« C’est une mesure salutaire qui va permettre à l’Etat de mobiliser plus de ressources financières ». Jean Pierre K, économiste basé dans la capitale économique, Douala, exprimait ainsi le 30 avril dernier son soulagement à la suite de l’annonce de la décision signée le 24 avril par le ministre des Finances (Minfi), Louis Paul Motaze, relatif aux nouvelles valeurs minimales applicables à l’importation de certaines marchandises. « Il y a pas meilleure mesure à prendre dans un contexte de crise économique qui se manifeste entre autres, par la rareté de ressources financières et l’obligation de rechercher de nouvelles recettes pouvant permettre à l’Etat de tenir ses engagements », scande Robert T, un autre économiste. Mais de quoi s’agit-il en réalité ? En effet, selon des responsables du Minfi, la décision prise par Louis Paul Motaze, repose sur au moins trois motivations : économiques et commerciales fiscales, et surtout une question de gouvernance.
Les motivations économiques et commerciales
De l’avis de certains cadres du Minfi, la décision du 24 avril dernier, loin d’être une invention, s’inscrit dans le prolongement de l’article 9 de la loi de finances 2019. Lequel justifie l’opportunité d’une telle mesure en ses alinéas 1 et 3. L’alinéa 3 souligne précisément qu’en : « en cas de nécessité, des valeurs minimales peuvent être édictées pour des raisons de politique commerciale. La durée de validité desdites valeurs est de six mois éventuellement renouvelable ». Bien plus, arguent ces experts, pour des considérations de politique commerciale notamment dans le cadre de la mise en œuvre des mesures de sauvegarde prévues par les règles de l’Organisation Mondiale du Commerce (OMC), « l’administration peut utiliser des valeurs minimales pour promouvoir les secteurs industriels embryonnaires dont la production serait menacée irréversiblement par les produits importés ou qui seraient victimes d’une concurrence déloyale des produits similaires bénéficiant de soutiens multiformes dans leur pays d’exportation ».
Vu sous l’angle commercial, la note du Minfi vient « ajuster la valeur de certaines marchandises sensibles importées pour limiter la contrebande provenant des pays voisins (Gabon, Congo, Guinée Equatoriale) où elles sont pourtant parfois considérées comme biens de première nécessité et subséquemment exonérées des droits et taxes de douane (c’est le cas de la sardine en conserve, bières, etc.) », explique un autre cadre de ce département ministériel.
Fiscalité
Sur le plan de la fiscalité, les spécialistes du domaine admettent que la décision de Louis Paul Motaze, ne manque pas de pertinence et ne devrait pas être interpréter outre mesure. Mais il faut y voir une mesure qui « détermine des valeurs minimales applicables pour certaines marchandises difficiles à évaluer en raison de leur conditionnement, de la qualité des importateurs habituels (petits commerçant de « pseudo groupages »), ou de la difficulté à maîtriser leurs flux (motocycles, carreaux, mélanges de vêtements, chaussures et sacs, appareils électroniques, etc.) ». Pour ces mêmes spécialistes, la valeur minimale applicable à ces produits est d’ailleurs « plus basse que la moyenne globale à l’international ». A titre d’illustration, expliquent les services de la Douane, « la valeur de la sardine est fixée à 25 millions de francs CFA par conteneur de 20 pieds alors qu’au Maroc, pays producteur par excellence de cette marchandise, le même conteneur est déclaré à plus de 30 millions à l’exportation », soutiennent-ils. C’est aussi le cas, assène un cadre des douanes, « des motos qui sont vendus en Chine à 220 000 francs CFA environ par unité et dont la valeur minimale fixée par cette décision est de 150 000 francs CFA par moto. C’est aussi le cas pour certaines marchandises telles que les batteries, les carreaux, ou encore les téléphones dont la valeur la plus élevée est de 200 000 francs CFA, alors qu’il existe des téléphones de valeur supérieure à 500 000 francs CFA ».
Gouvernance
En matière de gouvernance, cette décision ne tombe pas du ciel, expliquent des spécialistes. Elle reconduit les valeurs administratives qui s’appliquaient déjà à l’importation des produits tels que : « farine de froment ou de méteil, huiles végétales, margarine, sel raffiné, sucre, gommes à mâcher, biscuits et gaufres, vins en brique, sacs en papier kraft ou en matière plastique, allumettes, produits ferreux, appareils électroniques, articles de toilette, etc.) », précisent-ils. Toute chose qui est conforme, reconnaissent les experts des finances publiques, « aux prescriptions de la loi N° 2018/011 du 11 juillet 2018 portant Code de transparence et de bonne gouvernance dans la gestion des finances publiques au Cameroun ».
Par Junior Matock