mercredi, octobre 1, 2025
spot_img
AccueilA LA UNEALAMINE OUSMANE MEY : « Nous avons renforcé la production et la productivité...

ALAMINE OUSMANE MEY : « Nous avons renforcé la production et la productivité des entreprises, et réduit les importations »

Alors que la mise en œuvre de la Stratégie Nationale de Développement 2020 - 2030 (SND30) est à mi-parcours, le ministre de l’Économie a accepté d’en présenter la mise en œuvre et les premiers acquis. Où on apprend que la transformation structurelle de l’économie est résolument en marche, grâce aux soutiens multiformes apportés par le gouvernement aux entreprises privées des secteurs stratégiques, ainsi qu’aux réformes structurelles. INTERVIEW EXCLUSIVE réalisée Par François Bambou

Défis Actuels : Monsieur le Ministre, la conférence annuelle de vos services en février dernier portait sur le thème : « accélération de la diversification de l’économie et amélioration de la position extérieure du Cameroun ». Quelles sont les mesures retenues pour atteindre ces objectifs ?

ALAMINE OUSMANE MEY : Il faut relever au préalable, que cette thématique a été choisie en relation avec son importance pour le renforcement de la résilience de l’économie camerounaise, au regard d’un environnement économique international caractérisé par une grande incertitude sur les fondamentaux économiques et une fragmentation géopolitique de plus en plus importante, et d’un contexte national empreint de préoccupations sur le rythme de la croissance économique, le financement des investissements et la viabilité de la dette. Il s’agit également d’un engagement du Chef de l’Etat dans le cadre des résolutions du dernier Sommet extraordinaire de la CEMAC en décembre 2024.

Ainsi, l’objectif de la conférence annuelle était de favoriser l’appropriation des mesures permettant de relever les défis qu’imposent les chocs de toute nature, économique ou non, internationaux ou nationaux. Des réflexions issues des travaux, les orientations retenues à cet égard sont principalement :

  •  La poursuite et l’intensification des travaux d’accompagnement des entreprises championnes d’une part, et celles engagées à substituer, dans leur processus de production, les intrants importés par ceux produits localement d’autre part ;
  • L’intensification de la coopération avec les Partenaires Techniques et Financiers dans le cadre du Programme Économique et Financier en général, et les réformes structurelles en particulier ;
  • L’identification des mesures d’abaissement des coûts des facteurs ainsi que des réformes engagées pour l’amélioration du climat des affaires, dans le cadre du renforcement de la compétitivité des entreprises ;
  • La mobilisation en priorité des financements concessionnels, et lorsque cela n’est pas possible, le recours aux financements non concessionnels pour la réalisation des projets présentant un potentiel de rentabilité financière et socioéconomique avéré ;
  • L’accélération de la mise en œuvre, en liaison avec les administrations et acteurs impliqués, du Plan Intégré d’Import-Substitution Agropastoral et Halieutique (PIISAH) ;
  • L’élaboration périodique d’un rapport sur l’implémentation du PIISAH en mettant en exergue les contraintes éventuelles ;
  • Le déploiement du Programme d’Impulsion Initiale (P2I), ainsi que des Programmes Spéciaux de Reconstruction et de Développement des régions de l’Extrême-Nord, du Nord-Ouest et du Sud-Ouest ;
  • L’optimisation de la structuration des filières porteuses de croissance (à savoir le cacao, le café, l’hévéa, le coton, la banane, le bois, la métallurgie (aluminium), les produits chimiques (savons de ménage et autres), les hydrocarbures, la sidérurgie, les services touristiques, le poivre et la noix de cajou) et élaborer un plan d’actions pour l’opérationnalisation des mesures identifiées pour le développement desdites filières as sorties des coûts de mise en œuvre.
ALAMINE OUSMANE MEY : « Pour ce qui concerne le programme des entreprises championnes, cinq structures nationales ont été identifiées dans les secteurs de l’agro-industrie, des transports et de l’électronique au regard de plusieurs critères ».

Défis Actuels : Vous avez à cette occasion prescrit la poursuite et l’intensification des travaux d’accompagnement des entreprises championnes et celles substituant les intrants importés par des produits locaux. Quelles sont les actions précédemment menées dans ce sens, et quel impact ?

ALAMINE OUSMANE MEY : A ce propos, il faut dire que cette orientation est en droite ligne avec les orientations clés de la SND30 visant transformation structurelle de l’économie et la réduction de la dépendance aux importations.

