La Banque des États de l’Afrique centrale (Beac), organe de régulation monétaire de la sous-région Cemac, s’efforce de contenir l’inflation à des niveaux plus soutenables après plusieurs années de pressions inflationnistes. Selon les dernières projections de l’institution, l’inflation devrait revenir à la norme communautaire de 3 % d’ici 2025. Cette annonce a été faite par le gouverneur de la Beac, Yvon Sana Bangui, lors de la 3e session du Comité de Politique Monétaire (CPM) tenue le 23 septembre 2024 à Yaoundé.
Cette prévision représente une baisse significative par rapport aux taux actuels. En effet, après avoir atteint 5,5 % en 2022 et 5,6 % en 2023, l’inflation est projetée à 4,2 % pour la fin de l’année 2024. Cette tendance baissière s’explique par des politiques monétaires rigoureuses mises en place par la Beac dans le but de freiner l’inflation, tout en maintenant un équilibre délicat avec les besoins de liquidités dans la sous-région.
Maintien des taux directeurs
L’une des principales mesures de la Beac pour ramener l’inflation à la norme de 3 % consiste à maintenir inchangés ses taux directeurs, une décision prise pour la sixième fois consécutive. Le taux des appels d’offres reste fixé à 5 %, tandis que le taux de prêt marginal est maintenu à 6,75 %. Cette décision s’explique par deux facteurs principaux. D’une part, l’inflation, bien qu’en baisse, reste encore supérieure à la norme communautaire. D’autre part, les indicateurs de stabilité de la monnaie, actuellement à 69,2 %, doivent être protégés.
Cette approche de stabilité des taux tranche avec les ajustements opérés par les grandes banques centrales internationales, telles que la Réserve fédérale américaine et la Banque centrale européenne, qui ont récemment abaissé leurs taux pour soutenir la reprise économique mondiale. Cependant, dans un contexte d’inflation encore élevée dans la zone Cemac, la Beac opte pour une politique plus restrictive, visant à freiner l’accès des établissements de crédit à ses guichets de refinancement.
Politique d’austérité monétaire
Depuis trois ans, la Beac applique une politique monétaire restrictive. Le taux des appels d’offres, par exemple, a été relevé progressivement de 3,5 % en 2021 à 5 % en mars 2023, avec pour objectif de rendre le coût du crédit plus élevé, limitant ainsi la circulation de la monnaie et réduisant la pression inflationniste.
Dans ce cadre, la Beac a également procédé à des ponctions de liquidité auprès des banques commerciales à travers l’émission de bons Beac, une stratégie visant à retirer l’excédent de liquidité et à réguler l’offre de crédit. En dépit des besoins croissants de financement des banques, la Beac a récemment réduit ses offres de liquidités à 200 milliards de FCFA, après avoir maintenu des émissions de 250 milliards durant trois opérations consécutives. Cette démarche vise à modérer la proportion d’inflation d’origine monétaire, estimée à environ 20 %.
Cependant, cette politique d’austérité, bien qu’efficace pour contenir l’inflation, pourrait affecter la croissance économique des pays membres de la Cemac. Les banques commerciales, confrontées à une liquidité restreinte, répercutent ces tensions sur le coût des crédits octroyés aux entreprises et aux particuliers, ralentissant ainsi les investissements et la consommation.
Entre austérité et soutien à la croissance, difficile de choisir
Consciente des défis économiques auxquels les pays de la Cemac font face, la Beac a assoupli sa politique en reprenant en juin 2024 ses opérations d’injection de liquidités après une suspension de plus d’un an. Cette initiative a permis aux banques commerciales d’accéder à plus de 2000 milliards de FCFA en l’espace de quatre mois, mais les besoins restent élevés, comme l’a montré la dernière souscription de 200 milliards, qui a atteint un taux de demande de 218 %. La Beac doit à la fois maintenir une politique rigoureuse pour freiner l’inflation tout en répondant aux besoins de financement des économies de la sous-région. Si l’objectif de ramener l’inflation à 3 % en 2025 est crucial pour la stabilité économique, il doit cependant être atteint sans étouffer la croissance économique (projetée à 2,9%) nécessaire à la relance post-pandémique.