vendredi, octobre 24, 2025
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Présidentielle 2025 : la psychose monte à l’approche du verdict final

À quatre jours de la proclamation officielle des résultats de la présidentielle du 12 octobre, une peur diffuse s’empare du pays. Entre files d’attente dans les marchés, rues désertées à la tombée de la nuit et restrictions administratives, les Camerounais vivent dans l’attente anxieuse du verdict du Conseil constitutionnel, prévu pour le 27 octobre.

« On ne sait jamais ce qui peut se passer après lundi. » Au marché de la Cité des Palmiers, à Douala, Jeanne N., commerçante, range nerveusement ses sacs de riz dans une petite échoppe bondée. Autour d’elle, la foule s’agite. des ménagères achètent du poisson en masse, d’autres remplissent des sacs de pâtes et de conserves.

Depuis quelques jours, la rumeur d’une proclamation anticipée des résultats — initialement annoncée sur les réseaux sociaux pour le 23 octobre — a déclenché une véritable fièvre acheteuse. La confirmation, jeudi, par le président du Conseil constitutionnel Clément Atangana que les résultats ne seraient proclamés que le lundi 27 octobre, n’a pas suffi à apaiser les esprits. Au contraire, ceux qui n’ont pas pu s’approvisionner mercredi, se sont rués dans les rayons jeudi.

Un spectacle observé à Douala, Yaoundé, Bafoussam, Bertoua. Ces villes ont également connu une forte désertion des écoles par les élèves. Certains parents, convaincus que la proclamation des résultats aura lieu ce jour et craignant une escalade de la violence, ont préféré gardé leurs enfants à la maison.

La peur s’invite dans les foyers

À Yaoundé, Juliette K. traverse chaque soir la ville pour rentrer de son travail. Depuis deux jours, elle a adopté une nouvelle routine : quitter le bureau plus tôt. « Dès 20h, les rues se vident. Même les taxis se font rares », raconte-t-elle. Jeudi soir, le chauffeur qui la ramenait de Mokolo à Nkoabang a dû faire un long détour pour trouver quelques clients éparpillés dans la capitale.

Cette atmosphère de méfiance contraste avec la vie trépidante habituelle dans cette grande ville. Dans les quartiers populaires de Yaoundé comme Mvog-Mbi, Elig-Edzoa ou Tsinga, les conversations tournent désormais autour d’une seule question : « Que se passera-t-il après la proclamation ? ». La tension est palpable, amplifiée par les vidéos de manifestations et de heurts circulant sur les réseaux sociaux.

Les autorités ont multiplié les mesures pour prévenir tout débordement. À Douala, le préfet du Wouri, Sylyac Marie Mvogo, a interdit la circulation des motos-taxis entre 18h et 6h dans une vingtaine de quartiers, dont Deïdo, Ndokoti, Bonamoussadi ou Kotto. La mesure s’étendra au jour de la proclamation et à celui de la prestation de serment du futur président.

Même scénario à Garoua et Dschang, où les préfets ont pris des arrêtés similaires pour « préserver la paix et le bon ordre public ». À Garoua, fief du candidat Issa Tchiroma Bakary, autoproclamé vainqueur du scrutin, les cortèges de partisans se sont multipliés ces derniers jours. Dans la Menoua, les autorités ont également interdit la vente de carburant en bidons et toute manifestation publique.

À Yaoundé, le préfet du Mfoundi, Emmanuel Mariel Djikdent, sillonne la ville mégaphone en main, exhortant les habitants à « préserver la paix ». « Le désordre peut être collectif, mais la sanction est individuelle », a-t-il martelé devant des commerçants du marché central et de l’avenue Kennedy.Les tensions observées depuis la fermeture des bureaux de vote se sont propagées à plusieurs villes du pays.

À Bafoussam, des militants du Front pour le salut national du Cameroun (FSNC) ont perturbé les travaux de la commission électorale ; à Dschang, des édifices publics ont été incendiés ; à Bonamoussadi, des locaux d’Elections Cameroon ont été saccagés.

Face à ces incidents, la Gendarmerie nationale rappelle sur sa page officielle qu’elle « assume pleinement son rôle régalien » et reste mobilisée ». Son message insiste sur la « préservation de la paix et la protection de l’intérêt supérieur de la nation », dans un effort de rassurer une population déjà sur le qui-vive.Le Conseil constitutionnel, qui s’est déclaré incompétent mercredi 22 octobre sur plusieurs recours introduits par des candidats et des acteurs politiques, demeure la seule instance habilitée à proclamer les résultats définitifs.

En attendant cette ultime étape, des résultats émanant prétendument de la Commission nationale de recensement général des votes, attribuant 53 % des suffrages au président sortant Paul Biya contre 35 % à Issa Tchiroma Bakary ont également contribué à mettre le feu aux poudres.

Le FSNC affirme que son candidat a obtenu 62 % des voix. Les manifestations de ses partisans dans le Nord et à Yaoundé se sont multipliés depuis lors. À Douala comme à Garoua, beaucoup prévoient de rester chez eux le jour de la proclamation. Les habitants stockent denrées et carburant, tandis que certaines entreprises envisagent de suspendre leurs activités. « On vit dans l’attente, comme avant un orage », confie un jeune conducteur de moto-taxi rencontré à Bonabéri.

Dans un message officiel, le gouverneur de l’Adamaoua, Kildadi Taguiéké Boukar, a exhorté les habitants à accueillir les résultats « dans la paix et le respect des institutions ». Même son de cloche à l’étranger. La France a recommandé à ses ressortissants au Cameroun de « faire preuve de vigilance » et d’éviter les rassemblements.

À mesure que le 27 octobre approche, l’espoir d’un dénouement apaisé se mêle à la crainte du pire. Entre attente, peur et résignation, le Cameroun retient son souffle.

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