Au cours de la décennie allant de 2008 à 2018, le ministère des Finances (Minfi) n’a ménagé aucun effort pour mettre sur pied une batterie de réformes de la politique fiscale ainsi que de l’administration en charge de ce secteur. A cet effet, la 10ème session du Cameroon Business Forum (CBF) tenue à Douala le 18 mars dernier, a servi de prétexte au chef de ce département ministériel, Louis Paul Motaze, pour présenter les retombées issues de ces mesures. Ainsi, dans son exposé intitulé « quelle fiscalité pour l’émergence ? », le Minfi a fait savoir que les réformes fiscales initiées de 2008 à 2018, ont significativement contribué à la hausse des recettes budgétaires. A titre d’illustration, Louis Paul Motaze a révélé que, « les recettes non pétrolières ont connu une hausse substantielle, passant de 1277 milliards de francs CFA en 2008, à 2703 milliards en 2018, soit une variation de 111,66 % ». De manière détaillée, les recettes fiscales internes, sont passées de 809 en 2008 à 1900 milliards de francs CFA en 2018, ce qui situe le taux d’évolution à 134,85 % au cours de la période sous revue. Bien plus, les recettes douanières, quant à elles, sont passées de 468 milliards en 2008 à 803,5 milliards en 2018, soit un taux de progression de 71,68 %. Cependant, cette hausse des recettes fiscales a-elle de fait un effet sur l’émergence ? Selon Louis Paul Motaze, « la fiscalité peut contribuer à la croissance, mais n’en est pas le déterminant exclusif. L’importance ou le niveau des prélèvements fiscaux n’entraine pas automatiquement la croissance soutenue ou l’émergence ».
Pression fiscale
Dans la même veine, Louis Paul Motaze a indiqué que le taux de pression fiscale au Cameroun est passé de 13 % en 2008 à 16 % en 2018. Toutefois, même si l’on note une certaine évolution, il n’en demeure pas moins que comparé aux pays tels que le Maroc, la Côte d’Ivoire, le Ghana ou encore le Sénégal, le taux de pression fiscale au Cameroun est de loin inférieur à celui qui est appliqué dans ces pays. La preuve, d’après les données fournies par la Banque Mondiale, en 2017, alors que le taux de pression fiscale était de 15,6 % en Côte d’Ivoire ; 26 % au Maroc, 22 % au Sénégal et 15 % au Ghana, il n’était que de 14,8 % au Cameroun. A ceux qui estiment que la hausse de la pression fiscale constitue un handicap pour la croissance économique, Louis Paul Motaze rétorque en affirmant que « le taux de pression fiscale en soit et par lui seul ne peut pas constituer un frein à la croissance, ou à l’amélioration du niveau de vie des citoyens ». Car, argue-t-il:« c’est un niveau juste, suffisant et équitable de pression fiscale qui est un facteur de croissance économique ».
En termes de perspectives de la nouvelle politique fiscale, capable de conforter et de contribuer à l’atteinte de l’objectif de l’émergence, Louis Paul Motaze parle : d’une fiscalité garante de la croissance des entreprises et de la compétitivité de l’économie ; la poursuite de l’élargissement de l’assiette fiscale avec une emphase particulière sur l’imposition du patrimoine et des revenus des personnes physiques, notamment les revenus fonciers ; la réduction des taux d’imposition pour tous en lieu et place des incitations discriminatoires et pas toujours efficace ; la rationalisation des dépenses fiscales, etc. Il faudra pour cela, a-t-il martelé, que le secteur privé « améliore son civisme fiscal et la lutte contre la corruption ».
Junior Matock
Source : Défis actuels