Le ministre de l’Emploi et de la Formation professionnelle, Issa Tchiroma Bakary, a présidé le 9 janvier dernier, à Yaoundé la première session du groupe de travail interministériel chargé de la lutte contre la main-d’œuvre étrangère en situation irrégulière. Au centre des discussions, les amendements apportés par la loi de finances 2025 ont retenu l’attention. L’article 23, qui modifie et complète les dispositions de 2023, introduit des mesures innovantes pour encadrer davantage l’emploi des travailleurs étrangers au Cameroun. Parmi elles, des frais spécifiques désormais imposés aux consultants et experts étrangers, ainsi qu’aux structures privées de formation professionnelle.
Ces réformes, bien qu’ambitieuses, visent une seule finalité : maximiser les contributions financières de ces acteurs au développement du Cameroun. Avec une taxation équivalant à un ou deux mois de salaire brut, ajustée selon l’origine géographique, les recettes fiscales ont connu un bond spectaculaire. Ce système, en vigueur depuis 2023, est désormais étendu à d’autres catégories professionnelles, incluant des pénalités dissuasives pour les contrevenants. « Ces mesures ne sont pas qu’une question de régulation. Elles permettent de garantir une compétition équitable sur le marché du travail tout en renforçant notre souveraineté économique », a déclaré le ministre Tchiroma Bakary. Les recettes générées par la main-d’œuvre étrangère en situation irrégulière ont connu un dynamisme impressionnant. 14,4 milliards de FCFA mobilisés en 2024, soit une progression vertigineuse par rapport aux 5 milliards collectés en 2023.
DES AMBITIONS REVUES À LA HAUSSE
Loin de se reposer sur ses lauriers, le gouvernement affiche des ambitions élevées pour 2025, avec un objectif de 20 milliards de FCFA. Ce montant devrait être atteint grâce à l’élargissement de la base fiscale et à l’efficacité des contrôles. Pour les autorités, les retombées financières de cette stratégie vont bien au-delà des chiffres : elles permettent de financer des initiatives locales, d’améliorer les infrastructures et de soutenir l’emploi national. Mais les impacts sociaux ne sont pas en reste. Les mesures visent à assainir le marché du travail en favorisant la régularisation des travailleurs étrangers et en stimulant les opportunités pour la main-d’œuvre camerounaise. Les retombées de ces réformes suscitent des réactions contrastées. Si les experts financiers saluent leur efficacité, certains observateurs pointent du doigt une potentielle rigidité qui pourrait décourager les investissements étrangers. Néanmoins, le gouvernement camerounais, fort de ses résultats, semble déterminé à poursuivre cette voie. La rencontre de jeudi dernier a également été l’occasion de présenter les nouveautés introduites par la loi de finances 2025, notamment l’amendement de l’article 22 de la loi de 2023 et son enrichissement par l’article 23. Désormais, de nouvelles dispositions s’ajoutent aux frais de visa pour les travailleurs étrangers : les consultants et experts étrangers devront verser 5 % de leurs honoraires au titre des frais de visa.
MESURES COERCITIVES
« En plus des frais de visa, tout employeur recrutant un travailleur étranger en infraction aux lois et règlements en vigueur s’expose à une pénalité correspondant à trois mois de salaire brut pour chaque employé concerné ou, à défaut, au double des honoraires perçus illicitement », stipule la nouvelle loi. Par ailleurs, un groupe d’experts a été mandaté pour préciser la définition des termes « consultant » et « expert », établir une typologie des professionnels étrangers concernés par cette loi et concevoir un visa spécifique adapté à ces catégories de travailleurs. Les sanctions ne s’arrêtent pas là. Les employeurs récalcitrants seront tenus de régler des pénalités significatives, tandis que les structures privées de formation professionnelle devront s’acquitter de 300 000 FCFA pour obtenir un agrément d’ouverture et de 150 000 FCFA pour son renouvellement. Ces exigences visent à renforcer le cadre réglementaire et à assurer une gestion plus rigoureuse du marché du travail. Au cœur de cette réforme, l’objectif principal est de promouvoir une gouvernance stricte et équitable du marché de l’emploi au Cameroun.
En encadrant davantage l’activité des travailleurs étrangers, le gouvernement espère non seulement accroître ses recettes fiscales, mais aussi protéger les emplois locaux face à une concurrence jugée parfois inéquitable. Pour Issa Tchiroma Bakary, cette initiative représente une étape cruciale dans la quête d’un marché de l’emploi plus équilibré et dynamique.