En ce qui concerne les entreprises substituant les intrants importés par les produits locaux, les résultats des études que nous avons menées ont orientés notre action sur les branches de la fabrication des produits à base de céréales, et de l’industrie du lait, fruits et légumes. A cet effet, les produits prioritaires retenus sont le maïs, le Soja et les Fruits. Ainsi, la première phase de notre accompagnement a abouti à la sélection de 06 entreprises exerçant précisément dans la boulangerie, la fabrication des aliments pour bébé et la production des jus naturels, lesquels entreprises ont bénéficié en 2024 d’un appui en investissement à hauteur de Fcfa 215 000 000, destinée à la réhabilitation de l’outil de production et l’acquisition d’équipements plus performants. Les entreprises bénéficiares sont FRUITSCAM Sarl et NT FOODS Sarl dans la ville de Yaoundé, PROXIMA Sarl, LAMANA Sarl, et Bonne Chair Sarl dans la ville de Douala, et PAIX PLUS dans la ville de Bafoussam.

Pour ce qui concerne le programme des entreprises championnes, cinq structures nationales ont été identifiées dans les secteurs de l’agro-industrie, des transports et de l’électronique au regard de plusieurs critères. Ces critères sont en lien notamment avec le potentiel en termes de renforcement du tissu industriel local, de résorption du déficit de la balance courante, d’impulsion de l’innovation, de couverture du marché sous régional et international, et finalement, de développement de l’entrepreneuriat local et de l’activité de sous-traitance. Ces entreprises ont bénéficié d’accompagnements spécifiques en fonction des besoins exprimés, qui incluent des subventions d’appoint, estimées à un peu plus de FCFA 500 millions, et des appuis techniques sur le plan institutionnel, à l’instar des facilitations pour l’attribution des contrats de concessions pour le développement de leurs activités.

Par ailleurs, le MINEPAT organise les journées des entreprises Championnes Nationales, en réponse à la sollicitation de ces dernières qui manifestent le besoin d’exposer leur produit et leur savoir-faire afin d’élargir leurs débouchés. Enfin, des études portant notamment sur le mode de financement des entreprises Championnes Nationales, ainsi que l’élaboration d’un guide d’accompagnement des entreprises Championnes Nationales sont en cours de finalisation. Les entreprises retenues comme championnes sont les suivantes : SOPROICAM (société agroindustrielle de production de tourteaux de soja pour l’alimentation animale) ; SOTRABUS (entreprise de montage de bus à usage de transport en commun) ; ZNG SMART CARDS FACTORY (entreprise industrielle de production des cartes magnétiques et des terminaux électroniques) ; SCPR (entreprise de production de riz paddy à grande échelle et de fabrication d’emballages en polypropylène tissés) ; et AGROCAM (production de poussins et de fabrication d’alvéoles). Ces multiples initiatives ont permis de renforcer la production et la productivité des entreprises accompagnées, de réduire les importations de certaines spéculations et de créer plusieurs emplois. Des résultats encore plus importants sont attendus de la poursuite de la mise en œuvre des dites actions.

Défis Actuels : Les indicateurs de la balance commerciale continuent de montrer une forte dépendance aux importations et la faible diversité des produits exportés, malgré des mesures annoncées depuis quelques années. Comment l’expliquer ?

ALAMINE OUSMANE MEY : Les statistiques du commerce extérieur produites par la Direction Générale des Douanes du MINFI, en 2023 et 2024, indiquent tout de même des évolutions encourageantes dans la réduction de la dépendance aux importations et la diversification des produits exportés. S’agissant des importations totales en valeur, elles ont augmenté faiblement en 2023 (1,7%), et stagnées en 2024 (0,1%). Cette évolution est portée par une réduction sensible des achats à l’étranger de certains produits pour lesquels des actions importantes ont été entreprises pour renforcer la production locale, aussi bien dans le secteur agricole que manufacturier. C’est le cas notamment des poissons de mer congelés, dont la facture d’importations a baissé en valeur de 10% en 2023, puis de 8,3% en 2024. Cette baisse a été accompagnée d’une réduction des quantités achetées de 3% et 11,7% respectivement pour ces deux années. Cette dynamique est également observée sur d’autres produits comme le vin, les papiers et cartons (matières premières), et les produits céramiques. Pour ce qui est des exportations, elles se sont inscrites en hausse de 8,2% en 2024 par rapport à l’année d’avant. Cet accroissement est entre autres soutenu par la hausse des ventes des produits transformés. C’est le cas par exemple de la pâte de cacao, dont les exportations ont enregistré une hausse de 115,5% en valeur et 25,5% en volume en 2024, tandis que les exportations de fèves ont reculé de 1% en volume. Les exportations de chocolat s’inscrivent également en hausse depuis 2023. Cette tendance sur la transformation de caco est aussi observable sur les savons de ménages, les sacs et sachets en polymères de l’éthylène, le bois contre-plaqué et les constructions en aluminium. Néanmoins, il est vrai que ces constats ne reflètent pas encore la dynamique d’ensemble recherchée en matière de diversification des exportations et de substitution des importations. C’est pourquoi nos efforts s’intensifient graduellement afin d’atteindre des performances compatibles avec nos ambitions en termes de résilience et de stabilité extérieure.

