Assassinat de Martinez Zogo : « Embouteillage » autour de l’affaire

En s’impliquant personnellement dans les enquêtes, Paul Biya laisse présager de vastes mouvements au sein de l’appareil de l’Etat, du fait de la complexité de l’affaire.

Martinez Zogo dans Embouteillage

Ce sont des poids plumes que l’on a vu lors des premières auditions au sujet de l’assassinat de Martinez Zogo. D’abord les chefs traditionnels de la Lékié qui ont menacé le président de la République de lui abandonner le corps de leur fils pour être inhumé au caveau de la famille présidentielle à Mvomeka’a ; puis Xavier Messe, le journaliste qui a confié sur les antennes de Radio Balafon qu’il était informé « minute by minute» de l’évolution de cette affaire depuis l’enlèvement du présentateur d’Embouteillage sur Amplitude Fm. Alors que l’opinion s’inquiétait du silence du procureur de la République et surtout des premières cibles des auditions, Paul Biya a ordonné une enquête mixte police-gendarmerie, avec aux premiers rôles les pandores. Et quelques jours après, un communiqué du Secrétaire général de la présidence de la République (SGPR) annonçait de premières arrestations. Sans livrer les noms des suspects. Se contentant d’indiquer qu’il s’agit de personnes fortement suspectées d’avoir joué un rôle dans cette affaire qui a abouti à la mort par torture d’Arsène Salomon Mbani Zogo. Même si les noms de Justin Danwé (colonel en service à la DGRE), Maxime Eko Eko (patron de la DGRE) et Jean Pierre Amougou Bélinga (président directeur général du groupe de presse L’Anecdote) vont être cités, sans preuves. D’ailleurs des sources laisseront croire que Maxime Eko Eko y est pour une affaire de trafic d’armes.

Au moment où l’opinion se demande pourquoi une enquête administrative plutôt qu’une enquête judiciaire, Paul Biya est monté d’un cran dans l’évolution de l’affaire. Face à un peuple qui piaffe d’impatience de connaître la vérité dans cette affaire qui a plongé les Camerounais dans la peur et le doute. Cette semaine a commencé par des arrestations parlantes. Jean Pierre Amougou Bélinga que l’on a annoncé en détention depuis jeudi dernier, a finement été interpellé aux environs de 5h ce 6 février 2023. Dans le même temps, le colonel Nsoé Etoundi, ex commandant de la Garde présidentielle, qui officie comme directeur de la sécurité d’Amougou Bélinga depuis qu’il est à la retraite. Par ailleurs l’on annonce Bruno Bidjang, le nouveau directeur des médias du groupe L’Anecdote. Lui qui avait titré « les rats quittent le navire», au départ de Mopa Fatoing, directeur général des impôts (DGI), au Fonds monétaire internationale (FMI). Ce dernier ayant eu des démêlées avec la télévision Vision 4 pour un redressement fiscal qui a donné lieu à une tentative de corruption des agents des impôts.

Reporters sans frontières

Ces interpellations semblent confirmer les Reporter sans frontières (RSF) selon lesquelles les premières auditions ont démontré que la chaine des responsabilités dans l’assassinat de Martinez Zogo implique de hautes personnalités du régime. Relayant les informations de RSF, le journal français Libération écrit que « lors des auditions, le patron de la DGRE a nié avoir été informé du projet d’assassinat de Martinez Zogo. Mais selon Rsf son propre adjoint, Justin Danwé, aurait avoué avoir lui-même organisé et exécuté, avec ses hommes, l’enlèvement, la torture et le meurtre du présentateur ». Précisant que ce dernier « affirme que son supérieur était tenu informé de l’opération». Et même Laurent Esso, le ministre d’Etat, ministre de la Justice, garde des sceaux, est cité comme étant celui qui aurait ordonné la sentence du journaliste. On pourrait comprendre pourquoi Paul Biya a contourné la justice dans les enquêtes. Xavier Messe a clairement indiqué que « le sommet de l’Etat était au courant de l’assassinat de Martinez Zogo» en même temps que lui. 

Si l’écheveau est démêlé et qu’il est avéré que des pontes du régime sont impliquées dans cette affaire, nul doute que le remaniement ministériel que Paul Biya repousse depuis des lustres, sera incontournable. Déjà que trois membres du gouvernement sont déjà décédés, sans que le capitaine du navire Cameroun ne daigne les faire remplacer. Ce sera également un rabattement des cartes vers la succession au sommet de l’Etat. Puisqu’au-delà de la dénonciation des détournements de deniers publics et autres tares du gouvernement, beaucoup d’analystes perçoivent les batailles qui ont abouti à la mort de Martinez Zogo sous le prisme de la guerre de fin de règne. 

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