La budgétisation sensible au genre (BSG) est une approche novatrice visant à analyser et adapter les politiques fiscales, les dépenses et les recettes publiques pour réduire les inégalités entre les sexes. Il s’agit d’intégrer une perspective de genre à toutes les étapes du cycle budgétaire pour évaluer si les finances publiques aggravent ou diminuent les disparités entre hommes et femmes.
Concrètement, cela implique d’identifier l’impact des budgets sur les conditions des femmes et des hommes tout en tenant compte des dimensions sociales, économiques et culturelles. Cette démarche, portée depuis plusieurs décennies par des organisations internationales comme l’ONU, a été consacrée au Cameroun par la circulaire présidentielle du 30 août 2021.
Ce texte de loi définissait 2022 comme année pilote pour intégrer la BSG dans des départements ministériels clés. Pourtant, malgré des intentions ambitieuses, la mise en œuvre s’est heurtée à des résistances structurelles et institutionnelles. Le 26 novembre 2024, lors des Cafés thématiques sur les Réformes de la gestion des finances publiques qui avaient pour thème «Plan stratégique de réformes de la gestion des finances publiques: quels enjeux», Sophie Boumsong, Chef de la division de la Réforme budgétaire de la direction générale du budget du ministère des Finances, a partagé des éclairages sur les stratégies en cours pour intégrer la dimension genre dans les ministères au Cameroun.
A en croire cette dernière, Cette démarche, bien qu’encore en construction, suit une approche pragmatique et progressive. «Nous avons sélectionné des ministères pilotes parce qu’ils se prêtent, par leur nature même, à une analyse plus évidente des questions de genre. Par exemple, au ministère des Affaires sociales ou au ministère de la Promotion de la Femme et de la Famille, les enjeux liés au genre sont plus facilement identifiables sans nécessiter d’études préalables complexes», a-t-elle expliqué.
Toutefois, précise-t-elle, intégrer cette dimension dans des départements moins naturellement «genrés», tels que les Travaux publics, exige des études de fond pour définir des stratégies adaptées. «Comment intégrer concrètement la perspective genre dans ce type de ministère ? Cela passe par des analyses préalables et des études approfondies. Ce sera l’une des priorités de notre plan d’urgence», a-t-elle souligné.
Pour initier cette démarche, les administrations sont encouragées à se doter d’indicateurs genre. «Des données telles que le nombre de femmes dans les effectifs, la proportion de femmes occupant des postes de responsabilité ou suivant des formations pour progresser dans leur carrière sont relativement faciles à collecter dans tous les ministères », a précisé Sophie Boumsong. Un autre point essentiel concerne l’allocation budgétaire. «Nous avons introduit des mécanismes pour marquer toutes les activités sensibles au genre au sein des administrations. L’objectif est d’éviter que les fonds alloués soient redirigés vers d’autres activités non prévues», a-t-elle expliqué.
Par ailleurs, indique-t-elle, le développement d’une nomenclature budgétaire spécifique aux questions de genre est également envisagé, bien que «cela s’inscrive dans un travail de longue haleine»
DES ACTIONS POUR CORRIGER LE TIR
Face à ces lacunes, le gouvernement camerounais multiplie les efforts pour rattraper le retard. Au cours de cette année, près de 300 acteurs de la chaîne de préparation budgétaire des départements ministériels ont été mobilisés pour une formation sur la BSG. Initiée par le ministère des Finances à travers sa Division de la Réforme Budgétaire (DREF), cette initiative vise à renforcer les capacités des administrations à diagnostiquer et élaborer des budgets intégrant les priorités spécifiques des hommes et des femmes. La formation s’articulait autour de six modules, couvrant des thématiques allant des concepts clés de genre aux outils d’analyse comme les marqueurs de genre