L’année 2023 a été marquée par un retour en force de pratiques illégales que le gouvernement camerounais tente d’éradiquer depuis plusieurs années. La corruption, fléau bien connu, a atteint des sommets inquiétants, infligeant un préjudice financier de 114 milliards de FCFA à l’État, soit une augmentation de 109 milliards par rapport à l’année précédente. Mais au-delà de la corruption, c’est surtout le blanchiment d’argent qui connaît une croissance vertigineuse.
Selon Dieudonné Massi Gams, président de la Commission nationale anticorruption (Conac), l’Agence nationale d’Investigation financière (Anif) a reçu en 2023 pas moins de 965 déclarations de soupçon, contre 869 en 2022, représentant une augmentation de 11,05 %. Concrètement, l’Anif a transmis 447 rapports aux autorités compétentes, couvrant des flux financiers s’élevant à 1 665 milliards de FCFA, un montant qui a littéralement explosé, en hausse de 180,01 % par rapport à l’année précédente.
UN SECTEUR BANCAIRE SOUS SURVEILLANCE
Les flux financiers illicites sont, en économie, une forme de fuite illégale de capitaux qui se produit lorsque de l’argent est gagné, transféré ou dépensé illégalement. Le secteur bancaire camerounais est celui qui a transmis le plus d’informations se rapportant à ce phénomène. En effet, Les banques représentent 68,70 % des déclarations de soupçon enregistrées en 2023, en légère hausse de 1,22 % par rapport à l’année précédente.
Elles sont suivies par les prestataires de Mobile Money (4,25 %), les établissements de microfinance (1,35 %) et la Banque des États de l’Afrique Centrale (0,93 %). Les institutions financières spécialisées complètent cette liste avec 0,93 % des déclarations. Les autres délits recensés incluent des escroqueries sur internet, en légère augmentation avec 22 cas contre 18 en 2022.
En revanche, les affaires de faux documents ont chuté de 20,51 %, avec 31 dossiers traités. Ces infractions concernent principalement la falsification de documents financiers et l’usurpation d’identité. Toutefois, la diminution des trafics divers, en particulier ceux liés aux armes, à la drogue et aux produits miniers, est notable : une baisse de 55 % par rapport à 2022.
LA RIPOSTE DU GOUVERNEMENT
Quelques mois avant la révélation de ces fraudes diverses par la Conac, le président Paul Biya avait déjà signé un décret le 30 octobre 2023, visant à renforcer les mécanismes de lutte contre le blanchiment d’argent. En clair, une nouvelle instance, sous la supervision du ministre des Finances, est désormais chargée de coordonner les politiques nationales dans ce domaine. Cette structure a pour mission de mettre en place des stratégies concertées pour lutter contre le blanchiment de capitaux, le financement du terrorisme et la prolifération des armes de destruction massive.
Ses membres ont été officiellement installés le 19 juin 2024 par le ministre délégué auprès du ministre des Finances, Yaouba Abdoulaye. Cette réforme a été implémentée quelques semaines après que le Cameroun ait été placé sous surveillance renforcée par le Groupe d’action financière (GAFI), une instance internationale chargée de surveiller les efforts mondiaux contre le blanchiment d’argent et le financement du terrorisme.
Le pays, aux côtés de la Croatie et du Vietnam, fait désormais partie de la liste « grise » des pays présentant des lacunes stratégiques dans leurs systèmes de lutte contre ces crimes financiers. Ce montant résulte de l’exploitation de plusieurs déclarations de soupçons faites par les banques, les établissements de microfinance et les services de mobile money auprès de l’Agence nationale d’Investigation Financière en 2023