L’administrateur du groupe de la banque mondiale pour le groupe Afrique II nous livre ce qu’il faut retenir de sa visite au Cameroun et sa vision pour le développement du pays.
Vous venez d’achever une visite de quelques jours au Cameroun pendant laquelle vous avez rencontré autant le gouvernement que les acteurs du secteur privé. L’année dernière, le vice-président du groupe était ici à Douala. A l’époque, les opérateurs économiques lui avaient adressé leurs difficultés à mobiliser les financements auprès de la SFI. Ils avaient notamment demandé que certains mécanismes soient revus. Est-ce que cette question liée au financement qui est l’un des principaux freins à l’entrepreneuriat dans le pays a été abordée lors de vos discussions et quelles promesses avez-vous fait au secteur privé ?
La difficulté de la mobilisation c’est un sujet qui est revenu naturellement lorsque nous avons discuté avec le Gecam. Pour vous rassurer sur un point, nous sommes très conscients des difficultés d’accès au financement. En tant qu’administrateur pour le Cameroun ou africain, mon travail consiste à travailler pour faciliter la mobilisation des ressources par le pays et pour le pays, que ce soit la partie secteur public ou secteur privé. Est-ce qu’il y a des lenteurs ou des lourdeurs ? On ne va pas se voiler la face. Oui il y a des difficultés, et dans beaucoup de situations, on constate qu’il y a aussi des frustrations parce qu’on veut aller vite, ce qui est normal. Le plaidoyer que nous faisons au conseil d’administration, à l’institution mais aussi à nos partenaires autour de la table, est que nous devons négocier avec un groupe de personnes. Au conseil d’’administration nous sommes 25. Donc nous devons négocier avec 24 autres personnes qui représentent au total les 25 personnes. On représente 189 pays du monde. Parfois, il y a aussi des questions d’appréciation culturelle, politique, institutionnelle, des questions de gouvernance qui se posent et du coup pour faire bouger la machine, ça prend du temps. Ça ne veut pas dire qu’on ne fait rien, ça ne veut pas dire qu’il faille rester à l’écart. C’est un agenda qui est important. Nous travaillons avec la SFI, avec le conseil pour avoir des processus qui soient plus souples et qui soient plus rapides.
L’agenda de développement africain qu’il soit secteur privé ou secteur public doit être vu aussi à l’échelle des besoins, des problématiques qui sont des enjeux africains. Quand vous avez un continent où l’âge médian est de 10 ans, l’approche de réponse au développement n’est pas la même que d’autres régions du monde. C’est un sujet sur lequel nous travaillons avec le directeur général de la société financière internationale. Nous espérons dans les prochaines négociations dans lesquelles nous nous trouvons que nos instruments doivent être plus et mieux adaptés.
Globalement, comment envisagez-vous répondre à cette problématique ? Parce qu’ à entendre le secteur privé, ce qui est attendu aujourd’hui c’est que les mécanismes de financement soient modifiés.
Il y a deux façons d’adresser la problématique. Il y a des problématiques qui peuvent relever de l’opérationnalisation et du coup c’est une question de comment est-ce qu’on organise les équipes. Ça peut aller relativement vite. Il y a d’autres mécanismes qui relèvent de l’architecture de la structure de gouvernance à un certain degré jusqu’au conseil d’administration, dans un certain degré dans le système et qui relève des réformes amenées de façon plus structurée. L’avantage que nous avons c’est que nous avons des gens ici sur place à Douala qui sont extrêmement dynamiques et motivées et qui n’hésitent pas à remonter l’information, à dire voilà les problématiques qu’il y a, voilà ce qu’on nous propose pour améliorer les mécanismes et apporter plus de souplesse. C’est une question qui est prise en compte et nous espérons avoir les résultats plus rapidement. Deux choses dans cet agenda, nous avons un président de la banque mondiale qui a pris fonction il y a un peu plus d’un an, qui lui-même vient du secteur privé. A son arrivée, il a constaté effectivement que la machine est relativement lourde. Il a pris à bras le corps l’agenda de réforme pour aller rapidement. Je suis convaincu qu’on va pouvoir aller plus vite qu’il ne l’est aujourd’hui.
Au cours de votre visite, vous avez vu le projet Nachtigal et même les dirigeants d’Eneo. Ce projet énergétique fait face à un défi financier. Le distributeur d’électricité doit payer 10 milliards tous les mois à NHPC pour avoir cette énergie. C’est une équation difficile à résoudre au vu de la situation financière actuelle du secteur. En tant qu’investisseur de ce projet, avez-vous trouvé un compromis par rapport à cette situation ?
Sur Nachtigal, on n’a pas discuté de ce point en particulier mais quand on parle de la stabilité économique et financière du secteur c’est-à-dire comment s’assurer que les revenus générés permettent d’éponger les arriérés réguliers et éviter aussi qu’on se retrouve avec des incertitudes de la part de certains de ces acteurs. Si on veut attirer des investisseurs supplémentaires dans ce secteur en particulier le secteur privé, il faut qu’on ait une gouvernance qui soit efficace dans le secteur. Donc ça fait partie de nos plaidoyers.
