L’accord scellé à Maroua va bien au-delà d’un simple cadre logistique. Les Centres de négoce sont conçus comme des points uniques d’entrée et de transit des marchandises dans les localités frontalières. Pour l’État, il s’agit d’une meilleure prise en charge des flux commerciaux aux frontières et d’une sécurisation accrue des recettes douanières. Pour les communes, l’enjeu est tout aussi vital et elles bénéficieront d’une allocation financière annuelle représentant 40% des recettes douanières réalisées localement, plafonnée à 500 millions FCFA par exercice. Cette manne, qui s’ajoute aux Centimes Additionnels Communaux (CAC) et au Droit d’accises sur les ordures ménagères (DAO), ouvre de nouvelles perspectives budgétaires. « Les Centres de négoce se profilent comme de véritables catalyseurs de croissance et de bien-être social », a résumé le ministre des Finances.
DES COMMUNES STRATÉGIQUES
Le choix des communes de Bourha, Fotokol, Kolofata et Mora pour accueillir les Centres de Négoce n’est pas anodin. Situées toutes aux confins de la frontière avec le Nigeria, elles concentrent à elles seules plus de 95 % du trafic de marchandises à destination de l’intérieur du Cameroun et du Tchad. Mais ce carrefour stratégique s’est payé au prix fort : en première ligne face aux violences de Boko Haram, ces localités ont vu leurs populations meurtries et leurs économies fragilisées. L’insécurité persistante a entraîné une chute drastique des recettes municipales, réduisant leur capacité d’investissement et d’action sociale, malgré un potentiel économique considérable. Pourtant, malgré ces contraintes, les recettes cumulées des bureaux des Douanes implantés dans ces communes ont atteint 11,5 milliards FCFA entre 2021 et 2024. De quoi justifier l’optimisme lié à l’implémentation des nouveaux Centres de Négoce.
UNE BOUFFÉE D’OXYGÈNE POUR LES FINANCES LOCALES
Jusqu’ici, les recettes directes des communes de l’Extrême-Nord peinent à couvrir leurs charges courantes. Les mairies vivent au rythme des CAC, souvent versés avec retard. Les projections issues du nouveau dispositif changent radicalement la donne : les Centres de Négoce pourraient générer près de 2 milliards FCFA par an, soit 200% de plus que les CAC cumulés des quatre communes. Au-delà des chiffres, l’impact attendu est social, l’amélioration des services de base, relance du commerce transfrontalier, lutte contre la contrebande, création de milliers d’emplois directs et indirects. Les édiles locaux n’hésitent pas à y voir une véritable renaissance pour leurs populations.
ENTRE INFRASTRUCTURES ET ATTENTES
La cérémonie de Maroua a aussi été l’occasion pour les maires de rappeler les défis persistants : routes frontalières dégradées, accès limité à l’électricité dans certaines localités comme Kolofata ou Fotokol, et retards récurrents dans le versement des CAC. Des doléances auxquelles le ministre des Finances a promis une attention particulière. En attendant, la dynamique enclenchée place Bourha, Fotokol, Kolofata et Mora au cœur d’un nouvel élan de décentralisation économique. Des communes frontalières autrefois fragilisées par la guerre et l’insécurité pourraient bientôt devenir des hubs commerciaux capables de stimuler non seulement leurs économies locales, mais aussi de renforcer les recettes de l’État.