Une foule compacte amassée au lieu dit Artisanat à Yaoundé ce 3 octobre 2025. Difficile de circuler entre l’école de police et Tsinga. »Il faut contourner, ça ne passe pas », renseigne, mieux, instruit un moto-taximan officiant comme agent de police. L’homme s’est érigé en agent de direction de la circulation. Orientant les automobilistes soit vers le marché Mokolo, soit vers la ruelle opposée, pour ceux qui vont vers le quartier Bastos. De l’autre côté de cet axe routier, un autre volontaire assure la même fonction.
Issa Tchiroma Bakary, candidat du Front pour le salut national du Cameroun (Fsnc), est attendu en meeting dans le cadre de la campagne électorale pour l’élection présidentielle du 12 octobre prochain. Un podium est installé sur la route, entre l’Artisanat et le lycée de Tsinga. C’est là que le ministre démissionnaire va s’adresser aux populations de la capitale. Les piétons de plus en plus nombreux, sortis parfois des taxis et autres véhicules coincés dans les bouchons, tentent de se frayer un passage. Sifflets, klaxons, cris créent un tintamarre.
Bientôt, les bruits se font plus retentissants. Le candidat est là. On sautille, on danse, on chante. Au-devant du cortège, des hommes vêtus de T-shirts et casquettes jaunes, estampillés »Mon Bon diable ». On apprend que »ce sont les hommes d’Aristide Mono ». Le jeune universitaire engagé depuis quelques années aux côtés de l’opposition en vue d’une alternance au Cameroun, a rejoint les rangs de celui qui, après l’invalidation de la candidature de Maurice Kamto, lui semble être »le mieux à même de porter les aspirations du peuple du changement ». Le message imprimé sur les T-shirts se rapporte à la sortie de Mgr Barthélémy Yaouda, évêque de Yagoua qui en décembre dernier, avait dans une homélie critique au régime de Yaoundé, indiqué que »même le diable, on prend d’abord, et on verra après ». Évoquant l’élection présidentielle pour laquelle Paul Biya n’avait pas encore annoncé sa candidature, mais dont les signaux montraient déjà que l’homme du Renouveau n’allait pas prendre sa retraite. C’est que l’ancien membre du gouvernement tient désormais un discours aux antipodes des positions qu’il tenait du temps où il était encore aux affaires. Le véhicule de Tchiroma s’ébranle sur la place, au milieu de la foule et se gare près du podium. Cris, youyous montent en intensité.des éléments de police tentent de bloquer le passage à des jeunes forçant le passage vers le podium. Ils n’y parviendront pas. Ces »fous » de Tchiroma sont déterminés à témoigner leur sympathie à leur idole, de plus près.
Après plusieurs tentatives vaines de monter sur le podium, le candidat sera obligé de s’adresser à la foule depuis le toit de sa voiture. C’est l’ivresse: »Tchiroma, président, Tchiroma, président », scande-t-on. Rien ne peut facilement arrêter les fanatiques. Lorsque l’homme prend la parole, c’est l’extase. »Ils peuvent arrêter Tchiroma,ils peuvent même tuer Tchiroma, mais ils ne tueront pas tous les Camerounais », lance-t-il. Soutenu par le Pr Calvin Anana Oyono, pour qui »Tchiroma est l’émanation de la volonté du peuple ». Les décibels de baffles visiblement mal ajustés, sont étouffés par les bruits de la foule. Le tribun s’adresse à ses partisans et autres sympathisants, étouffé par le brouhaha d’un public presqu’incontrôlable. Pour une quarantaine de minutes, arrachant régulièrement des salves d’applaudissements.
Démission
Les partisans de l’ancien allié du gouvernement, n’en demandaient pas mieux. »Ils ont cru qu’ils pouvaient l’empêcher de parler à ses militants », défie un homme, habillé du tissu pagne du Fsnc. C’est que l’esplanade du stade Ahmadou Ahidjo a été refusée à l’opposant, quelques jours seulement après l’avoir l’avoir accordée à Patricia Tomaïno Ndam Njoya. Tout comme le stade d’Olembe. L’homme s’est donc contenté de ce cadre étroit du populeux quartier Tsinga, dans le 2ème arrondissement de la ville. Et l’homme n’a pas manqué de servir à la foule ce qu’elle souhaite entendre : le sacrifice de sa personne pour le peuple qui a soif de changement, après 43 ans d’une gouvernance Biya qui n’a pas pu »exploiter les multiples opportunités que la nature nous a offertes, pour développer ce pays’‘.
Se présentant comme l’homme de la situation, en s’appuyant sur cette démission qui marque un refus des multiples »avantages » d’un si haut commis de l’Etat, pour se mettre au service d’un peuple qui croupit sous le poids de la misère pendant qu’une minorité jouit de tous les privilèges. »Au revoir Paul Biya, Tchiroma arrive, au revoir Paul Biya, Tchiroma arrive », a entonné la foule. Concluant ainsi une rencontre au cours de laquelle ‘‘le plus important n’était pas ce qu’il va dire, mais qu’il sache que le peuple est avec lui », a lancé un fan. Convaincu qu’il est, que son champion sera le successeur de Paul Biya à Etoudi. Ce, à un jet de pierre du palais présidentiel.