Au-delà d’une simple vitrine technologique, la seconde édition des CONIA 2025 s’est imposée comme un espace de co-construction de la stratégie nationale d’intelligence artificielle. Panels de débats, expositions, hackathons et démonstrations de jeunes développeurs ont rythmé les travaux, avec pour objectif de bâtir une IA éthique, souveraine, performante et adaptée aux réalités locales. Selon Minette Libom Li Likeng, ministre camerounaise des Postes et Télécommunications, le pays entend devenir le hub africain de référence en IA d’ici 2040. Pour y parvenir, un cadre légal structurant est en cours d’élaboration, adossé à une stratégie nationale qui mise autant sur la performance technologique que sur la souveraineté numérique.
Les ambitions du gouvernement sont notamment de former 60 000 talents dans les métiers de l’intelligence artificielle, avec une cible inclusive de 40 % de femmes, et créer 12 000 emplois dans les secteurs liés à l’IA et à l’économie numérique. À terme, cette dynamique pourrait porter à 1,2 % du PIB national, selon les estimations du Minpostel. La stratégie nationale de l’IA présenté par le Minpostel, repose sur sept piliers majeurs. Il s’agit de la gouvernance éthique et souveraine de l’IA, la gestion des données et le développement des infrastructures, une IA multilingue et inclusive, une infrastructure technologique souveraine, la formation et la recherche, des cas d’usage innovants dans les secteurs prioritaires, ainsi que la coopération internationale pour un meilleur positionnement régional. « En 2025, les investissements mondiaux dans l’IA dépasseront les 250 milliards de dollars. Et d’ici 2032, ce marché pourrait franchir les 1700 milliards. Ce mouvement impose à chaque pays de se positionner stratégiquement, au risque de subir les choix technologiques venus d’ailleurs », a averti la ministre.
FORMER, ÉQUIPER ET RETENIR LES TALENTS CAMEROUNAIS
Les assises de la deuxième édition du CONIA ont débouché sur une série de recommandations structurantes qui balisent les priorités du Cameroun dans les domaines de l’infrastructure numérique, des talents, de la compétitivité, de l’éthique, du financement, de la gouvernance et de l’IA générative. Dans le domaine des talents et de la recherche, il est proposé la mise en place d’un Programme national IA pour former 60 000 jeunes à l’horizon 2040, de renforcer l’alphabétisation numérique en zone rurale, d’introduire l’IA dans les curricula de formation dès le secondaire et d’encourager les postes de gestionnaires de données dans les organisations. Le texte recommande également de soutenir l’entrepreneuriat local, d’encadrer l’usage éthique de l’IA, de promouvoir les métiers émergents du secteur (data scientist, ingénieur prompt, etc.), et de favoriser la création d’incubateurs universitaires pour rapprocher la recherche de l’innovation technologique.
Concernant la compétitivité à l’ère de l’IA, la coopération internationale est présentée comme un levier essentiel. Parmi les propositions : établir des partenariats gagnant-gagnant pour le développement des infrastructures, créer un fonds pour les jeux de données locaux, et favoriser la participation de la diaspora au développement de projets IA. Des recommandations appellent également à la mutualisation des formations, à l’accès partagé à des outils open source, à la mobilisation de fonds multilatéraux, et à la représentation active du Cameroun dans les enceintes internationales de régulation de l’IA.
Les travaux ont aussi insisté sur la nécessité d’intégrer l’IA générative dans la stratégie nationale, avec des formations dédiées pour enseignants, journalistes, traducteurs ou agronomes, la création de contenus en langues locales, et le soutien à des projets pilotes dans les secteurs clés comme la santé, l’éducation ou les transports. En matière de confiance, sécurité et régulation, il a été recommandé d’adopter un cadre législatif spécifique, de renforcer la protection des données locales, de créer un organe national dédié à l’IA, et d’intégrer des clauses de cybersécurité dans les projets numériques publics. L’élaboration de lignes directrices éthiques, notamment pour encadrer les dérives de l’IA générative (désinformation, plagiat, atteinte à la vie privée), a également été proposée.
UN ENJEU DE FINANCEMENT STRUCTURANT
Le financement de la vision africaine de l’IA figure également au cœur des priorités. Il est suggéré de chiffrer précisément la stratégie nationale, de créer un fonds dédié à l’innovation en IA, de développer des mécanismes de financement mixtes (partenariat public-privé, crowdfunding, financements extérieurs), et d’allouer davantage de ressources aux administrations publiques concernées. Sans infrastructure robuste, pas d’intelligence artificielle. Les participants ont plaidé pour l’extension du haut débit sur tout le territoire, le déploiement de réseaux communautaires dans les zones rurales, la création d’un cloud souverain national, la généralisation des plateformes open data, et l’élaboration d’un intranet gouvernemental appuyé sur des datacenters nationaux. Un accent particulier a aussi été mis sur la diversification énergétique, avec un appel fort au développement des énergies renouvelables pour alimenter l’économie numérique.