Au cours de vos échanges avec le gouvernement, vous avez évoqué le vaste programme africain de la Banque mondiale en matière d’électricité. Est-ce qu’il faut s’attendre à des financements additionnels aux projets déjà financés par la Banque mondiale dans le secteur ou on aura de nouveaux projets ?
Au mois d’avril, la banque mondiale a annoncé un agenda sur l’électrification en Afrique. L’objectif est de de connecter 300 millions d’africains à l’électricité d’ici 2030. Du coup, cela va soutenir l’ensemble des agendas sur l’électrification sur le continent. Est-ce que ces financements qui vont être additionnels sur l’existant, c’est une stratégie. On va mobiliser des ressources dédiées à ce secteur de l’énergie. Partout où on aura besoin de mobiliser des financements, on va s’inscrire sur cette stratégie. Donc oui naturellement, on va avoir des ressources que nous espérons. Nous demandons à ce qu’il y ait des ressources qu’il soit mis à disposition pour accéder à cette électricité à 300 millions d’africains d’ici 2030. Certainement, cela va contribuer à mobiliser les ressources sur le secteur de l’énergie au Cameroun. Mais surtout ce qu’il faut voir sur ce point-là, c’est la question de la génération qui est en train d’être enregistrée conjointement en comparaison à beaucoup d’autres pays africains.
La question qui va se poser sera de deux ordres. Le premier sera la transmission et la distribution. Donc, le réseau en aval, la qualité de ce réseau en aval, réduire les pertes en lignes mais aussi renforcer et avoir une gouvernance dans le secteur qui soit optimale pour éviter un déséquilibre économique et financier. Le 2ème élément c’est comment on s’assure qu’avec cette électricité on positionne les pays comme un hub régional énergétique mais aussi un hub industriel. Parce qu’avec une électricité qui est abordable, on peut développer aussi les industries.
Faisant le rapport de votre visite, vous avez dit avoir rencontré la mairie de la ville de Douala pour le projet de bus rapides. Mais il y a un projet financé par la banque mondiale qui est en cours sur les villes inclusives. Quel bilan la municipalité vous a-t-il fait de la mise en œuvre de ce projet ?
Nous avons discuté des villes inclusives avec le Maire de la ville de Douala. Il y a une satisfaction sur la mise en œuvre, mais il faut qu’on aille encore beaucoup plus vite au regard des enjeux. Il a exprimé aussi un certain nombre d’enjeux, qui sont la question d’infrastructure routière, la question de l’électricité, mais aussi la question de l’eau et de l’assainissement et même du traitement des déchets. Ce sont des sujets qu’il faudra qu’on regarde comment est-ce qu’on peut connecter ces enjeux sur l’agenda des villes inclusives. Nous avons discuté de cela avec nos collègues de l’international finance corporation (IFC). La question c’est de voir aussi comment IFC peut aussi contribuer sur cet agenda sachant qu’il a des instruments dédiés à la collaboration avec les villes.
S’agissant des infrastructures routières, le Gecam a récemment commis une lettre pour dénoncer le mauvais état des routes nationales ainsi que le corridor Douala-Ndjamena- Bangui. Quel est votre regard sur cette question?
Moi-même j’ai demandé à pouvoir prendre la route pour faire Yaoundé-Douala. Le but c’était d’avoir l’opportunité de voir le visuel, la situation de cet axe qui est important. Mais lorsque nous avons discuté avec les autorités notamment le ministre des travaux publics, il a exprimé le besoin que la banque mondiale continue de financer d’autres programmes d’infrastructures en particulier les infrastructures routières sur le pays. Raison pour laquelle je parlais des autres connectivités vers l’Est, mais aussi de la connectivité vers le Nord, Ndjamena-Bangui. Partout où la route passe, le développement suit. Ce n’est pas uniquement mettre du bitume sur un axe, c’est aussi toutes les activités connexes que l’on développe tout autour. Le gouvernement a exprimé un très fort intérêt de voir la Banque mondiale soutenir aussi ses programmes. Si on parle de hub régional, c’est aussi la connectivité vers les autres régions. C’est aussi cela l’intégration économique et l’intégration régionale.
Vous avez discuté avec les hautes autorités du pays, du cadre de partenariat pays. Est-ce qu’on peut avoir quelques grands axes de ce cadre de partenariat ? Et en quoi est-ce qu’il peut contribuer à la transformation structurelle de notre pays ?
Le soutien au SND 2030, la vision 2035, l’agenda de faire du pays un pays émergent, démocratique, uni dans sa diversité. Les éléments qui sont importants à intégrer dans ce cadre-là c’est le renforcement des institutions, la qualité des institutions, le secteur de l’énergie, de l’agriculture, les infrastructures routières mais aussi le secteur privé en particulier la création d’emplois au travers du soutien des petites et moyennes entreprises sans oublier toute la dimension liée au capital humain.