La crise sociopolitique qui sévit dans les régions du Nord-Ouest et du Sud-Ouest, ne cesse d’être un sujet préoccupant pour le commun des Camerounais. Si elle a éclaté à la suite des mouvements de grèves des enseignants et avocats en novembre 2016, elle a très vite revêtue le manteau de revendications séparatistes, avec à la clé, des conséquences sur le plan humain et économique. Donnant parfois lieu à la guerre des chiffres entre le gouvernement et certaines organisations internationales. En mai dernier par exemple, le Haut Commissariat des Nations Unies pour les Réfugiés, parlait de plus de 400 000 personnes déplacées. Tandis que le gouvernement lui, par la voix du ministre de l’Administration Territoriale (Minat), Paul Atanga Nji, affirmait mordicus que « le Cameroun ne compte que 152 000 familles déplacées ».
Des pertes économiques sèches
Du point de vue économique, l’activité dans les régions en crise est en quasi extinction. Dans un communiqué rendu public le 14 janvier dernier, le directeur général de la Cameroon Development Corporation (CDC), Benjamin Itoe, parlait de 20 500 emplois menacés. Du côté de la société Telcar Cocoa, des sources indiquaient que du fait de l’insécurité dans la région, on enregistre « une chute de 80 % du commerce de cacao ». A ces effets négatifs se greffe la radicalisation des positions observée de part et d’autre.
Les acteurs
Parmi les acteurs de cette crise, Sisiku Ayuk Tabe et ses affidés figurent parmi ceux qui donnent des insomnies au gouvernement. En restant camper sur leur rêve d’un Etat indépendant. Ils sont néanmoins de plus en plus fragilisés par des guerres intestines qui ont récemment débouché à des querelles de leadership opposant Sisiku Ayuk Tabe et Dr Samuel Sako Ikome, deuxième président de l’Etat imaginaire d’Ambazonie. Ce dernier, profitant de l’absence du premier, écroué à la prison centrale de Kondengui depuis janvier 2018, a mis sur pied un gouvernement, non sans s’autoproclamer président de la République d’Ambazonie, via sa page facebook. Mais mal lui en a pris, car Sisiku Ayuk Tabe, depuis sa geôle de Kondengui, a vertement contesté, à travers un communiqué, le gouvernement de son principal challenger, au point d’annoncer sa dissolution le 2 mai dernier. Du côté du gouvernement, certains « ayatollahs » et autres caciques du régime freinent des quatre pieds la dynamique de résolution de cette crise, au vu des prébendes qu’ils en tirent, soulignent des spécialistes.
La pression des partenaires
En effet, le 16 avril 2019, l’Union Européenne (UE) avait rendu public une résolution en 11 points, dans laquelle elle déplorait la situation politique et sociale au Cameroun. Un fait qui n’a pas manqué de susciter la vive réaction du ministre des Relations Extérieures (Minrex), Lejeune Mbella Mbella. Ce dernier avait ainsi convoqué les chefs de mission diplomatique accrédités à Yaoundé, et leur avait rappelé de « ne pas s’ingérer de quelque manière que ce soit dans les affaires intérieures du Cameroun ». Il relevait cependant à cette occasion la disponibilité de Yaoundé à se « faire accompagner par ses partenaires dans la voie de l’apaisement, de la préservation de son unité, et de son intégrité territoriale ». Cette main-tendue de l’Etat du Cameroun ne viendra que conforter le gouvernement Suisse qui, à travers son ambassadeur Pietro Lazzeri, avait déjà fait part au chef de l’Etat, Paul Biya, le 4 avril 2019, de la « disponibilité de son pays à appuyer le Cameroun dans la résolution de la crise anglophone ». L’on peut donc aisément comprendre pourquoi, selon des sources dignes de foi, la Suisse a arboré dès le mois de mai, la casquette de médiateur dans la crise anglophone.
Junior Matock (Défis Actuels)