Défis Actuels : Quelles sont les principales articulations du Plan Intégré d’Import-Substitution Agropastoral et Halieutique (PIISAH) et du programme d’impulsion initiale, et où en est leur mise en œuvre ?

ALAMINE OUSMANE MEY : « Au titre de l’exercice 2025, la budgétisation des crédits destinés au PIISAH a été effectuée sous forme de dotation aux administrations concernées, d’un montant total de près de 53 milliards de FCFA ».

ALAMINE OUSMANE MEY : Il faut rappeler ici que dans l’optique de réduire le déficit de la balance commerciale et de garantir la souveraineté alimentaire, le Gouvernement a adopté en 2024, un Plan Intégré d’Import-Substitution Agropastoral et Halieutique (PIISAH) pour le triennat 2024-2026. Le PIISAH a pour objectifs de : (i) faciliter le développement des actions du secteur privé dans le domaine agropastoral, sur des espaces sécurisés et aménagés ; (ii) contribuer à l’augmentation significative de la production et de la disponibilité des produits locaux de grande consommation et ; (iii) créer un environnement propice au développement des activités agropastorales.

Il s’articule autour de trois axes, avec un accent important sur l’implication du secteur privé :

  • Axe 1 : Sécurisation et aménagement des périmètres hydroagricoles, pastoraux et halieutiques Il s’agit d’aménager des périmètres hydroagricoles, construire des barrages de retenue pour l’agriculture et l’élevage et poursuivre le désenclavement des bassins agricoles. Sont également envisagés les travaux d’aménagement des périmètres fourragers dans la Région de l’Adamaoua.
  • Axe 2 : Amélioration de la production, la transformation et la commercialisation Cet axe porte sur la mise à niveau de l’appareil de production, de transformation et de commercialisation des produits agropastoraux des spéculations identifiées, pour améliorer la production et la disponibilité des produits locaux de grande consommation. En 2026, les mesures du Plan devraient permettre de réduire les importations de riz de 70%, avec une projection de la production de riz estimée à 464,5 milliers de tonnes. La production de maïs devrait passer de 2,7 millions de tonnes à 4,3 millions de tonnes, et la production projetée cumulée des farines panifiables est estimée à 303,6 milliers de tonnes en 2026. S’agissant du mil et du sorgho, il est envisagé le développement de la production de l’ordre de 1 195,6 milliers de tonnes en 2026 contre 1 010,9 milliers de tonnes en 2022. Par ailleurs, il est projeté l’amélioration de la disponibilité des semences certifiées produites localement, pour accroitre la production de soja qui se chiffrerait à 58,1 milliers de tonnes en 2026 contre 35,5 milliers de tonnes en 2022. L’amélioration de l’appareil de transformation des noix de palme en huile de palme permettrait d’envisager une production d’huile de palme supplémentaire de l’ordre de 60 mille tonnes en 2026. Pour ce qui est du poisson, l’objectif visé par le Plan est l’accroissement de la production de 224 900 tonnes en 2022 à 602 500 tonnes en 2026. Enfin, pour la filière lait, il est question d’augmenter la production de l’ordre de 351,9 milliers de tonnes en 2026 contre 343,9 milliers de tonnes en 2022, et d’accroître sa disponibilité sur le marché local de 15%.
  •  Axe 3 : Amélioration de l’accès à la recherche, à la formation et aux financements Il est question ici de renforcer les moyens alloués à la recherche et la vulgarisation des résultats de recherche, de renforcer les capacités des chercheurs et des producteurs, et de garantir l’accès à des financements adaptés pour booster la production et la transformation par le secteur privé dans les filières retenues. Au titre de l’exercice 2025, la budgétisation des crédits destinés au PIISAH a été effectuée sous forme de dotation aux administrations concernées, d’un montant total de près de 53 milliards de FCFA. Ces ressources seront principalement mises à disposition des opérateurs du secteur privé exerçant dans les filières identifiées, à travers la Banque des Petites et Moyennes Entreprises, afin de faciliter l’obtention des crédits à des taux préférentiels. Des subventions de fonctionnement aux EPA seront également accordées sous la forme de fonds revolving. Les conférences de décaissement desdites ressources se sont déroulées au MINEPAT les 06, et 07 janvier 2025, afin de constituer les provisions budgétaires pour le financement des opérations retenues dans le cadre du PIISAH, et assurer une mise en œuvre efficace et un suivi harmonisé du plan.

