Crise anglophone : Le casse-tête des armes blanches

Le ministre de l’Administration territoriale vient de réglementer la vente des machettes et du fer de construction de petit calibre dans les régions du Nord-ouest et Sud-ouest, une décision qui selon certains avis est loin de mettre fin aux exactions commises par les séparatistes sur les populations civiles.

Les armes blanches difficiles à contrôler dans la zone anglophone

Le nombre de civils tués à l’arme blanche par les combattants séparatistes a augmenté ces derniers jours. En l’espace de deux semaines au moins 5 civils ont été décapités par des hommes armés de machettes dans le Nord-Ouest et le Sud-Ouest. Le 11 août dernier, des hommes armés non identifiés ont massacré une femme civile à Muyuka, dans le département du Fako , région du Sud-Ouest. Comme le montre une vidéo virale de 26 secondes qui aurait été tournée le mardi 11 août 2020 dans le quartier de Makanga à Muyuka, et qui montre des hommes que l’on dit être des combattants séparatistes fidèles à l’État présumé d’Ambazonie, trancher la tête à une femme. Le 0 9 août 2020, un homme du nom de Peter a été tué dans le département de Nkogkétunjia dans le NordOuest, avant d’être dépecé par ses bourreaux. Quelques jours avant, c’est un enseignant qui était tué sur un pont à Nkwen à Bamenda. Et la même semaine, le pasteur Christopher Tanjoh a été enlevé à son domicile à Batibo (Nord-Ouest), puis assassiné. Après son meurtre, une jeune fille a été décapitée le même jour à Muyuka. Suite à cette série de meurtres, le ministre de l’Administration territoriale (Minat) Paul Atanga Nji a décidé le 18 aout dernier de réglementer la vente des machettes et du fer de construction de petit calibre. Selon le patron de l’Administration territoriale, tout citoyen désireux d’acheter une machette ou une hache doit désormais obtenir une autorisation auprès d’un sous-préfet compétent.

Le casse-tête

Ce n’est pas la première fois que Paul Atanga Nji prend des mesures visant réduire l’activité criminelle des séparatistes. Au mois d’Avril 2018, le Minat avait déjà décidé de “l’interdiction, jusqu’à nouvel ordre, de la vente des armes de chasse et de protection ainsi que leurs munitions » dans plusieurs régions notamment celle du Nord-Ouest et du Sud-Ouest. Une mesure qui a certes réussi, selon certains observateurs, à réduire le nombre d’armes en circulation, mais n’a pas pu mettre fin aux violences. Avec cette nouvelle mesure, plusieurs analystes redoutent que le résultat soit le même. « En cas de rupture des stocks de couteaux ou de machettes, les séparatistes pourront trouver d’autres moyens pour poursuivre leur entreprise criminelle », commente Melvin Etetak, chercheur, en sociologie à l’université de Yaoundé I, qui estime que la question des armes dans le Nord-Ouest et le Sud-Ouest est une équation difficile à résoudre. Pour ce sociologue, « celui qui est violent est prêt à utiliser n’importe quoi pour commettre son forfait. Ce n’est pas en interdisant la vente des couteaux et des machettes qu’on va mettre un terme à certaines atrocités. Ce n’est pas l’objet qu’on utilise pour faire la violence qui fait problème, c’est la mentalité de ceux qui font la violence qu’il faut retravailler ». D’ailleurs, le Centre pour les Droits de l’Homme et la Démocratie en Afrique a indiqué dans un rapport sur les exactions commises par les séparatistes qu’entre le mois de mai et août 2020 que « Depuis le début du mois d’août, Bamenda, la capitale de la région du Nord-Ouest, a été la cible de quatre attentats à la bombe visant des lieux non militaires. » Et qu’en juin, un homme soupçonné d’être un ancien membre des séparatistes, qui a refusé de se joindre à nouveau aux combattants, « a été battu, puis des bouteilles ont été brisées sur sa tête avant que son corps ne soit tranché par le verre brisé ».

Améliorer le dialogue

Pour améliorer les perspectives des initiatives de dialogue engagées depuis la tenue du Grand Dialogue National, « le gouvernement devrait accorder plus de place aux anglophones, en particulier aux fédéralistes qui souhaitent y participer. Il devrait aussi rechercher un facilitateur neutre et accepter l’aide de l’Union africaine (UA) et de l’ONU. Un dialogue fructueux devra poser les jalons de nouveaux pourparlers entre le gouvernement et les anglophones de tous bords, y compris les séparatistes, dont le Cameroun ne pourra faire l’économie », propose l’ONG Crisis Group.

Par Joseph Essama

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