Le gouvernement tente de repositionner la filière crevettière dont les produits sont interdits d’exportations vers l’UE là où ils se vendraient le plus cher. Le pays a écopé de cette restriction du fait des lacunes dans le contrôle de la qualité sanitaire de ses crevettes. Mais globalement, la filière fait face à un environnement des affaires difficile. La transparence est très limitée dans l’activité des navires de pêche industrielle, détenus en quasi-totalité par des sociétés et personnes physiques étrangères. L’environnement est aussi sujet aux pirateries maritimes. Ce qui fait perdre une bonne partie de ces ressources parfois acheminées clandestinement vers des pays voisins.
C’est pour faire face à tous ces défis que le gouvernement a manifesté son intérêt pour que la chaine de valeurs des crevettes des grandes tailles au Cameroun soit accompagnée dans le cadre du programme FISH4ACP. Il s’agit d’un programme quinquennal Piloté par la FAO et financé par l’Union européenne et le Ministère fédéral allemand de la Coopération économique et du Développement (BMZ). 12 chaînes de valeur de la pêche et de l’aquaculture d’Afrique, des Caraïbes et du Pacifique sont concernées. L’objectif étant de renforcer les retombées économiques et les avantages sociaux, tout en minimisant les effets de l’activité de pêche sur l’environnement.
Il est précisément question au Cameroun de mobiliser plus d’une quinzaine d’observateurs embarqués le long de la façade maritime du Cameroun. Cette démarche dont la phase pilote va durer 10 mois, permettra d’avoir une bonne surveillance des produits tirés des eaux camerounaises. « Notre ressource est dilapidée. Il y a une bonne partie qui va au Nigeria sans que personne ne le voit. Mais avec des observateurs en mer, la production n’ira plus ailleurs du coup la ressource sera préservée. A partir du moment où il y aura un contrôle sur la qualité des filets du matériel de pêche ils vont obliger tous les capitaines de bateau à respecter les normes. Du coup il y aura une amélioration. Les petites crevettes qui sont arrêtés à tort et à travers vont cesser et la production dans les jours à venir vont augmenter », commente le président de la Plateforme des crevettes du Cameroun, Louis Martin Imounalok.
Ces observateurs issus de l’Institut de pêche et des Arts nautiques de Limbe vont aussi résoudre le problème de l’existence de faibles données sur la pêche. «Ils vont collecter des informations à caractère biologique, c’est-à-dire les tailles des poissons, aussi bien ceux qui sont capturés que ceux qui sont rejetés en mer, parce que cela fait partie de la population de poissons nécessaire à l’évaluation des stocks. Il y a la profondeur des fonds marins, les zones de pêche. Tout cela est important pour établir l’origine des ressources qui sont pêchées. Parce qu’il y a un gros problème d’origine » explique Pierre MEKE SOUNG, coordonnateur du programme fish4ACP à la FAO.
La question de l’origine est essentielle pour le marché international. C’est essentiel pour améliorer la situation du pays entachée par l’attribution d’un carton jaune de l’UE en 2021 puis d’un carton rouge en 2023 pour des faiblesses du Cameroun à contrôler la pêche illégale, non déclarée et non réglementée (INN). Or la filière crevettière camerounaise emploie 1 800 personnes pour une contribution de 12% au PIB de la pêche.
Réactions
Aristide TAKOUKAM, président AMMCO
« On aura plus facilement des données sur la pêche »
« L’Africa marine conservation organization travaille pour la protection de la biodiversité marine et aussi le développement de l’économie bleue au Cameroun. L’accompagnement de Ammco dans ce programme d’observateurs embarqués c’est celui de la collecte des données par ce que Ammco a mis sur pied un outil qu’on appelle sirène qui est une application mobile permettant de collecter les données sur la biodiversité marine y compris sur les poissons. Ces données sont directement documentées dans un serveur et donc on parle de la sécurisation de la donnée et du partage de la donnée d’une façon beaucoup plus facile. Cet accompagnement va au-delà même des observateurs embarqués par ce que nous travaillons en collaboration avec la FAO depuis plusieurs années pour développer le programme sirène au sein de la pêcherie artisanale où nous allons équiper les pêcheurs avec cette application. Ce qui va leur permettre de reporter les observations qu’ils ont de la pêche crevettière ou des petits pélagiques qu’ils vont ramener dans des débarquements et de répondre à un besoin important en termes de données sur la pêche. Il y a très peu de données sur la pêche et l’application sirène va permettre d’avoir des données en temps réel du Minepia comme des autres partenaires
Pierre MEKE SOUNG, coordonnateur du programme fish4ACP, FAO
Le programme permettra d’avoir des informations nécessaires à l’évaluation des stocks
« C’est un projet qui est là, suite à la requête du gouvernement camerounais pour essayer d’examiner la situation de la chaîne de valeur crevette. C’est un projet qui a commencé depuis 2021 et qui cible cette crevette. Vous savez, le Cameroun veut dire crevette. Ce produit avait un tant soit peu, disparu de notre langage quotidien. Et le projet est donc venu remettre tout sous la sellette. Il y a eu une stratégie de mise à niveau qui a été validée en 2022 par Minepia et tous les partenaires présents. Et c’est cette stratégie qui est
mise en œuvre aujourd’hui à travers un des axes stratégiques : assurer une pêche durable. L’outil programme d’observateurs est un instrument de gestion des pêches qui vise à assurer la traçabilité des opérations de pêche en mer. Jusqu’à présent, les opérations de pêche se déroulent sous la déclaration du capitaine de pêche lorsqu’il débarque. Mais il se trouve qu’il y a d’autres informations nécessaires à l’évaluation des stocks qui ne sont pas collectées, comme les données sur les rejets et les captures accessoires, qui font partie de la communauté des ressources halieutiques et doivent être examinées ensemble en vue de l’évaluation des stocks. Raison pour laquelle les observateurs qui embarquent sont des aides à la collecte des données que fait le capitaine. Ils ne sont pas là pour inspecter ou contrôler le capitaine de pêche. Ce sont des aides, témoins de l’administration de pêche à bord des navires de pêche. C’est un programme pilote sur dix mois et donc, à partir de cela, nous aurons le temps d’apprécier les forces et les faiblesses de la mise en œuvre. Vous savez que c’est en traversant le pont qu’on le construit. C’est ainsi que nous allons nous assurer que tout ce que nous faisons est utile à toutes les parties prenantes, aussi bien les armateurs que l’administration des pêches qui est représentée. Le projet Fich4ACP est donc là pour soutenir la mise en œuvre de ce programme. »