Défis Actuels : En plus de produire Camerounais, la problématique de consommer Camerounais se pose également. Qu’est ce qui est fait pour inculquer l’habitude de consommer Camerounais à la population ?

ALAMINE OUSMANE MEY : Relativement à cette préoccupation, nous pensons que la problématique est double. Tout d’abord, beaucoup de Camerounais n’ont pas l’information en ce qui concerne l’existence et les points de vente de certains produits locaux qui sont souvent de très bons substituts à ce qu’ils consomment. Ces produits sont habituellement fabriqués par des PME qui ne disposent pas de fonds importants pour développer et exécuter des stratégies marketing viables. C’est dans le but de régler ce problème que le Gouvernement a entrepris, entre autres :

  • La réalisation de plusieurs évènements et supports de vulgarisation des produits Made in Cameroon (catalogues des produits, foires, mission économiques étrangères, etc.) ; – la sensibilisation sur l’importance économique de la consommation locale (emplois, réduction des prix sur les marchés, croissance, etc…), à travers le patriotisme économique ;
  •  L’accroissement de certaines taxes et droits d’accise sur les produits importés qui disposent des substituts locaux en quantité, en vue de réorienter la demande vers la production locale ;
  •  La hausse progressive de la commande publique adressée aux entreprises locales ;
  • La mise en place de partenariats et règlements pour assurer des espaces dédiés à l’exposition des produits Made in Cameroon dans les grandes surfaces. Par ailleurs, les produits locaux sont souvent plus chers et donc moins compétitifs que les produits importés. De ce point de vue, les mesures d’offre, qui visent à renforcer la production sont essentielles. En outre, la politique en cours sur le développement des infrastructures énergétiques, routières et technologiques devrait renforcer la productivité, la compétitivité et la résilience de nos entreprises.

Défis Actuels : Plusieurs grands projets entamés depuis de longues années sont encore en cours. Ces retards dans la réalisation des infrastructures auront-ils un impact sur l’atteinte des objectifs de la SND30, notamment sur le lancement des projets de seconde génération ?

ALAMINE OUSMANE MEY : Au cours des dernières années, dans le contexte du programme économique et financier avec le FMI, le règlement de la dette publique tant intérieure qu’extérieure a occupé une place prépondérante, limitant la marge de manœuvre disponible pour l’investissement. Toutefois, l’engagement du Gouvernement est resté constant en ce qui concerne la poursuite de la mise en œuvre des grands projets. L’allègement du portefeuille relatif auxdits projets se poursuit avec la finalisation progressive des projets entamés avant l’adoption de la Stratégie Nationale de Développement (SND30). En ce début d’exercice 2025, nous pouvons dire que la considération clé de la SND30 sur l’achèvement des grands projets de première génération (lancé entre 2010 et 2018) est respectée, sauf quelques exceptions dont l’autoroute Yaoundé—Douala, dont la seconde phase vient d’être lancée. De façon générale, la modification structurelle visée par le Gouvernement commence à être perceptible. Avec plus de 3000 Km de routes bitumées, près de 20000km de fibre optique posés et plus de 1000 Mw de capacités additionnelles de production d’électricité installées, la structure de l’économie camerounaise de 2009 est indubitablement modifiée.

ALAMINE OUSMANE MEY : « L’objectif de transformation structurelle de notre économie passe par la mise en œuvre de plusieurs projets d’investissement d’ici à 2035, dont le coût total est estimé à plusieurs milliards de FCFA ».

