Lutte contre la pauvreté : comment le projet de filets sociaux « donne du sourire » aux ménages

Aux quatre coins du Cameroun, il procure aux bénéficiaires des allocations monétaires ou des emplois temporaires sur des chantiers de travaux publics. Le principe d’après la Banque mondiale, leur prêter main-forte en cas de coup dur et les aider à sortir de la pauvreté.

Fadimatou Garba a 31 ans, quatre enfants et vit à Yaoundé. Son mari est décédé il y a cinq ans, il était celui qui subvenait seul aux besoins de la famille. Pour la jeune veuve, nourrir ses enfants était devenu un combat de tous les jours. Mariée très tôt et sans diplôme, elle n’avait guère de perspective, et l’avenir de sa famille apparaissait bien sombre.

Plus de 25 % de la population camerounaise vit sous le seuil de pauvreté, et la crise causée par la pandémie a encore aggravé les choses, en y plongeant 400 000 personnes supplémentaires, en frappant plus durement les jeunes, d’après une étude de la Banque mondiale. Comme Fadimatou Garba, beaucoup de familles n’ont pas les moyens de manger plus d’un repas par jour. Quand le projet de filets sociaux a été lancé en 2004, le Cameroun ne disposait pas de stratégie nationale en matière de protection sociale ni de mécanismes coordonnés pour soutenir en priorité les populations pauvres. Cette opération est donc venue aider le pays à renforcer sa stratégie de lutte contre la pauvreté et à mettre en place un système de protection sociale efficace.

Aux quatre coins du Cameroun, le projet de filets sociaux donne de l’espoir aux ménages pauvres et vulnérables. Il procure aux bénéficiaires des allocations monétaires ou des emplois temporaires sur des chantiers de travaux publics. Le principe : leur prêter main-forte en cas de coup dur et les aider à sortir de la pauvreté. « J’étais tellement heureuse d’apprendre que je faisais partie des bénéficiaires, cela a changé ma vie. La seule chose que je pouvais et savais faire, c’était coudre », raconte Fadimatou Garba. « Alors, avec l’argent des allocations que j’ai reçues entre 2017 et 2019, j’ai d’abord commencé à coudre à la maison puis, l’année suivante, j’ai pu louer un petit espace au marché de la Briqueterie et ouvrir un atelier de couture. La Covid-19 a ralenti l’activité, mais les clients reviennent désormais, et j’ai les moyens d’envoyer mes enfants à l’école et même d’aider d’autres orphelins dans le quartier. »

ATTENUER LES ALEAS FINANCIERS

Le projet a pour principaux objectifs d’atténuer les aléas financiers, de permettre aux bénéficiaires d’entreprendre de petits investissements productifs ou des activités génératrices de revenus, et de faciliter les dépenses d’alimentation, d’éducation et de santé. Il s’emploie également à combattre le chômage des jeunes : les moins de 35 ans représentent près de la moitié des participants au programme de travaux publics.

À 33 ans, Valentin Yokono doit lui aussi pourvoir aux besoins de sa famille. Il élève seul ses trois enfants et s’occupe de sa mère, âgée de 72 ans et aveugle. « Malgré mes diplômes, j’enchaînais les boulots mal payés. Je ne gagnais pas assez pour envoyer mes enfants à l’école ou payer les traitements de ma mère. J’avais du mal à m’en sortir », confie le père de famille. « Avec l’argent que j’ai gagné, j’ai pu réparer ma moto et j’ai décidé de devenir chauffeur. Pour la première fois de ma vie, j’arrivais à entrevoir l’espoir d’un avenir meilleur. Je n’ai plus besoin de travailler de l’aube au coucher du soleil, c’est moi qui choisis mes horaires de travail et, surtout, je gagne suffisamment pour payer les soins de ma mère et les frais de scolarité des enfants. »

À la fin de l’année 2021, ce sont 177000 familles au total qui avaient bénéficié du dispositif de transferts monétaires, tandis que 101 000 ménages avaient été intégrés dans le programme de travaux publics. Le projeta également donné lieu à des mesures d’accompagnement, sous la forme de sessions d’information et de formation destinées à favoriser le développement intellectuel et physique des enfants et à guider le démarrage ou l’expansion d’activités génératrices de revenus.

