Dans l’optique de permettre au Cameroun d’atteindre les Objectifs de Développement Durable et par la même occasion couvrir tous les besoins de financement de la deuxième phase de la Vision 2035, le Programme des Nations Unies pour le Développement (Pnud), le ministère des Finances et celui de l’Economie ont récemment conduit une étude sur l’évaluation du financement du développement au Cameroun. Au terme de cette étude dont les résultats ont été récemment publiés, six principales recommandations ont été faites. Il s’agit notamment de renforcer la politique de mobilisation des recettes budgétaires à travers l’élargissement de l’assiette fiscale ; recourir à l’endettement public en garantissant la viabilité de la dette ; exploiter les ressources des fonds mondiaux, améliorer la mobilisation de l’épargne domestique, accroître la participation de la diaspora, faire éclore les partenariats public-privé.
Renforcer la mobilisation des recettes fiscales
En matière de renforcement de la mobilisation des recettes fiscales, l’étude suggère, avant toute chose, de « faire un audit des exonérations fiscales pour ne maintenir que celles dont l’impact positif sur l’économie est avéré ». Cette proposition s’appuie sur une évaluation faite en 2016 et qui a identifié des montants de 2,5 % du Produit Intérieur Brut, soit 19,6 % des recettes pétrolières, uniquement sur la Taxe sur la Valeur Ajoutée, les droits de douane et les droits d’accises (72 % des recettes non-pétrolières). Or, précise l’étude, si le même pourcentage s’applique aux recettes fiscales, y compris les compagnies pétrolières, le coût total des exonérations serait au-delà de 3,5 % du PIB. Ce qui est énorme. Pour convaincre, l’étude indique que les pays comme le Mozambique et la Tanzanie qui se sont livrés à cet exercice ont constaté que « la plupart des investisseurs bénéficiant d’exonération opèrent dans le domaine de l’importation de biens sans valeur ajoutée nationale ». D’où la nécessité pour le Cameroun de veiller à ce que « les exonérations à maintenir soient bénéfiques aux entreprises dont les projets, la nature de l’activité, le volume de création d’emplois, correspondent à la stratégie de développement du pays ». Dans la même veine, l’étude propose aussi de « réduire significativement l’évasion fiscale, renforcer l’application des lois sur la fiscalité forestière pour dissuader l’exploitation illégale et accroître son recouvrement, renforcer la fiscalité foncière, etc ».
S’endetter, mais En garantissant la viabilité de la dette
L’autre moyen proposé par le Pnud et les deux ministères suscités est celui de l’endettement. A cet effet, il est recommandé à l’Etat d’optimiser sa politique d’endettement, de formuler une politique à long terme de développement des marchés financiers pour l’émission des obligations, etc. En ce qui concerne le premier volet, le constat fait par l’étude révèle que les Soldes Engagés et Non Décaissés représentent un caillou dans la chaussure du gouvernement. A titre d’illustration, en fin mars 2018, l’encours des Sends s’élevait à 21,5 % du PIB. Bien plus, une autre étude menée par le Minepat et le Comité Nationale de la Dette Publique(Cndp) avait fait savoir que 3 200 milliards, soit deux tiers des Sends étaient liés à des projets non performants. Pour pallier cette situation, il est demandé à l’Etat de réduire d’au moins un tiers le montant des Sends. Par ailleurs, il est conseillé au gouvernement de mettre sur pied une politique de développement des marchés financiers à long terme. Ceci permettra, d’après l’étude, de mobiliser l’épargne intérieure, financer les investissements publics mais aussi de financer à long terme le secteur privé. Autre mesure à prendre, « améliorer la situation financière des entreprises publiques pour éviter des risques budgétaires et la fragilisation des banques ». Ceci suppose l’amélioration de la gestion et les résultats des entreprises publiques à travers la mise en œuvre des contrats de performance pour certaines entités dites de souveraineté telles que la Société Nationale de Raffinage (Sonara), Camwater. Ces mesures, expliquent certains experts, va éviter que l’Etat continue d’emprunter de l’argent pour les mettre à la disposition de ces entreprises et donc étendre sa capacité d’endettement pour d’autres projets.
La coopération au développement
Dans cette rubrique, la recommandation formulée à l’endroit du gouvernement porte sur l’exploitation des opportunités qu’offrent les fonds mondiaux pour la santé et l’environnement. Ceci fait suite au constat selon lequel l’aide publique au développement traditionnelle des pays de l’Ocde risque stagner au niveau mondial pour les pays comme le Cameroun qui progresse du statut de pays à faible revenu à celui de pays à revenu intermédiaire tranche inférieure. Toutefois, malgré cette stagnation, l’aide au développement des pays de l’Ocde pourra être très importante pendant toute la période de la deuxième phase de la Vision 2035. Si elle est bien exploitée, elle pourra permettre de financer la Stratégie Nationale de Développement. Pour ce faire, il faudra diversifier les flux d’aide issus de la coopération Sud-Sud, engager les réformes nécessaires pour capter les ressources des fonds mondiaux pour la santé et l’environnement.
Améliorer l’épargne nationale pour financer les PME
Cette proposition naît du fait que malgré l’accroissement de l’épargne domestique au cours de la dernière décennie, elle demeure faible au Cameroun. Pourtant, constate l’étude, il existe une épargne potentielle de long terme au sein des institutions de crédit non-bancaires, telles que la Caisse Nationale de Prévoyance Sociale, les compagnies d’assurance, etc. Ces financements de long terme pourraient donc être mobilisés pour financer les Petites et Moyennes Entreprises (PME). L’autre solution consisterait à « améliorer l’inclusion financière, éduquer les PME aux pratiques boursières, etc ».
Capter les fonds de la diaspora
Selon des données fournies par l’étude, les transferts des fonds de la diaspora ont représenté 0,9 % du PIB au Cameroun en 2017 en termes bruts. Seulement, ces ressources n’ont pas été dirigées vers le financement des investissements productifs du secteur public ou du secteur privé. Ainsi, pour permettre que les fonds issus de la diaspora aient un meilleur impact sur le développement du Cameroun, il est recommandé de les canaliser vers des investissements productifs jusqu’à hauteur de 0,5 % du PIB.
Optimiser les partenariats public-privé
L’un des leviers sur lequel l’Etat peut s’appuyer pour financer ses projets est le partenariat public-privé. Cependant, l’étude révèle que « le manque d’intérêt du secteur privé pour les PPP est relatif à l’immaturité des projets dont la viabilité et la rentabilité financière ne sont pas toujours certaine ». Ce d’autant que, arguent les acteurs du secteur privés, l’essentiel des projets proposé est encore au stade d’idées de projets. Pour remédier à cette situation, l’étude préconise de lever les obstacles qui pèsent sur l’éclosion des partenariats public-privé, renforcer les pouvoirs des structures telles que le Conseil d’Appui à la Réalisation des Contrats de Partenariat (Carpa), etc. Si ces mesures sont implémentées, l’Etat pourra réaliser d’importants projets sous la formule PPP.
Par Junior Matock (Défis Actuels 466)