 Toutefois, les efforts se poursuivent pour améliorer l’accès et l’utilisation productive de ces infrastructures par les populations et les entreprises. En ce qui concerne les grands projets de seconde génération, il me plait d’indiquer ici que plusieurs projets de cette seconde vague d’investisse ment ont déjà été lancés, et certains s’achèvent d’ailleurs progressivement. Afin de tenir les objectifs que nous nous sommes fixés, un Plan d’Impulsion Initiale (P2I) est mis en œuvre par le MINEPAT, avec des projets prioritaires dont l’exécution s’est accélérée pour renforcer les bénéfices économiques auprès des entreprises et des populations, et faciliter l’exécution des autres projets. Nous gardons donc le cap des objectifs de la SND30 malgré les contraintes exogènes auxquelles l’économie nationale continue d’être confrontée.

Défis Actuels  : Le COVID-19 et les tensions internationales ont durement affecté les entreprises nationales. Quels soutiens le MINEPAT a-t-il apporté aux opérateurs économiques ?

ALAMINE OUSMANE MEY : En dehors de la COVID-19, la fragmentation persistante de l’environnement géopolitique international a induit plusieurs autres contraintes pour l’économie Camerounaise. C’est le cas notamment de la crise en Ukraine et ses implications sensibles sur l’inflation locale. Pour ces différentes contraintes, le MINEPAT, avec l’appui de l’Institut National de la Statistique (INS), a régulièrement mené des enquêtes auprès des entreprises afin d’apprécier l’ampleur des conséquences sur leurs comptes d’exploitation. Quelques-uns des résultats les plus saisissants issus des travaux récents indiquent que : (i) ces entreprises affirmaient continuer de subir les effets de la pandémie en 2023, même si l’ampleur s’était atténuée. En effet, près de 6 entreprises sur 10 indiquaient qu’elles subissaient toujours lesdits effets, contre 9/10 en 2020. Cette persistance était essentiellement marquée chez les TPE et les PE ; (ii) près de 8 PME sur 10 indiquaient avoir été affectées par les conséquences de la crise russo-ukrainienne. Les plus touchées étaient les entreprises formelles de taille relativement grande, opérant dans la filière agro-alimentaire et qui s’approvisionnaient majoritairement à l’étranger. Sur la base des résultats de ces enquêtes, le MINEPAT a déployé son expertise pour apporter des solutions concrètes et intégrées depuis 2020, à travers notamment :

  • L’élaboration de la Stratégie globale de riposte contre la COVID-19 (Stratégie globale de Riposte et de Résilience Economique et Sociale), ainsi que du plan de relance post COVID19, afin de mieux orienter et coordonner les interventions du Gouvernement ;
  •  La participation à la recherche de financements pour l’approvisionnement du Compte d’Affectation Spéciale (CAS COVID-19) ayant pris en charge les interventions de riposte et de relance ;
  •  La mise en place d’instruments de protection sociale en faveur des populations les plus vulnérables, notamment le programme de transferts monétaires d’urgence du Projet Filets Sociaux, pour un montant global de 16 milliards de FCFA ;
  • L’accompagnement de plusieurs structures à l’identification de débouchés, en particulier à travers l’exposition-vente de leurs produits dans les grandes surfaces commerciales et lors de plusieurs foires et foras nationaux et internationaux ;
  • La conception et le déploiement, avec les autres administrations et structures impliquées, de plusieurs projets visant le renforcement de la disponibilité locale de produits de première nécessité, l’amélioration de la compétitivité des entreprises et le renforcement de l’accès aux services financiers adaptés. A ce titre, nous citons le Programme d’Appui au Renforcement de la Production Agricole du Cameroun (PARPAC), financé à hauteur de 41,3 milliards de FCFA par la BAD ; le Dispositif d’Appui à la Compétitivité du Cameroun (DACC), ayant bénéficié de 6,6 milliards de l’UE ; l’Opération de Soutien au Secteur privé Camerounais (OSSP-CMR), soutenu à hauteur de 12 milliards environ par la BADEA, et le Projet Sécurité Alimentaire dans les Territoires Ruraux du Cameroun (SECAL), appuyé par l’AFD avec 10,5 milliards environ. Ces actions, dont la liste est non exhaustive, se poursuivent dans le cadre plus général de l’atteinte de l’objectif de transformation structurelle prescrit par la SND30

Défis Actuels : Comment limiter à l’avenir l’impact des chocs exogènes sur l’économie nationale ?

