Antonio Guterres suggère de réviser dans l’urgence le système financier mondial, en convertissant les prêts à court terme en dette à long terme à des taux d’intérêt plus bas, pour donner des facilités aux pays les moins avancés qui empruntent à des taux plus élevés.
A quelques années de 2030, échéance fixée pour l’atteinte des Objectifs de Développement Durable (ODD), les progrès sont à améliorer. Cette observation à mi-parcours est celle du Secrétaire Général des Nations Unies. Selon Antonio Guterres, les ODD « ne sont pas là où ils doivent être ». Il relève notamment des inégalités dans l’accès au financement du fait des récentes crises. « Les multiples crises d’aujourd’hui aggravent les chocs sur les pays en développement en grande partie à cause d’un système financier mondial injuste, court-termiste, sujet aux crises et qui exacerbe les inégalités », alerte le Secrétaire général de l’ONU.
En présentant le rapport de la relance des ODD, le secrétaire général de l’Onu a relevé une « grande fracture financière » qui laisse les pays du Sud plus sensibles aux chocs. Selon les chiffres mis en évidence, la plupart des pays les plus pauvres du monde ont vu leurs paiements au titre du service de la dette monter de 35% en 2022. En novembre 2022, 37 des 69 pays les plus pauvres du monde étaient soit à haut risque, soit déjà surendettés, tandis qu’un pays à revenu intermédiaire sur quatre, qui abritent la majorité des personnes extrêmement pauvres, courait un risque élevé de crise budgétaire. De ce point de vue, le nombre de personnes supplémentaires qui vont se retrouver dans l’extrême pauvreté dans les pays en situation de surendettement ou à haut risque de le devenir est estimé à 175 millions d’ici 2030. Parmi elles, 89 millions de femmes et de filles. L’ONU fait aussi remarquer qu’avant la récente hausse des taux d’intérêt, les pays les moins avancés qui empruntaient sur les marchés internationaux des capitaux payaient parfois des taux de 5 à 8%, contre 1% pour de nombreux pays développés. Face à cette inégalité, l’ONU appelle à une transformation du système financier mondial
Un système financier égal à tous
Dans le modèle proposé par l’Onu, il faudra augmenter le financement abordable à long terme. « Le coût élevé de la dette et les risques croissants de surendettement exigent une action décisive pour mettre au moins 500 milliards de dollars par an à la disposition des pays en développement et convertir les prêts à court terme en dette à long terme à des taux d’intérêt plus bas », indique Antonio Guteres. Il souligne qu’augmenter le financement de 500 milliards de dollars (307 946 600 000 000 FCFA) par an est bien possible, si on procède par une combinaison de financements concessionnels et non concessionnels.
La transformation souhaitée devrait s’adosser au plan de relance des ODD qui définit trois domaines d’action immédiate. S’attaquer au coût élevé de la dette et aux risques croissants de surendettement, notamment en convertissant les emprunts à court terme à taux d’intérêt élevé en dette à long terme (plus de 30 ans) à des taux d’intérêt plus bas. Deuxièmement, augmenter massivement le financement à long terme abordable pour le développement, notamment en renforçant la base de capital des banques multilatérales de développement, en améliorant les conditions de leurs prêts et en alignant tous les flux de financement sur les ODD. Troisièmement, étendre le financement d’urgence aux pays qui en ont besoin, notamment en intégrant des clauses de catastrophe et de pandémie dans tous les prêts souverains, et émettre plus automatiquement des droits de tirage spéciaux en temps de crise. Antonio Guteres appelle à « une volonté politique urgente» pour réaliser ce plan.
Analyse
Henri kouam, expert financier
« Les pays riches devraient envisager un allègement immédiat «
Cet appel de l’ONU intervient à un moment délicat où les pays en développement sont confronté aux risques liés à la guerre en Ukraine, aux effets persistants de la pandémie de COVID-19 et à des niveaux d’endettement excessivement élevés. L’encours de la dette extérieure totale de l’Afrique, c’est-à-dire la dette accumulée par les entités des secteurs public et privé et due aux prêteurs étrangers, a dépassé 1 000 milliards de dollars et les coûts annuels du service de la dette ont franchi le seuil des 100 milliards de dollars pour la première fois en 2021. La dette extérieure reste très concentrée en Afrique, puisque neuf pays seulement détiendront les deux tiers de l’encours total de la dette extérieure de la région en 2021 : l’Afrique du Sud (détenant 15 % de la dette extérieure totale de l’Afrique), l’Égypte (13 %), le Nigeria (7 %), l’Angola (7 %), le Maroc (6 %), le Soudan (6 %), la Tunisie (4 %), le Kenya (4 %) et la Zambie (4 %).Principaux points du communiqué de l’ONU. S’attaquer à la dette élevée; accroître le financement à long terme;étendre le financement d’urgence aux pays qui en ont besoin. Tout d’abord, les banques multinationales doivent accroître leurs prêts en augmentant leurs fonds propres, en faisant jouer l’effet de levier sur les capitaux existants et en appliquant les recommandations précédentes du cadre d’adéquation des fonds propres du G20. En outre, les droits de tirage spéciaux du FMI doivent être déstigmatisés. Les pays doivent veiller à ce que leurs investissements soient conformes aux objectifs de développement durable des Nations unies. Le secrétaire général Antonio Guetteres a fait une remarque très pertinente. De nouvelles dettes ne résoudront pas le problème. Les pays riches devraient envisager un allègement immédiat pour tous les pays dans le besoin, notamment par le biais de suspensions de dettes, de reprofilages, d’échanges et de réductions de valeur.