés à partir de la plateforme mise en place par le ministère et attribués aux élèves. L’enfant peut lui-même obtenir ce numéro en se connectant sur la plateforme cartescolaire.cm. Des mesures ont été prises pour faciliter la tâche des parents : les fiches comportant les noms et les numéros d’identification uniques sont téléchargeables, et chaque numéro est inscrit sur le reçu de paiement des frais d’APEE afin de finaliser le règlement de la pension.
Réactions
BONIFACE BAYOLA, secrétaire d’État auprès du ministère des Enseignements secondaires, chargé de l’enseignement normal
« Les APEE viennent pallier les insuffisances du système éducatif »
Le problème des frais d’APEE réside dans le fait que les parents se retrouvent à combler les lacunes du système éducatif public. En effet, ces contributions servent souvent à financer des besoins essentiels comme les surveillants, l’entretien des locaux ou le matériel pédagogique, qui devraient normalement être assurés par l’État. La multiplication des établissements scolaires ces dernières années a mis à rude épreuve les ressources publiques. Avec un nombre d’enseignants limité et des infrastructures souvent dégradées, il est difficile d’offrir une éducation de qualité à tous. Dans ce contexte, les APEE apparaissent comme une solution de facilité pour pallier les insuffisances du système. Cependant, il est important de souligner que ces contributions ne sont pas une fin en soi. L’objectif à long terme doit être de renforcer le système éducatif public afin de réduire la dépendance aux APEE et d’assurer une égalité d’accès à l’éducation pour tous les élèves. En collaboration avec les autorités administratives, nous avons mis en place des dispositifs pour faciliter l’accès à l’école des enfants vivant dans les zones reculées. Des mesures ont été prises pour organiser leur transport vers les établissements scolaires ou pour assurer leur ramassage à la sortie des classes. Je suis heureux de vous annoncer qu’un projet d’autonomisation des femmes va bénéficier à 30 000 jeunes filles dans les trois régions du Nord pour cette rentrée scolaire. Ce projet comprend la distribution de kits scolaires comprenant notamment des lampes solaires et du matériel didactique. Par ailleurs, 3 000 filles vivant dans des zones très éloignées recevront des vélos. Cette initiative, menée en partenariat avec le ministère de l’Économie, vise à encourager la scolarisation des filles. Les bénéficiaires ont été identifiées l’année dernière et les premières distributions de kits sont prévues d’ici le 10 septembre ».
MBARBE KOMBELE ERIC, parent d’élèves
« Que l’utilisation de ces fonds se fasse dans la transparence »
« En ces temps où l’atmosphère économique n’est pas du tout favorable pour le plein épanouissement des citoyens, surtout des parents que nous sommes, je prends avec double analyse les réformes au Ministère des Enseignements secondaires. D’abord, le matricule unique : pour moi, je crois que c’est une très bonne chose de savoir qu’on tend déjà vers un fichier unique de tous les élèves du secondaire sur le territoire national. Cela permettra à coup sûr de réduire considérablement les fraudes sur les parcours des élèves en rassurant, par exemple, un responsable de lycée ou collège sur la provenance de l’élève qu’il veut recruter. Si cela est bien orchestré, même les transferts se feront simplement sur une plateforme. C’est une innovation à louer. D’un autre côté, le paiement exclusif par agence monétaire des frais exigibles et autres permettra aussi d’avoir un guichet unique de recouvrement et de sécuriser les recettes engrangées par les établissements. L’utilisation de ces fonds doit se faire dans la transparence qui nous évitera les détournements dont faisaient l’objet certains bureaux d’APEE en connivence avec certains chefs d’établissements et consorts. Les vacations seront prises en charge de manière efficiente et les rémunérations de ceux qui exercent ce métier seront améliorées. À mon avis, si ces réformes sont bien mises en place, le système éducatif se verra davantage transformé en un cadre agréable d’épanouissement pour nos jeunes enfants. Il reste maintenant à espérer que la mayonnaise prenne rapidement et que les lignes bougent. »