ALAMINE OUSMANE MEY : Limiter l’impact des chocs exogènes sur l’économie nationale revient à améliorer la résilience de notre économie. De manière succincte, le concept de résilience renvoi à la capacité d’une économie à anticiper un choc avant sa survenue afin de mieux s’y préparer, à limiter les effets néfastes du choc une fois qu’il s’est manifesté, et à se promouvoir un relèvement rapide après le choc. Les chocs récents nous ont permis d’apprécier, d’une certaine manière, le niveau de résilience de l’économie camerounaise. Que ce soit pour la COVID-19 ou la crise en Ukraine, nos performances macroéconomiques ont été affecté relativement moins qu’ailleurs, avec des niveaux de croissance qui sont restés positifs, des déficits budgétaires maitrisés et une dette dont le service a continué d’être assuré régulièrement. A contrario, certaines économie africaines ont connu de profondes récessions, comme ça a été le cas en Afrique du Sud, en Lybie et au Gabon en 2020, et d’autres se sont déclarés en défaut de paiement comme c’est le cas de la Zambie. Pour renforcer cette résilience, les actions prioritaires se structurent autour de (i) la poursuite de la diversification de notre économie, dont les leviers ont déjà été évoqués ; (ii) la promotion de l’économie numérique, dont les activités sont moins impactées en cas de crise et qui soutiennent le développement d’autres secteurs ; (iii) le renforcement de l’inclusion financière, ce qui permet aux entreprises et aux PME notamment de faire face à leur difficultés de trésorerie en périodes difficiles ; (iv) l’amélioration de la gouvernance, notamment au niveau du dialogue avec le secteur privé, de la coordination des politiques économiques au niveau central et décentralisé, et de la mise en œuvre des réformes structurelles avec nos principaux partenaires techniques et financiers.

Défis Actuels : Alors que les besoins de financement sont de plus en plus importants pour soutenir les efforts de transformation structurelle de l’économie, certaines institutions financières internationales semblent préoccupées par le rythme d’endettement extérieur. Comment mobiliser les financements tout en évitant les risques de surendettement ?

ALAMINE OUSMANE MEY : En effet, l’objectif de transformation structurelle de notre économie passe par la mise en œuvre de plusieurs projets d’investissement d’ici à 2035, dont le coût total est estimé à plusieurs milliards de FCFA. Ceci implique une stratégie de financement cohérente, nécessairement orientée partiellement vers l’extérieur, au regard de l’ampleur des besoins et de l’étroitesse du marché local des capitaux. La mise en œuvre des projets démarrée depuis 2010, a contribué à conduire à un stock d’endettement équivalent à environ 45% du PIB, dont la dynamique a été soutenue par quelques crises récentes, notamment celle liée au COVID-19. Il convient de relever que la politique de gestion prudente de la dette observée au Cameroun, a permis à notre économie de conserver la viabilité de son endettement alors même que plusieurs pays africains ont dû se déclarer insolvables.

 Cette politique prudente continue d’être mise en œuvre, avec pour objectif notamment de favoriser les engagements concessionnels, donc de longues maturités et à taux d’intérêt réduits, mais aussi de réduire l’exposition de notre dette aux fluctuations des taux de change et taux d’intérêt internationaux. Par ailleurs, il est question d’accroitre et d’accélérer le retour sur investissement des projets financés par endettement, à travers la réduction des délais d’exécution, l’optimisation des coûts et le renforcement de l’utilisation des intrants et entreprises locales. Ceci permettra, à côté des autres initiatives en cours, d’améliorer la mobilisation des recettes intérieures pour favoriser notre capacité de remboursement.

 A côté de ces actions, les initiatives visant le renforcement et la diversification des exportations, que nous avons déjà énoncées, devraient se traduire par des recettes d’exportations plus importantes et plus résiliente aux caprices du contexte international. Toute chose qui contribuerait aussi à nous éloigner davantage du risque de surendettement.

Propos recueillis par François BAMBOU

spot_img
LIRE AUSSI
0 0 votes
Évaluation de l'article
S’abonner
Notification pour
guest

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur la façon dont les données de vos commentaires sont traitées.

0 Commentaires
Le plus ancien
Le plus récent Le plus populaire
Commentaires en ligne
Afficher tous les commentaires

ACTUELLEMENT EN KIOSQUE

spot_img

LES PLUS RECENTS

0
Nous aimerions avoir votre avis, veuillez laisser un commentaire.x