L’avenir du Cameroun dépendra de sa capacité à offrir de meilleures perspectives à sa jeunesse. Les autorités camerounaises et la Banque mondiale travaillent actuellement sur un nouveau projet visant à élargir la couverture du programme de protection sociale et à accroître son appui en faveur des jeunes hommes et femmes. Deux nouvelles initiatives pour les jeunes entrepreneur(e)s (travailleurs indépendants ou chefs d’entreprise) seront lancées cette année. Elles offriront aux familles qui en bénéficieront la possibilité d’investir dans des activités productives, d’améliorer la santé et l’éducation de leurs enfants et d’échapper à la pauvreté.

UN CREDIT DE 95 MILLIARDS APPROUVE

A noter que la Banque mondiale soutient l’accès à des filets sociaux et des moyens de subsistance au profit de plus de 200 000 personnes vulnérables au Cameroun.

Le 09 mars 2022, elle a approuvé aujourd’hui un crédit de l’Association internationale de développement (IDA) d’un montant de 95,5 milliards FCFA, destiné à permettre au Cameroun d’étendre et moderniser son système de protection sociale ainsi qu’offrir de meilleures perspectives d’emploi aux jeunes urbains en situation précaire. Le Projet pour le développement de filets de protection sociale adaptative et l’inclusion économique vise à étendre la portée et la capacité de réponse aux chocs du système de filets sociaux pour les ménages pauvres et à accroître l’accès des jeunes dans les zones urbaines à des activités génératrices de revenus et à des possibilités d’entrepreneuriat.

Il bénéficiera à des ménages pauvres et des jeunes de 18 à 35 ans vivant en milieu urbain, les personnes déplacées à l’intérieur du pays représentant une part importante des bénéficiaires. Il devrait bénéficier à 217 500 bénéficiaires directs et permettre de larges retombées positives en termes de réduction de la pauvreté et de création d’emplois pour les ménages et les communautés concernés. En outre, le projet financera la création d’un registre social et d’un système de paiement numérique qui amélioreront la capacité des pouvoirs publics à verser des prestations sociales rapidement, en toute sécurité et de manière transparente. « La portée des dispositifs d’aide sociale reste limitée au Cameroun. Il est par conséquent essentiel de renforcer davantage les systèmes de protection sociale, en particulier pour les femmes et les jeunes, et d’amortir ainsi les chocs. La réponse à la pandémie de COVID-19 a mis en évidence la nécessité de fournir un soutien rapide aux populations touchées et vulnérables, souligne Abdoulaye Seck, directeur des opérations de la Banque mondiale pour le Cameroun. Dans ce contexte, il est particulièrement important de mettre l’accent sur l’inclusion économique des jeunes, la lutte contre le sous-emploi et la promotion de l’entrepreneuriat. »

FOURNIR DES COMPLEMENTS DE REVENUS

Le projet s’attachera à fournir des compléments de revenu destinés à développer et protéger le capital humain; encourager l’inclusion économique et l’entrepreneuriat des jeunes ; et appuyer la création d’un registre social et l’expansion du système de paiement numérique entre l’État et les particuliers.

(Rappelons que l’Association internationale de développement (IDA) est l’institution de la Banque mondiale qui ai de les pays les plus pauvres de la planète. Fondée en 1960, elle accorde des dons et des prêts à taux faible ou nul pour financer des projets et des programmes de nature à stimuler la croissance économique, réduire la pauvreté et améliorer la vie des plus démunis. L’IDA figure parmi les principaux bailleurs de fonds des 76 pays les plus pauvres de la planète, dont 39 se trouvent en Afrique. Ses ressources bénéficient concrètement à 1,6 milliard de personnes. Depuis sa création, l’IDA a soutenu des activités de développement dans 113 pays. Le volume annuel de ses engagements s’est élevé en moyenne à 21 milliards de dollars au cours des trois dernières années, 61 % environ de ce montant étant destinés à l’Afrique.

Par Amandine Atangana

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