Lutte contre Boko Haram : Quand la justice contredit Issa Tchiroma

Alors que le ministre de la communication a souvent parlé de « face news » au sujet d’une vidéo montrant des exécutions sommaires dans l’extrême-nord, sept militaires soupçonnés d’y avoir participé ont été arrêtés.

L’affaire de la vidéo montrant l’assassinat de deux femmes et de leurs enfants par des « soldats » dans la région de l’Extrême-Nord joue les prolongations. Sept militaires camerounais, soupçonnés d’avoir participé à ces exécutions sommaires ont été arrêtés. Les incriminés font l’objet d’une enquête instruite par le président de la République, Paul Biya. L’annonce a été faite dans un communiqué publié le vendredi 10 août dernier par le ministre camerounais de la Communication. Issa Tchiroma Bakary a dû se trouver dans une position embarrassante au moment où il a signé ce document. C’est que, après la diffusion de la vidéo en question sur les réseaux sociaux, le porte-parole du gouvernement avait convoqué la presse pour démontrer que la scène n’avait pas été tournée au Cameroun et qu’il ne s’agissait ni plus ni moins que d’une énième tentative de déstabilisation du pays de Samuel Eto’o. « Il s’agit à l’évidence, d’une autre manœuvre de désinformation grossière dont les faits projetés n’ont aucun rapport avec l’action menée par les forces de défense et de sécurité dans le cadre des missions qui leur sont confiées. Dans cette vaine conspiration manifeste, la vidéo qui circule actuellement n’est rien d’autre qu’une malheureuse tentative de transfiguration de la réalité et d’intoxication du public, dont il est aisé de démanteler la sincérité au regard des éléments factuels contenus dans cet horrible trucage, avec des voix off approximativement apposées sur des séquences visuelles », déclarait alors Issa Tchiroma.

Pour convaincre l’opinion nationale et internationale de sa bonne foi, le ministre de la Communication expliquait : « à l’examen de cette vidéo, les hommes concernés arborent des uniformes bariolés. Alors que le paysage et le relief indiquent clairement qu’on se trouve en zone sahélo-sahélienne. En pareille circonstance, il est constant que les tenues de combat utilisées par l’armée camerounaises sont toujours de type sahélien. Par ailleurs, toujours au registre de la tenue vestimentaire comme identifiant des armées, les équipements individuels des militaires camerounais engagés dans la zone sont des équipements de combat conformes aux standards obligatoires de port de casques lourds, de gilets par balles et de chaussures de type bottes rangers. Ce qui, manifestement, n’est pas le cas des personnes contenues dans la vidéo. Les armes arborées par les présumés soldats présentés dans la vidéo, ne sont pas celles utilisées par l’armée camerounaise dans cette zone d’opération ». Mais ce que le ministre Issa Tchiroma ignorait, c’est que, quelques semaines après que cette vidéo ait fait le tour de la toile, la justice camerounaise allait le contredire. La preuve ? Une enquête a été menée et sept présumés coupables ont été arrêtés.

Rappel des faits

Ce sont en effet des images insoutenables qui ont fait le tour des réseaux sociaux. On y voit des hommes en uniforme entraînant en brousse des femmes et des enfants et les exécutants froidement. La vidéo dure près de trois minutes. On y voit notamment deux femmes, l’une tenant un enfant par la main, l’autre portant un bébé sur le dos et juste derrière elles, les forçant à avancer, deux hommes en uniforme, kalachnikov en bandoulière. A plusieurs reprises, l’un de ces hommes gifle la première femme en lui disant « lève la calebasse qu’on te voit bien, toi, BH (appellation qui désigne au Cameroun le groupe islamiste Boko Haram, Ndlr), tu vas mourir ». Ces images (amateurs) qui semblent tournées avec un téléphone portable sont commentées en direct par un homme qui présente les deux femmes et leurs progénitures comme étant des éléments de Boko Haram récupérés après un assaut. Les deux hommes en tenue militaire font avancer les deux femmes et leurs enfants sur une piste, les poussent vers une petite colline, bandent leurs yeux, font s’agenouiller la première femme tout comme la petite fille à qui ils mettent un t-shirt sur la tête. Puis la deuxième avec le bébé sur le dos s’agenouille, les quatre sont fusillées dans le dos. Plusieurs coups de feu sont tirés, puis gros plan sur les quatre cadavres, dont le petit bébé. Tout de suite après la publication de la vidéo, Amnesty International est monté au créneau, affirmant avoir des « preuves crédibles » que les hommes armés exécutant les civils dans cette vidéo virale sur Internet étaient des militaires camerounais. L’ONG a alors appelé Yaoundé à mener une « enquête impartiale » pour que les militaires présumés responsables ne se « tirent pas impunis d’un acte aussi odieux ». Plus tard, le Royaume-Uni s’est dit « profondément préoccupé » par cette vidéo, demandant au président camerounais Paul Biya, une « enquête urgente ». Les États-Unis ont également demandé une enquête « totale et transparente » sur l’exécution de ces deux femmes et de leurs enfants.

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