Refonte de la taxe foncière, réduction des taxes parafiscales ; plus d’investissement dans les infrastructures énergétiques et routières ; des mesures pour encadrer l’immigration des travailleurs qualifiés vers le Canada…le patronat présente sa vision sur les principaux défis liés à l’activité économique.
Pour la première fois depuis l’aboutissement du processus de fusion de l’ex Gicam et Ecam, le nouveau patronat s’exprime sur la situation économique du pays. Face à la presse à Douala, les administrateurs du Groupement des Entreprises du Cameroun (Gecam) abordent divers sujets. A côté des questions habituelles telles que la fiscalité, les infrastructures, le marché public, la nouvelle organisation patronale soulève l’environnement numérique et l’immigration vers le Canada.
Des mesures pour atténuer l’immigration canadienne sur les entreprises
Le Président du Gecam, Célestin Tawamba fait savoir que le patronat est de plus en plus préoccupé par les départs réguliers des travailleurs qualifiés vers le Canada avec près de 6000 camerounais ayant immigré entre janvier et avril 2024. Célestin Tawamba souhaite une concertation entre le gouvernement et le secteur privé à ce sujet. Ceci afin d’examiner les causes de ce phénomène et « discuter mes mesures potentielles pour atténuer ses effets ». Selon le Gecam, plusieurs employés ont en effet quitté leurs entreprises laissant des dettes non remboursées, compromettant l’accès au crédit pour d’autres employés. En plus, pour la plupart ce sont des employés dont les entreprises ont parfois financé leur formation. Ce qui occasionne une fuite de compétences. Des stratégies pour encadrer ce phénomène doivent être mises en place, pense le Gécam.
Une réforme fiscale préservant les entreprises « fortement taxées »
Tout en saluant les efforts déployés par l’administration fiscale, le Gécam estime qu’il faut réviser le système fiscal actuel qualifié d’ « injuste et oppressif » pour les entreprises. « Notre système conduit à payer des taux effectifs de 60 à 80%. Il fait payer l’impôt aux entreprises naissantes et même celles qui font des pertes », explique Célestin Tawamba.
La réduction des taxes parafiscales est aussi suggérée. Notamment celles des CTD. Célestin Tawamba cite notamment la taxe sur le dépotage des conteneurs sur la voie publique récemment mise en place par la CUD. Ce qui s’ajoute à celles instituées par la loi de finances de 2024. Pour le président du Gecam, cette loi « a mis en exergue une multiplication exponentielle des taxes parafiscales touchant quasiment tous les secteurs d’activités et tous les services rendus par les administrations publiques». Plus globalement, le Gécam suggère que dans la loi de finances 2025, soient inscrites des mesures d’élargissement fiscal qui n’affectent pas les entreprises « déjà fortement taxées » et une refonte de la taxe foncière et sur l’immobilier.
Densifier les investissements sur les infrastructures
Dans le secteur énergétique considéré comme l’un des principaux défis des entreprises, le Gecam appelle le gouvernement à renforcer les investissements dans les infrastructures de transport d’électricité en état de vétusté. De même, à régler sa dette vis à vis d’Eneo afin de restaurer l’équilibre financier du secteur de l’électricité. Ce qui permettrait d’accompagner des projets en cours afin de répondre à la demande industrielle non comblée estimée aujourd’hui à environ 400Mw.
Sur l’état des infrastructures de transport, le Gecam invite le gouvernement à recourir au partenariat public privé si nécessaire pour financer le réseau routier. Aussi, de repenser le péage routier avec l’arrivée des péages automatiques afin qu’ils puissent contribuer à l’entretien du réseau routier national. Une décision urgente doit être prise selon le patronat. Car, l’activité économique est durement affectée par le mauvais état des routes dont seulement 9% sont bitumées. « L’évaluation de certains produits en provenance ou à destination des ports et des grandes villes s’en trouve profondément affectée… » note le Gecam. Or, le transport aérien est hors de portée tandis qu’il serait la seule voie de recours pour joindre les régions septentrionales où les routes sont impraticables. « Près de 300 000 FCFA le billet MVR- DLA-MVR en classe économique c’est incompréhensible »s’indigne Célestin Tawamba.
Revoir la politique en matière d’incitations à l’investissement
Sur la politique en matière d’incitations à l’investissement, au-delà de la révision du cadre légal, le Gecam dit avoir notamment proposé à l’Agence de Promotion des Investissements, de suspendre la délivrance des agréments dans les secteurs saturés et à forte concurrence. Ceci en attendant d’avoir une loi adaptée aux investissements privés. Car, pour le patronat, la loi de 2013 adossée aux nouvelles réformes en la matière présente plusieurs insuffisances. Certaines nouvelles dispositions sont en « déphasage » avec de la loi. Il en est par exemple de la question des mesures d’incitations fiscales et douanières durant les phases d’installation jugée » vaste et pas toujours adaptée aux objectifs recherchés »
Au demeurant le patronat formule la recommandation d’une refonte de la loi sur les incitations à l’investissement. Ce qui serait avantageux pour les pouvoirs publics. Car simulation faite, « si l’on s’en tient aux chiffres disponibles, pour une proportion de 198 milliards de FCFA d’incitations fiscales et douanières accordées, la richesse créée se situerait autour de 41 milliards de FCFA seulement soit 0, 00018% du PIB. », note le Gécam.
Le patronat camerounais propose par ailleurs une mise à jour de la législation autour de l’obtention du titre foncier et l’accélération du processus d’informatisation et de numérisation du titre foncier. Sur le numérique, le Gécam suggère que soit mise à jour la réglementation dans le secteur des TIC au Cameroun. Car les entreprises font face à une insuffisance d’offres des opérateurs de téléphonie mobile. En plus de la mauvaise qualité du réseau, le Gecam déplore l’usage de plusieurs numéros mobiles identifiant les personnes pour des besoins professionnels. Ce qui constitue « un risque élevé d’usurpation de l’identité téléphonique de l’entreprise dans des actes frauduleux ».