Le mercredi 9 octobre 2024, la Southwark Crown Court de Londres, à travers une audience de mise en état, a tracé les grandes lignes du futur procès de la multinationale Glencore. Ce procès, dont les faits portent sur la corruption d’agents étrangers, se déroulera en juin 2027. Lors de cette audience, les avocats des différentes parties ont convenu des dates clés, notamment celles des échanges de preuves et des audiences préliminaires.
Ce report renforce l’attente, tant pour les observateurs internationaux que pour les institutions directement concernées, dont la Société Nationale des Hydrocarbures (SNH) du Cameroun. Face à cette actualité, la SNH, par la voix de son Administrateur Directeur Général, Adolphe Moudiki, a rappelé son impatience quant à l’avancement des procédures nationales. Depuis le 6 novembre 2023, la SNH a officiellement déposé une plainte devant le Tribunal Criminel Spécial (TCS), afin de faire la lumière sur les acteurs camerounais impliqués dans les pratiques de corruption reconnues par Glencore.
Malgré la condamnation de l’entreprise anglo-suisse en novembre 2022 par le même tribunal londonien, les autorités judiciaires camerounaises n’ont toujours pas enclenché d’auditions substantielles. Pour Adolphe Moudiki, cette attente est d’autant plus incompréhensible que les faits sont avérés à l’échelle internationale. L’entreprise camerounaise garde néanmoins espoir que l’issue des procédures britanniques favorisera une accélération des enquêtes sur le sol national.
UNE ENQUÊTE NATIONALE À PAS DE TORTUE
Dans le même temps, l’enquête ouverte par la Commission nationale anti-corruption (Conac) s’enlise. En juin 2024, la Conac avait annoncé l’ouverture d’investigations à la suite d’une saisine officielle de l’avocat Akere Muna. Depuis, très peu d’informations ont filtré sur les avancées de cette enquête qui, d’après le président de l’institution, Dieudonné Massi Gams, est «délicate et complexe, mêlant des aspects nationaux et internationaux ».
Face aux interrogations de l’opinion publique sur cette lenteur, Massi Gams a répondu en invoquant la prudence que requièrent la collecte et la vérification des informations. «Nous ne pouvons pas publier les résultats tant que nous n’avons pas bouclé l’enquête », a-t-il déclaré, en précisant que plusieurs acteurs avaient été sollicités pour fournir des éléments supplémentaires.
Toutefois, les informations cruciales pour l’aboutissement de l’enquête tardent à arriver, ce qui laisse planer le doute quant à la réelle volonté de faire toute la lumière sur l’implication des officiels camerounais dans cette affaire. Massi Gams, tout en se défendant des accusations d’immobilisme, a réaffirmé que la Conac était disposée à recevoir toute contribution extérieure pour accélérer le processus.
DES RÉVÉLATIONS ATTENDUES
Si les enquêtes ouvertes par les instances censées faire la lumière sur cette scabreuse affaire de corruption piétinent, c’est surtout le spectre de l’impunité qui préoccupe la société civile camerounaise. Le vaste scandale de corruption révélé en 2022, dans lequel des pots-devin ont été distribués par Glencore à des responsables de plusieurs pays, dont le Cameroun, a terni l’image du pays.
Des voix comme celle du bâtonnier Akere Muna, se sont levées pour dénoncer une justice à deux vitesses, où les acteurs locaux semblent bénéficier d’une protection tacite, malgré les engagements répétés de la SNH à ce que justice soit faite. Pour beaucoup, le retard accumulé par les autorités camerounaises dans cette affaire risque d’entacher encore plus la crédibilité du pays sur la scène internationale.
En attendant, la SNH continue de marteler sa volonté de voir tous les coupables, qu’ils soient nationaux ou étrangers, répondre de leurs actes devant la justice. « Nous espérons que les complices camerounais de Glencore seront rapidement identifiés et jugés, conformément aux dispositions pertinentes du Code Pénal camerounais », a insisté Adolphe Moudiki dans son récent communiqué. Une manière de rappeler que l’affaire Glencore est bien plus qu’un simple scandale international ; elle est également un enjeu de souveraineté et de justice pour le Cameroun.