Dans la circulaire présidentielle du 23 octobre 2024 relative à la préparation du budget de l’État pour l’exercice 2025, le président de la République a émis une prescription notable : le «renforcement des capacités de cette institution majeure du dialogue public-privé », en référence au Cameroon Business Forum (CBF). Créé pour favoriser l’amélioration du climat des affaires et suspendu depuis 2020, le CBF semble ainsi en voie de renouveau, répondant à la volonté de l’exécutif d’offrir un espace de concertation renforcé entre le gouvernement et le secteur privé.
LA VOLONTÉ DE REFORMER
Cette directive intervient un mois après qu’en août 2024, plusieurs parties prenantes ont pris part à un atelier destiné à faire le bilan du CBF et à en redéfinir les contours. Cet événement, coordonné par Moïse Ekedi, secrétaire permanent du CBF, a réuni divers représentants de l’administration publique et du secteur privé, notamment la primature, le Groupement des entreprises du Cameroun (Gécam), le Syndicat des industriels du Cameroun (Syndustricam), l’Association professionnelle des établissements de crédit du Cameroun (Appecam), ainsi que le Groupement des femmes d’affaires du Cameroun (GFAC).
Les échanges ont permis de souligner une série de dysfonctionnements au sein du CBF, tels que le manque d’une voix unifiée et forte du secteur privé, une feuille de route surchargée et des ressources limitées. Ces faiblesses ont souvent entravé la mise en œuvre effective de certaines réformes. Toutefois, Moïse Ekedi a rappelé que, malgré ces défis, le CBF avait contribué à la réalisation de 140 réformes entre 2010 et 2016 sur un total de 200 recommandations. Ces réformes ont notamment touché des domaines clés comme l’accès au financement, la création d’entreprises, la gouvernance économique et la fiscalité des sociétés
DES SUCCÈS MALGRÉ LES DIFFICULTÉS
L’impact du CBF a également été analysé en 2021 par l’Institut national de la statistique (INS) dans une étude financée par l’Union européenne. Selon l’INS, entre 2009 et 2018, 83 réformes découlant des recommandations du CBF ont été adoptées par le gouvernement camerounais. Celles-ci couvrent onze axes prioritaires, incluant la promotion des investissements, le règlement des conflits commerciaux, et l’accès à l’énergie, au crédit, et à la propriété foncière. D’après cette étude, 80 % de ces réformes ont été pleinement exécutées.
La simplification des procédures de création d’entreprises et les progrès dans la promotion des investissements figurent parmi les succès les plus notables de cette période. Plusieurs autres propositions ont été formulées lors de l’atelier d’aout dernier, afin de rendre l’instance plus efficace.
En plus de la désignation d’un porte-parole unique pour le secteur privé, il a été suggéré d’introduire un financement public-privé en complément du soutien de la Banque mondiale. Ces pistes visent à consolider la dynamique des réformes dans un cadre plus efficient et mieux structuré. LES
NOUVELLES RECOMMANDATIONS DU PATRONAT
En octobre 2024, le Gecam a également émis de nouvelles recommandations pour l’amélioration du climat des affaires. Dans une prise de position forte, son président, Célestin Tawamba, a dénoncé le système fiscal actuel comme « injuste et oppressif », évoquant des taux effectifs d’imposition de 60 à 80 %, qui pénalisent aussi bien les entreprises naissantes que celles en difficulté.
Le Gecam plaide pour une réduction des taxes parafiscales, notamment celles appliquées par les collectivités territoriales décentralisées, et suggère l’élargissement de la base fiscale dans la loi de finances 2025 pour alléger la pression sur les entreprises déjà fortement taxées.
En matière d’infrastructures, le patronat a appelé à un investissement accru dans le secteur énergétique pour moderniser les infrastructures de transport d’électricité, essentielles à l’activité industrielle. Le gouvernement est également invité à réexaminer le partenariat public-privé pour la réhabilitation du réseau routier national, dont le mauvais état ralentit l’économie.
Enfin, le Gecam préconise une refonte de la législation sur les incitations à l’investissement. La loi de 2013, en vigueur, est jugée insuffisante face aux besoins actuels, particulièrement en ce qui concerne les incitations fiscales et douanières pour les nouvelles entreprises. Une analyse du Gécam indique qu’un montant de 198 milliards FCFA d’incitations n’a produit que 41 milliards FCFA de valeur ajoutée, soit seulement 0,00018 % du PIB, illustrant le besoin d’une révision en profondeur de cette loi