Les chiffres illustrent cette double réalité. D’après le Minepat, le Cameroun a exporté en 2024 près de 61 527 tonnes de pâte de cacao, pour une valeur de 210 milliards FCFA, contre 97 milliards FCFA en 2023. Soit une progression de 115,5 % en valeur et 24,5 % en volume. La même tendance s’observe pour le beurre de cacao : 24 819 tonnes exportées, évaluées à 99 milliards FCFA contre 56 milliards FCFA un an plus tôt, soit une hausse de 78,6 % en valeur et 4,2 % en volume. Ces produits semi-finis, issus de la première étape de la transformation industrielle du cacao, sont utilisés à l’international dans la fabrication du chocolat, des confiseries ou des cosmétiques. Cette montée en puissance traduit une modification de la structure industrielle nationale.
Selon les données de l’Institut national de la statistique (INS), la production nationale commercialisée s’est élevée à 266 725 tonnes à la clôture de la campagne le 15 juillet 2024. Mais la répartition de cette production entre exportation et transformation locale évolue. Les volumes destinés à la transformation intérieure reculent de 14 215 tonnes, soit 18 % de moins que l’exercice précédent. En cause : le ralentissement du broyage, étape cruciale qui consiste à réduire les fèves torréfiées en pâte avant leur séparation en beurre et en poudre.
Le recul de cette activité s’explique par des contrastes entre opérateurs. Les entrées de cacao brut augmentent nettement chez NEO Industry (+3 714 tonnes), Atlantic Cocoa (+2 170 tonnes), Chococam (+524 tonnes) et Africa Processing Company (+117 tonnes), tandis que Sic-Cacaos, acteur historique, enregistre une baisse de près de 10 920 tonnes. Cette redistribution du volume de fèves transformées illustre un changement de rapport de force au sein de la filière.
Les nouveaux transformateurs, souvent portés par des capitaux camerounais ou régionaux, ciblent prioritairement les marchés d’exportation où la demande de pâte et de beurre est soutenue, notamment en Europe et en Asie. Ils profitent d’un environnement de prix favorable et d’un appétit croissant des multinationales pour des approvisionnements diversifiés en produits intermédiaires, face à la concentration des grands broyeurs mondiaux. Mais cette évolution révèle aussi une vulnérabilité.
La dépendance du pays à l’égard des exportations de semi-finis, plutôt qu’à une transformation intégrée jusqu’au chocolat, traduit la difficulté à franchir les paliers supérieurs de la chaîne de valeur. Les infrastructures énergétiques et logistiques, la qualité de la maintenance industrielle et la disponibilité du capital technique limitent encore la montée en gamme du secteur.




 
                                    
