La légère progression de 0,3 % des prix à la consommation en octobre 2025 masque des tensions beaucoup plus fortes sur les denrées alimentaires. Les prix de ce groupe ont augmenté de 0,6 % en un mois, prolongeant la tendance observée depuis février. Cette poussée résulte d’un renchérissement simultané de plusieurs produits de base : légumes, huiles, viandes, poissons et fruits de mer.
Sur douze mois, l’inflation moyenne atteint 3,7 %. Le niveau se rapproche du critère communautaire fixé à 3 % dans la zone CEMAC, mais les produits alimentaires restent le principal moteur de la hausse, avec un accroissement de 7 %. Les services de transport, eux, progressent de 4,2 %, renforçant les pressions sur les prix finaux.
Le phénomène ne se limite pas à une seule région. L’inflation varie de 2,5 % à Bertoua à 4,8 % à Bamenda. Les zones les plus touchées cumulent coûts de transport élevés, approvisionnement fragile et fluctuations de l’offre locale. À Ngaoundéré, Bafoussam ou Buea, la progression des prix dépasse 4 %. Ces écarts reflètent l’impact direct des routes dégradées, des perturbations logistiques et du coût du carburant sur les chaînes d’approvisionnement.
Dans ce contexte, les protéines animales — notamment le poisson et la volaille — deviennent plus coûteuses pour les ménages. Les produits halieutiques enregistrent une hausse marquée, qu’il s’agisse de poissons séchés ou fumés (bar, silure, carpe) ou de poissons frais comme le « kanga », la dorade ou le capitaine. Cette tendance s’explique par la hausse des charges des pêcheurs : carburant pour les embarcations, glacières, filets et frais de conservation. Ces intrants pèsent sur le coût final du poisson, d’autant que les transporteurs appliquent des tarifs plus élevés en raison du prix du diesel et des difficultés sur certaines routes.
La chaîne de valeur du « kanga » illustre cette contrainte. Les pêcheurs du fleuve ou des zones côtières doivent financer le carburant, l’entretien du matériel et les conditions de conservation du poisson jusqu’au quai. Les mareyeuses, qui assurent l’acheminement jusqu’aux marchés urbains, paient davantage pour le transport, les taxes locales et la manutention. Les détaillants répercutent ensuite ces hausses sur les consommateurs, parfois en ajoutant des marges nécessaires pour compenser les pertes dues à la périssabilité du produit. À chaque étape, les coûts additionnels se cumulent.
La viande n’est pas épargnée. Les hausses concernent particulièrement le poulet de chair et le poulet local sur pieds. Les éleveurs supportent l’augmentation du prix de l’aliment pour volaille — mélange de maïs, tourteaux et compléments minéraux — fortement dépendant des coûts agricoles et des importations. L’aliment constitue la dépense principale dans la filière avicole. La hausse des intrants, combinée aux frais vétérinaires et au transport, tire les prix vers le haut. Là encore, les intermédiaires appliquent des marges pour couvrir leurs propres coûts, renforçant la pression sur les consommateurs.
L’inflation dite « sous-jacente », qui exclut les produits à prix volatils comme les fruits frais ou l’énergie, s’établit à 2,3 %. Ce niveau montre que la hausse des prix ne provient pas uniquement des fluctuations saisonnières mais aussi de mécanismes plus structurels liés aux chaînes de production et d’approvisionnement. Les produits frais progressent toutefois de 11,4 %, un rythme largement au-dessus de la moyenne générale.
La composante locale de l’inflation domine. Les biens produits sur le territoire augmentent de 4,1 %, contre 2,7 % pour les biens importés. Cette différence reflète des pressions internes : hausse des coûts de production, difficultés logistiques et demande intérieure soutenue. Pour les denrées périssables, chaque perturbation dans la chaîne — carburant, fermeture temporaire d’axes routiers, rareté de l’offre — se traduit immédiatement par un ajustement des prix.
L’ensemble de ces facteurs explique pourquoi les protéines animales, essentielles dans l’alimentation quotidienne, glissent progressivement hors de portée pour une partie des ménages.







